Authorship

Comme même des scientifiques 'adultes' tombent parfois dans le genre de pièges dont est semée la question du droit d'être auteur, j'aimerais signaler que mes collègues chercheurs m'ont demandé un mini-cours à ce sujet. Après avoir été un brin hésitante (après tout vous verrez c'est très basique), je suis chaque fois frappée par le nombre de personnes qui hochent de la tête (souvent avec soulagement) dans l'assistance. Visiblement, c'est un sujet qui parle aux chercheurs.

Alors en complément de mes commentaires sur le plagiat, que ce soit la version à la petite semaine ou celle de la cour des grands, je vous mets en ligne mes dias.

Tout autre exemple est bien sûr bienvenu dans les commentaires...

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Le plagiat à la petite semaine

Après le plagiat des grands, le plagiat au quotidien ... Car en ces temps de rentrée universitaire, je suis de nouveau frappée par la quantité de publicité envahissant ma boite à spam et me promettant -contre rémunération bien sûr- d'écrire pour moi les travaux exigés par mes professeurs.

Alors bon, je ne suis plus étudiante, ça ne m'a de toute manière jamais intéressée de signer sous des idées qui n'étaient pas de moi, je souris (un peu pincé, j'admets, le sourire) et j'envoie tout ça dans les limbes d'internet.

Sauf qu'une série de pubs particulièrement malignes m'a donné à réfléchir. On y promettait aux étudiants 'un produit 100% sans plagiat'. De qui se moque-t-on? Ben en fait...de l'étudiant qui accepte l'offre. Car l'agence ne ment probablement pas. Ils ont fait le travail sans oublier de citer les sources et d'attribuer les idées à leurs auteurs. C'est leur client qui ensuite 'copie leur copie' sans les citer comme source...et sans mentionner qu'il n'a pas fait le travail demandé, ni engrangé les progrès que c'est censé permettre. Comme on dit en latin dans le texte, Caveat emptor.

Ce serait dommage de se faire avoir. Surtout que les contrôles se resserrent, et que l'on voit malheureusement des étudiants qui semblent sincèrement ne pas avoir compris le problème. La nécessité de citer et de vérifier leurs sources, et de ne pas présenter comme original quelque chose qui ne l'est pas. Dans un environnement où les journalistes et les scientifiques 'adultes' tombent parfois dans le même genre de piège, comment en serait-il autrement?

Mais ce serait encore plus dommage de ne pas apprendre à faire mieux.

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Ce lien vers Kiva en bas à droite

Vous avez été voir les liens indiqués en bas à droite sous 'pour agir'? Non? Si vous ne lisez pas le blog de ma petite soeur musicienne, c'est possible que vous n'ayez pas encore vu le site de Kiva: micro-crédit 2.0. Vous êtes en train de manquer une expérience fascinante. Mais voilà, je l'ai maintenant mis dans un message, et vous n'avez donc plus d'excuse. En plus, je suis a peu près sûre que ça va vous plaire. Car ce n'est rien moins qu'un portail qui vous permettra de participer, pour 25$ qu'on vous rendra à la fin, à une des plus belles aventures humaines d'internet.

Qui n'a pas entendu parler de la Grameen Bank. Fondée par Muhammad Yunus en 1976, lauréate du Prix Nobel de la paix en 2006, cette 'banque des pauvres' prête des 'micro-crédits' à des personnes qui ont besoin d'un coup de pouce pour sortir de la pauvreté, mais qui n'ont pas mais alors pas du tout un profil permettant d'obtenir un crédit dans une banque 'normale'. Et il se trouve que ça marche. Une fois qu'on leur prête de l'argent dans de bonnes conditions, la plupart de ces personnes parviennent à améliorer leur situation, à rendre l'argent, et souvent à faire profiter tout leur entourage de leur nouvelle situation.

