Encore un médecin assassiné (2)

Il est des régions du monde où il est dangereux d'exercer la médecine. On se rappelle par exemple de nos confrères assassinés aux Etats-Unis pour avoir pratiqué des avortements dans des conditions sûres. Mais cette fois c'est en Syrie que l'on vise les soignants. Leur crime? Avoir soigné des malades. Rien que ça. Comme disait un collègue, excusez-nous d'avoir dérangé...

Que ces malades soient des blessés, et qu'ils l'aient été par la répression du régime, rend bien sûr la chose encore plus grave. Car il s'agit ici d'augmenter sciemment le nombre de victimes en intimidant, ou en éliminant carrément, ceux qui seraient susceptible de leur sauver la vie. Il s'agit aussi du symptôme d'une situation où le principe de neutralité n'importe visiblement pas (ou plus) du tout aux dirigeants. Le fondement selon lequel la médecine soigne tout le monde, sans distinctions. Et ici, surtout sans faire de distinctions entre les malades qui partageraient ou ne partageraient pas les 'bonnes' idées politiques. Le signe d'une société si scindée que 'les médecins des autres' pourraient y être ciblés sans crainte? Car après tout et qu'on le veuille ou non, ce principe de neutralité est une garantie autant pour les dictateurs et leurs appuis que pour leurs opposants...

Le signe, en tout cas, de ce que la médecine peut avoir d'admirable dans des conditions effroyablement difficiles. Il y a des collègues dont on doit être vraiment très fiers.

Mais aussi, bien sûr, un signe parmi bien d'autres du peu de poids de la vie des citoyens de Syrie aux yeux de leurs dirigeants. Car les soignants, il n'y en a pas pléthore. En tuer un, surtout dans une région du monde d'où les médecins émigrent, c'est tuer avec lui des centaines d'autres vies.

Bon, ok, ce dernier commentaire ne vaut que lorsqu'il s'agit d'un médecin qui exerce son métier. Car pour ajouter encore une touche à ce tableau déjà bien sombre, et pour respecter, là, un autre principe de neutralité, je me dois de vous rappeler que Bachar El-Hassad fut, il y a bien longtemps et dans une vie antérieure, ophtalmologue. C'est vrai, il y a aussi des collègues dont on n'est vraiment mais alors vraiment pas fiers du tout.

4 commentaires:

Simon Regard a dit…

Excellent article !
A signaler sur ce sujet grave, la campagne du CICR sur "les soins de santé en danger", en partenariat avec de nombreuses autres organisations, dont MSF.

http://www.icrc.org/fre/what-we-do/safeguarding-health-care/index.jsp

Merci beaucoup et meilleurs voeux,

Simon

Samia a dit…

Merci pour le lien, et meilleurs voeux à vous! C'est un problème qui augmente en effet, malheureusement. MSF rapportait encore récemment la mort de deux collaborateurs en Somalie. Une tragédie rendue encore plus triste quand on se rend compte que ce n'est même plus véritablement surprenant...

sophie.durieux@hcuge.ch a dit…

Plus de 6 semaines après ce billet, la situation sanitaire en Syrie se dégrade encore. Cf. les articles de Jonathan Littell qui paraissent dans le journal "Le Monde" de cette semaine, ilustrés de photos qui, comme dans celui-ci (http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/02/16/medecin-victime-bourreau_1644437_3218.html )rappellent des tableaux de Goya. Ou encore le récent dossier de presse de MSF (http://msf.fr/presse/dossiers-de-presse/en-syrie-medecine-est-utilisee-comme-arme-persecution). Je vous accorde qu'on n'a pas envie de lire des horreurs pareilles, mais il faut aller au bout, il faut le dire haut et fort et partager cette information car, pour l'instant, on est encore très loin de l'arrêt des hostilités.

Medecins bourreaux assistant les tortionnaires dans des hopitaux militaires transformés en centre de détention, contre medecins aux mains nus, qui tentent de soigner les victimes du conflit dans des caves, et qui les voient mourir, car ils manquent de tout. Professionnels de santé torturés pour avoir voulu soigner des victimes de la repression, medecin responsable du croissant rouge syrien assassiné fin janvier ( http://www.icrc.org/fre/resources/documents/news-release/2012/syria-news-2011-01-25.htm).

C'est une veritable politique "d'épuration médicale" qu'exerce le regime en place, menée par le président Al Assad, dont il est opportun de rappeler qu'il est medecin lui-même, comme le soulignait Samia fin decembre.

Utiliser la medecine comme arme de guerre à une echelle de cette ampleur dans un conflit est sans doute inédit. L'enseignement de l'éthique peut encore se developper...

Samia a dit…

Triste post-scriptum: ça continue, hélas...

Enregistrer un commentaire

Vous pouvez vous identifier au moyen des options proposées, ou laisser un commentaire anonyme. Évidemment, dans ce cas vous pouvez quand même nous dire qui vous êtes.