La SSEB, vous connaissez?

La SSEB, c'est la Société Suisse d'Ethique Biomédicale. Je devrais vous en parler plus souvent. En fait, si les sujets dont parle ce blog vous intéressent, vous devriez devenir membre de la Société Suisse d'Ethique Biomédicale. On y parle des mêmes sujets. Et ce n'est pas une société exclusive d'éthiciens. Ses membres font toutes sortes de choses dans la vie: notre seul point commun est d'être intéressés par les enjeux éthiques de la médecine et des sciences de la vie.

En ce moment, je vous écris depuis le très joli couvent de Bigorio, au Tessin, où nous avons une fois par année une réunion où ceux qui font de la recherche la présentent. Une collègue infirmière nous raconte les résultat d'une étude qu'elle a réalisée en EMS sur la manière dont les professionnels composent avec la nécessité, et la difficulté souvent, de respecter les volontés des résidents sur les soins médicaux. C'est nuancé, intéressant, cela intriguerait certainement pas mal de gens parmi vous.  Notre prochain événement va être un symposium en avril sur la consultation d'éthique clinique. Nous publions quatre fois par année la revue Bioethica Forum, dont l'abonnement est inclus pour les membres de la SSEB. Certains d'entre vous y ont d'ailleurs écrit. Si vous allez regarder le site, vous verrez que les numéros sont en accès libre après quelques temps. C'est la Suisse, on est polyglottes, mais cela veut aussi dire que vous trouverez des choses en français. Allez y faire un tour: je pense que ça va vous intéresser...

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Mes collègues: libido noscendi

C'est le moment du billet d'Alex Mauron dans la Revue Médicale Suisse. L'image? Un graphique sorti des archives d'Exxon Mobile, et qui daterait de 1981. Il montre les fluctuations du climat prévues avec l'augmentation des gaz à effet de serre, et en bas les fluctuations attendues sans augmentation des gaz à effet de serre. En 1981. Oui, ils savaient. Entre temps, presque 35 ans d'opposition à la science du changement climatique et à la politique visant à l'amoindrir. Oui, c'est vraiment grave.
Maintenant le texte: comme d'habitude, je vous met aussi le lien.

"Le New York Times du 5 novembre nous informe que le procureur général de l’État de New York a ouvert une information judiciaire à l’encontre de la société Exxon, soupçonnée d’avoir dissimulé des données sur le changement climatique qu’elle détenait de longue date. Les chercheurs d’Exxon avaient travaillé sur la question dès les années septante et renseigné les dirigeants de la société pétrolière sur les dangers liés au réchauffement climatique. Mais par ailleurs, Exxon alimentait généreusement les campagnes de désinformation climato-sceptiques. Des révélations à ce sujet avaient déjà paru mais c’est la première fois que des conséquences judiciaires s’en suivent.

Les commentateurs ont relevé des analogies avec les activités de l’industrie du tabac. Dès les années cinquante, celle-ci menait ses propres recherches toxicologiques sur la nocivité de la fumée, tout en niant ces risques et en finançant des chercheurs chargés d’entretenir le déni ; puis le doute, dès lors que la négation pure et simple n’était plus crédible. On se souvient de l’affaire d’un scientifique sous influence de Philip Morris qui avait fait beaucoup de bruit à Genève au début des années deux mille. Le chercheur en question, professeur associé à l’Université de Genève, avait eu à l’insu de celle-ci un rôle dirigeant dans des recherches secrètes sur les effets toxiques de la fumée secondaire, tout en participant aux efforts de mise en doute de ces dangers vis-à-vis du public. Ce double langage mettait crûment en évidence la duplicité de l’industrie du tabac et lui fut très dommageable dans les poursuites qu’elle encourut devant les tribunaux américains. Car tout en prêchant le faux, l’industrie était curieuse de savoir le vrai et c’est ce désir de savoir qui l’a piégée en définitive. Ses managers n’avaient peut-être pas lu Saint Augustin sur les curiosités malsaines …