Kiva, c'est ce qui va vous permettre de devenir, depuis votre salon, un banquier des pauvres. Des partenaires du terrain basés dans le monde entier rendent visite aux candidats et les sélectionnent sur le réalisme de leur projet. Une association basée en Grande-Bretagne centralise les recommandations, et les poste sur un site web, avec l'histoire de l'entrepreneur qui demande un prêt et sa photo. Ensuite, c'est à vous de jouer. Vous prêtez, à partir de 25$, la somme que vous voulez à qui vous voulez. Est-ce que c'est risqué? Très peu. Vous ne toucherez pas d'intérêt, mais le taux de défaut de paiement est de 1.54% en moyenne. En prime, on vous donnera des nouvelles des personnes auxquelles vous aurez prêté de l'argent. C'est un magnifique exemple de la manière dont la technologie peut, aussi, servir à encourager et soutenir la coopération humaine.

En parlant de coopération, pour les personnes à l'esprit compétitif il y a même des équipes de prêt. Vous pouvez vous joindre à ceux que vous voulez pour faire grimper la somme prêtée en commun. L'équipe qui est actuellement en tête compte
5792 membres et a déjà prêté $953'750.00. Joli. C'est l'équipe des personnes sans religion. Ca aussi, c'est joli. Un bel exemple du fait que point n'est-il nécessaire d'avoir de la foi pour être généreux. Ou bon. Mais ça, Platon le savait déjà. D'autres équipes pouvant vous intéresser? La liste complète est ici, mais certains d'entre vous sont certainement (dans l'ordre décroissant des prêt pour le moment): sans religion, chrétiens, fans d'Obama, Européens, Australiens peut-être (Yael?), Belges, homosexuels (Philippe?), Français, Québecois (loin devant les Canadiens pour la plus grande fierté des francophones n'est-ce pas Martyne, et Frédéric?), Japonais (un peu, n'est-ce pas Jean-Michel?), il y a même une équipe de Suisse et (ça ne s'invente pas) une équipe de blogueurs.

Kiva, c
'est une de ces organisations qui s'inscrivent dans l'émergence d'une autre forme d'expertise: savoir aider, savoir donner juste, voilà une chose que l'on est prêts à cibler et juger, avec discernement. Suffit, l'époque où l'on se contentait de 'donner pour la bonne cause' sans se soucier des compétences à aider de l'institution bénéficiaire. C'est aussi un bel exemple de la proximité que permet le virtuel. Du fait que connaître l'histoire de quelqu'un nous motive. Que 'se voir de plus près' c'est parfois juste ce qui nous manquait pour faire des choses bien, plus facilement.

Mais je vous fais perdre du temps. Allez plutôt voir vous-même.

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Le plagiat dans la cour des grands

Il semble malheureusement que, plus la publication scientifique génère de la confiance, et plus il faut s'attendre à ce que certains souhaitent détourner son crédit à leur avantage. On a ces temps de frappants exemples de ce phénomène, par où le système montre les limites de sa capacité de régulation actuelle. Et par où l'on voit une fois de plus que la culture scientifique nécessite parfois des cours de rattrapage...

Vous vous rappelez la palme du déguisement en scientifique, décernée sur ce blog à Merck pour avoir créé son propre journal de toutes pièces? Cette fois, c'est Wyeth qui s'est trouvée sous le feu des projecteurs. Ils avaient payé pour la rédaction de 26 articles 'scientifiques', qu'ils avaient ensuite fait publier dans plusieurs journaux scientifiques sous le nom de chercheurs réputés qui avaient fait office de prête-nom. L'histoire est sortie lors d'un procès intenté par des femmes qui, tombées malades alors qu'elles étaient sous substitution hormonale, accusent le fabricant. Les articles, publiés entre 1998 et 2003, mettaient en exergue les avantages du produit et en marge les risques. Ils ne mentionnaient jamais leur origine. Du coup, la justice américaine a décidé de rendre publique une archive de 1500 documents détaillant ce processus de 'ghostwriting', ou 'auteur fantôme' en français dans le texte. Le résultat: toute une archive sur internet, et beaucoup de questions sur la fiabilité de tout un pan de recherches.

Aïe.

Comment en arrive-t-on là? Dans la pratique, il semble le 'ghostwriting' se passe à peu près comme ça: vous êtes un chercheur surchargé, vous recevez un appel d'une firme qui vous propose une publication 'clé en main', que vous n'avez plus qu'à signer. Votre carrière est jugée en partie sur le nombre d'articles que vous publiez, et le prestige des journaux où ils paraissent, donc il y a a priori un aspect tentant à la proposition. Disons aussi que vous avez la possibilité de relire l'article. Disons encore qu'il vous semble bien fait, convaincant, et que vous pensez pouvoir 'vous glisser' sans difficulté dans ses conclusions. Alors, preneur, pas preneur?

Présenté ainsi, il est clair que la bonne réponse est 'pas preneur'. Signer son nom sans être l'auteur est un plagiat, et le fait que celui-ci soit consenti et rémunéré ne change rien à la tromperie exercée sur le lecteur. Mais il est en même temps clair que reconnaître ça 'sur pièce' n'est pas nécessairement évident, surtout si la tentation est forte. Et même si la plupart des chercheurs refusent ces offres, chaque personne qui l'accepte est une de trop. C'est d'autant plus inquiétant que c'est, un peu quand même, compréhensible.

Alors bon, que des firmes tentent d'utiliser ce moyen n'est pas vraiment surprenant. Les exemples de marketing agressif et parfois très, disons, moralement plutôt imaginatif s'alignent au fil du temps. Mais il devient urgent de donner aux chercheurs de meilleurs moyens pour éviter de tomber dans ce genre de piège. Car comme les formes mieux caractérisées de fraude scientifique, on sait que ça existe et que ce n'est pas réglementé avec une efficacité complète. Les solutions proposées sont surtout basées sur la visibilité des contributions à la publication dans les lieux de recherche et auprès des journaux scientifiques. Ces démarches gagneraient à être généralisées, car cette forme de détournement de science est souvent soluble dans la lumière: si on sait que ça se voit on ne peut plus le faire. Dans un domaine qui fonctionne à ce point à la réputation, c'est normal, non? Mais il faut donc que cela se voie mieux, plus facilement, et ... quoi encore...ah oui, sans trop attendre...

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Victimes innocentes

'2000 personnes meurent de la grippe A et tout le monde veut mettre un masque. 9 millions de personnes meurent du SIDA et personne ne veut mettre de préservatif.'

Et si la différence révélait que nous avons, malgré nous, l'impression que le VIH (et non la grippe A) frappe des coupables plutôt que des victimes innocentes ? Bien sûr, c'est impensable. Nous avons depuis belle lurette abandonné l'idée que la sexualité c'est mal, et même si ce n'était pas le cas nous savons le nombre de victimes infectées dans leur mariage, dans leur maladie, ou dans le ventre de leur mère.

Mais ce n'est pas juste parce qu'une chose est impensable...qu'on ne la pense pas. Et ici les correspondances sont troublantes. On sait qu'on a tendance
à penser 'qu'ai-je donc fait pour mériter ça?', lorsqu'on tombe malade. On cherche un sens, au risque même de se fourvoyer. On sait aussi qu'on a assez naturellement tendance à nous considérer nous-mêmes comme innocents, même dans des circonstances que l'on reprocherait à d'autres. Cette vidéo est éclairante sur ce point. Mais...si en plus cela expliquait notre tendance à nous précipiter sur le masque, mais pas sur le préservatif? Si le VIH ne touchait dans notre imagination que 'des coupables' alors que nous serions tous, et par définition, 'des innocents'?

Ce serait là un joli casse-tête de santé publique tout prêt à nous frustrer tous.
..et tout prêt à faire de la stigmatisation qui pèse sur les malades un piège qui se refermerait droit sur nous.

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Les périls de l'autorité

Le personnage de cette petite BD a un problème moral:

'Je me sens tout bizarre au sujet de cette expérience scientifique. Les participants pensent qu'ils me donnent des chocs électriques et quand ils se rendent compte qu'il n'y a pas d'électricité et que je suis un acteur ils on l'air si soulagés!'

'Mais sans doute qu'ils se détestent après coup, sachant qu'ils sont le genre de personne qui donnerait des chocs électriques à quelqu'un juste parce qu'un type en blouse blanche leur a dit de le faire.'