Il est trop tôt pour savoir si les industries des énergies fossiles connaîtront un destin judiciaire semblable à celui des cigarettiers : des années de procès avec à la clé des amendes se montant à des dizaines de milliards de dollars. Il semble qu’une partie des recherches menées par Exxon étaient publiées et ne défendaient pas nécessairement des conclusions climato-sceptiques. Mais si l’enquête devait confirmer la dissimulation intentionnelle de résultats concernant l’évolution du climat, la sanction pourrait être particulièrement sévère. En effet, selon des sources anonymes citées par le New York Times, l’enquête est motivée par un soupçon de fraude financière, en l’occurrence d’avoir caché aux investisseurs des renseignements sur le changement climatique susceptibles d’affecter la profitabilité de l’industrie. Car enfumer le bon peuple, c’est assez inélégant certes… mais tromper des acteurs financiers importants qui pourraient perdre beaucoup d’argent, ce n’est vraiment pas bien du tout. Des fractures politiques pourraient apparaître au sein de la droite américaine. Le climato-scepticisme est la religion commune à tous les candidats républicains. Ceux-ci pourraient donc se retrouver en porte-à-faux avec leurs soutiens traditionnels dans le monde économique, tout en creusant leur décalage avec l’opinion publique : les trois quarts des Américains (dont 59 pour cent d’électeurs républicains) pensent désormais que le changement climatique est une réalité . Nul doute que ce thème s’invitera au premier rang des débats de la campagne présidentielle."

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Mes collègues: mesures de protection

Certains de mes collègues sont spécialisés dans l'interface entre la médecine et le droit. Parmi eux, Gérard Niveau, Thierry Wuarin, Marinette Ummel, et Sandra Burkhardt, viennent de publier un très utile article sur le "Signalement des patients adultes en situation de danger L’article 453 CC, une exception méconnue au secret professionnel." J'ai donné un séminaire avec Gérard hier et il m'a dit comme ça en donnant l'impression d'hésiter: 'Oui, cet article je pense que c'est le 453...'. Mes collègues sont parfois des cachotiers.

En tout cas voilà le résumé:
Le secret professionnel est au cœur de la tension qui peut exister entre le respect de l’autonomie du patient et la nécessité de lui apporter l’aide nécessaire en situation de vulnérabilité ou de danger. En sus des exceptions obligatoires et non obligatoires au secret médical, le nouveau droit de protection de l’adulte et de l’enfant, entré en vigueur le 1er janvier 2013, prévoit, à l’article 453 CC, que les personnes liées par le secret professionnel ou de fonction pourront signaler à l’autorité de protection la situation d’un patient qui mettrait en danger sa vie ou son intégrité corporelle, ou représenterait ce type de danger pour autrui. Cette disposition ne devra être utilisée qu’en dernier recours, lorsque la personne concernée ne consent pas à la transmission des informations nécessaires et que tout autre moyen d’aide aura été inopérant.

Allez le lire. Pour certains d'entre vous, ça va être une référence à garder sous la main pour mieux comprendre, et appliquer avec la parsimonie qui s'impose, cette nécessaire possibilité...

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Vaccination

La radio vient de rediffuser une émission à laquelle j'avais participé autour de la vaccination. C'était dans Babylone, et c'était en regard croisé avec deux excellentes collègues dont je devrais vous donner plus souvent des nouvelles dans ce blog. Claudine Burton Jeangros est sociologue, et son regard sur le domaine de la santé est toujours original et à chaque fois véritablement intéressant. Claire-Anne Siegrist, dont nous commentions la conférence, est une des actrices centrales de notre pays dans le domaine de la vaccination. L'émission se trouve ici, la conférence, qui ouvre ce billet, est ici. Allez écouter et revenez nous dire ce que vous en aurez pensé!

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Le dépistage non invasif de la trisomie 21

J'ai écrit récemment un billet sur un enjeu qui va nous accompagner ces prochaines années. Il est désormais possible de réaliser un dépistage, un test pour savoir si un risque existe ou non, de la trisomie 21 en testant directement l'ADN fetal qui se trouve dans le sang maternel. D'un côté, c'est un progrès. D'un autre, c'est aussi une possibilité qui permet peut-être des choix risqués.

Voici comme d'habitude le texte et le lien:

"Avant de me confier mes premières consultations prénatales, on m’avait soigneusement appris toute une série de choses. Parmi elles, le diagnostic de la trisomie 21. Dans le scénario typique, la grossesse était débutante et la consultation servait d’abord à la confirmer. Lorsqu’il s’agissait d’un événement heureux, c’était le moment du sourire au coin des yeux et des rêves tout roses. Et puis…et puis il fallait demander : En cas de trisomie 21, que feriez-vous ? Grand virage, là. On aurait presque vu les chaussons tricotés par la grand-mère virer aux images métalliques d’amniocentèse dans le regard intérieur des futurs parents. Mieux valait ne pas poser la question de but en blanc ; mais ce virage n’était pas entièrement évitable.

Le dépistage comportait déjà à cette époque une étape initiale dont le résultat était un rapport de probabilité. Inférieur à 1/200, le test était considéré comme négatif. Ce seuil atteint, l’amniocentèse était considérée comme indiquée pour les parents qui souhaitaient connaître le diagnostic. Arrivés à ce stade, il n’était cela dit plus vraiment temps de se demander si l’on voulait savoir ou non. Même pour ceux qui n’avaient pas déjà décidé d’interrompre en cas de trisomie, l’incertitude devenait souvent plus pesante que le risque lié à la ponction. Pour réfléchir posément, il fallait se poser la question avant le test initial. D’où la question durant la première consultation ; d’où le virage serré de cette fameuse conversation.

Cette conversation ne semble jamais avoir été une attitude établie pour tous. Ce n’est pas vraiment surprenant. Le test est après tout rassurant dans la majorité des cas : on peut comprendre que des confrères hésitent à troubler à ce point des futurs parents heureux. Une explication qu’un certain nombre de tests sont habituels en début de grossesse pour ‘vérifier que tout va bien’ tient lieu de consentement éclairé, et lorsque les résultats sont rassurants ça passe comme une lettre à la poste. Le hic, c’est évidemment que parfois ce n’est pas le cas. Pour ces couples-là, le moment d’une décision libre et réfléchie est alors passé avant d’être arrivé.

C’est dans ce scénario qu’arrive le dépistage non invasif de la trisomie 21, rendu possible par une analyse de l’ADN fœtal dans le sang maternel et dont la couverture par l’assurance maladie a été acceptée cet été. Que va-t-il changer ? En ajoutant à la précision du test initial, il va permettre de diminuer le nombre d’amniocentèses. Un progrès. En faisant intervenir un test ADN avant le stade invasif, il va introduire dans cette étape du dépistage les exigences qui accompagnent les analyses génétiques humaines, entre autres celle d’un conseil non directif, d’une vraie information. Là aussi, c’est un progrès.

Pourtant, ce test a fait controverse. Pourquoi ? En augmentant l’efficacité du dépistage de la trisomie 21, certains craignent que l’on n’améliore « l’efficacité » avec laquelle on empêchera dorénavant la naissance d’enfants atteints de trisomie. La crainte est ici également que ce ne soit justement ce que nous souhaitons faire.

La réalité est cependant que le test non invasif ne va pas limiter le nombre de personnes qui naîtront avec une trisomie 21. Ceux qui procèdent aujourd’hui à la démarche diagnostique continueront de le faire, avec à la clé un risque plus faible d’avoir besoin d’une amniocentèse. Ceux qui ne veulent pas savoir continueront de ne pas initier le processus. Avec l’addition d’un test génétique on peut même espérer que la décision des couples sera mieux réfléchie, et aura lieu dans de meilleures conditions. La crainte de ce test est donc exagérée, tout comme l’espoir (réel ou supposé) contre lequel cette crainte réagit. Un peu comme si nous étions des enfants, qui auraient peur de leur ami imaginaire… "

Que la crainte de cet outil technologique soit déplacée, cela ne veut pourtant pas dire que toute crainte est déplacée. Ces choix se font dans un contexte. La trisomie 21, cela fait très peu de temps par exemple que c'est reconnu comme un handicap congénital. Ne pas le reconnaître, c'est mettre les parents devant des obstacles évitables. C'est leur rendre plus difficile l'accès aux aides dont ils seront nombreux à avoir besoin, et dont leurs enfants seront nombreux à avoir besoin eux aussi pour mener une existence qui soit la meilleure possible. C'est sans doute aussi influencer leur choix devant un résultat positif lors d'un dépistage. Dans notre fascination pour les progrès technologiques, il est bon que nous n'oublions pas d'examiner aussi et parfois de corriger ce genre de chose...

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Les idéologies antisciences


C'est un blog de bioéthique, donc je ne vais pas vous faire à chaud un commentaire sur les attentats de Paris. A la place, je vais profiter qu'une magnifique conférence vient d'être mise en ligne pour vous la recommander. Il s'agit de la leçon d'adieu (enfin, d'au revoir) d'Alex Mauron, notre pionnier de l'éthique biomédicale qui de temps en temps écrit ici. En plus elle n'est pas entièrement sans lien: il y parle des idéologies antisciences. Autrement dit du dénisme sous ses différentes formes. Allez la regarder et ensuite venez nous dire ce que vous pensez. C'est ici.

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