'Est-ce éthique de continuer? Avons-nous le droit de faire cela?'


Et une autre voix de rétorquer: 'Continuez l'expérience'.


C'est bien sûr une parodie de la célèbre expérience de Milgram, plus connue parfois à travers le film 'I comme Icare'. Milgram avait recruté des participants en leur faisant croire qu'ils allaient l'assister pour réaliser une expérience sur l'effet des punitions dans l'apprentissage. Ils devaient poser des questions à un faux 'sujet' (en réalité, ce 'sujet' était le véritable complice de Milgram) et, si le 'sujet' donnait une réponse fausse, ils devaient lui administrer un choc électrique. Je vous rassure, c'était truqué, pas d'électricité dans l'appareil, mais un acteur à l'autre bout qui jouait celui qui en reçoit. Et qui répondait souvent faux. A mesure que la réponse n'était pas la bonne, on demandait à 'l'assistant' d'augmenter le voltage jusqu'à un maximum de...450 volts. Ce que l'on testait en réalité était jusqu'où ils obéiraient à un ordre aussi barbare. On ne les menaçait jamais, il n'y avait aucune conséquence pour eux s'ils partaient, mais chaque fois qu'ils disaient vouloir s'arrêter, l'expérimentateur leur disait simplement de continuer.

Les résultats en ont terrassé plus d'un: 65% des sujets sont allés jusqu'au voltage maximum.

Milgram les a ensuite commenté ainsi: 'J'ai réalisé une expérience simple (...) pour tester le degré de douleur qu'un citoyen ordinaire infligerait à une autre personne simplement parce qu'un chercheur lui ordonnait de le faire. L'autorité pure et simple a été opposée aux impératifs moraux les plus forts des sujets de ne pas faire de mal aux autres et, alors que les cris des victimes résonnaient aux oreilles des sujets, l'autorité a gagné dans la majorité des cas."

Comme beaucoup d'enseignants d'éthique, j'utilise cet exemple dans mes cours. Il est très utile pour illustrer un des mécanismes qui peuvent pousser des personnes ordinaires à faire des choses franchement choquantes; après tout même si on ne sait techniquement pas si l'avertissement aide à résister, c'est toujours ça de pris. Il illustre aussi très bien les difficultés éthiques liées à une étude scientifique qui exige que l'on mente aux sujets de recherche. Et comme ce sont des résultats qui dérangent, une remarque revient souvent: 'Bon, c'était au début des années 60, les gens étaient conformistes à cette époque'. Hmmm. Ce serait réconfortant bien sûr. L'ennui, c'est qu'on a répété ça en 2008. Et bien sûr ça marche encore.
Dérangeant en effet.

Dérangeant aussi qu'on ait répété l'exercice à la télévision. Malgré le commentaire un brin triomphaliste du réalisateur, pour qui cela montre que 'la télévision a une autorité légitime', c'est tout aussi probable que ce soit la foule du public qui en soit la source. On a entre temps toute une série d'études qui montrent elles aussi notre tendance au conformisme. Ce n'est donc pas surprenant que ça marche.

Par contre, c'est profondément troublant de montrer ces situations à l'écran ... et contrairement à la situation lors de recherches scientifiques, tout ça ne nous apprendra rien qu'on n'ait déjà su: c'est simplement une affaire de concurrence entre les chaînes. C'est même une excellente illustration du phénomène. Il y a sans doute là derrière une figure d'autorité qui a dit à un subordonné 'faites-le' sans entendre son refus. Et le résultat est que l'on va montrer
des personnes dans des situations capables de briser leur image d'eux-même, leur réputation, leurs amitiés...Troublant. Évidemment, c'est ce trouble sur lequel on compte pour faire de l'audimat. Mais là est justement le hic: difficile d'imaginer que la plupart des participants ont pu signer après coup un accord de diffusion. Ce voyeurisme moral, sur l'intimité de la conscience des personnes, comment le décrire? Disons cela comme ça: face au choix, lequel d'entre vous ne préférerait pas encore se dénuder, physiquement, devant une caméra?

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