J'ai croisé récemment une lectrice de ce blog. Elle m'a reconnue (j'étais sonnée). Elle était contente (j'étais toute réjouie). Mais elle me disait aussi qu'elle n'osait pas écrire de commentaires (j'étais navrée). L'éthique, c'est fait pour être discuté. D'ailleurs, je vous prépare un billet sur ce thème pour quand j'aurai à nouveau un peu plus de temps. Mais en attendant je vais vous faire, de temps en temps et en guise d'encouragement, des petites présentations exprès pour vos commentaires. Allez, courage, ces questions peuvent tous nous concerner un jour ou l'autre. Et vous pouvez commenter anonymement. En plus, promis, toutes les opinions sont autorisées dans les commentaires. Je ne couperai que les messages publicitaires et les écrits qui transgresseraient franchement les règles de la discussion civilisée.
Je vais commencer avec quelques cas basés sur un article que m'a signalé une amie. Ceux qui ont accès au journal peuvent se préparer à l'avance. Mais pas entièrement, car il n'est que juste que je modifie un peu ces cas qui ne sont pas en accès libre. Tous ces cas sont bien entendu fictifs.
Voici la première description:
Un des principes de base de l'éthique médicale est que le médecin doit œuvrer dans le meilleur intérêt de son patient. Mais il peut y avoir des différences entre le meilleur intérêt pour sa santé, et son meilleur intérêt plus global. Dans le premier cas, donc, vous êtes le médecin d'un boxeur amateur. Il vient vous voir car il a des fractures de côtes, dont il a été victime lors d'une compétition. Vous pensez qu'il faut qu'il s'arrête quelques semaines, le temps de cicatriser. Mais il vous dit que, là, justement, demain, aura lieu le match le plus important de sa vie, avec à la clé une chance de devenir professionnel. Il vous supplie de lui donner un traitement puissant contre la douleur, pour lui permettre de combattre le lendemain.
Que faites-vous? Et quelles sont vos raisons?
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6 commentaires:
Bon d'abord, je lui donnerai des anti-douleurs, parce que les fractures de côtes, cela fait mal...
ensuite très clairement, conflit entre le principe de bienfaisance, le principe de non malfaisance et le principe d'autonomie.: le principe de bienfaisance et celui d'autonomie voudraient que j'entende ses désirs plus larges, tandis que celui de non malfaisance me pousse à ne pas souhaiter qu'un nouveau coup de poing sur la cage thoracique ne fasse un pneumothorax, voire plus grave et mette en jeu sa vie, qui est plus importante qu'une potentielle carrière amateur. Je pense donc que j'essaierai de lui faire comprendre que anti-douleurs ou pas, les mouvements durant le match lui feront mal et qu'il a donc peu de chance de gagner ce match et toutes les chances de mettre sa santé en danger, dans l'immédiat et éventuellement le futur de sa carrière sportive. D'autant plus que anti-douleurs puissants égale somnolence et réflexes ralentis, ce qui dans la boxe lui donne bien peu de chance de gagner.
Si après ces explications, il veut quand même se faire casser la gueule, ma foi, il est adulte et autonome...
Dans cet exemple, on ne va quand même pas le priver d'antalgiques par peur qu'il aille faire ce match. Ce serait aussi contraire au principe de bienveillance. Ni l'attacher dans un lit, ce qui serait contraire au principe d'autonomie. Notre rôle est de traiter et d'informer, mais on ne peut pas contraindre. On doit juste s'assurer qu'il a bien compris.
voilà, curieuse de voir les autres avis.
Salut Samia, tu nous a manqué ! Content de te revoir avec une colle à la clé ;-)
On n'envoie pas quelqu'un à l'abattoir avec un analgésique si on veut qu'il soit conscient des dommages qu'il subit. Surtout si on le sait fragile. Pour le côté médical.
Ni on ne lui donne l'avantage sur son adversaire… ça serait du dopage; que deviendrait le noble art avec des telles pratiques. Pour le côté sportif.
Maintenant, je me demande si avec des côtes cassées il pourrait passer l'examen médical obligatoire d'avant le match (ou si cet examen n'est pas obligatoire partout); je passerais volontiers un coup de fil au médecin responsable du dit examen, pour me renseigner.
Le seul problème est qu'un boxeur à qui j'aurais de la sorte cassé les pieds je ne voudrais pas le croiser, même dans un couloir bien éclairé.
My initial reaction was very similar to that of Sandra: the principle of individual choice applies, and if the boxer is fully aware of the risks he is taking, the doctor has to do what's necessary to mitigate those risks. But I think there might come a time when this breaks down. To suggest a different (and wholly fictional) example: a pop singer is, over a long period, prescribed drugs to enable him to keep up with a punishing schedule of performances, which is clearly killing him. The doctor can't stop prescribing, because in effect the drugs are keeping the singer alive, for the time being at least. At what point should a doctor say that they can't continue to treat the singer if he doesn't change his ways?
(Apologies to your readers who don't read English. If I tried to write this in French it would be even less comprehensible.)
Merci à tous pour vos excellents commentaires.
Brian a proposé un autre exemple proche en anglais que je traduis pour les francophones:
Un chanteur pop a un agenda très chargé en tournée, et son médecin lui prescrit sur de longues périodes des médicaments pour l'aider à tenir le rythme, rythme par ailleurs dangereux pour sa santé. Le médecin ne peut pas s'arrêter de les prescrire, parce qu'à ce stade ces médicaments sont ce qui protège le chanteur contre certains des effets dangereux de son rythme de vie. A quel stade devrait-il refuser de continuer à traiter le chanteur à moins qu'il ne change de vie?
C'est effectivement proche. Comme le dit Sandra, on ne peut pas refuser de donner un traitement contre la douleur au boxeur par peur qu'il aille faire le match. En revanche, une fois qu'on a traité l'urgence, on pourrait en théorie lui dire que, dans ces conditions, on ne veut plus être son médecin à l'avenir. C'est donc effectivement plutôt sur ce point que porte la question qui se pose à vous si vous êtes son médecin.
@coffeeandsci: merci, je suis très touchée!
Je rebondis sur le dernier commentaire de Samia: est-il éthique de ne plus vouloir suivre un patient parce qu'il ne veut pas suivre nos conseils? alors dans le même ordre d'idées, je dois laisser tomber mes patients fumeurs et BPCO, mes patients obèses et diabétiques, voire pire, obèses, diabétiques ET fumeurs?
Je suis sceptique: avec cette attitude, nous ne suivrions plus beaucoup de patients...
Eeh oui, on a même un séminaire juste sur ce thème pour les étudiants. Ce n'est pas du tout défendable de refuser de soigner quelqu'un qui ne veut pas suivre nos conseils. Et encore moins quelqu'un qui est victime d'une maladie pouvant être influencée par le comportement. Même quand on est sûrs qu'une personne a une part de responsabilité dans sa maladie (c'est beaucoup plus sûr pour un accident de ski que pour le diabète, par exemple), la médecine n'est pas là pour juger ni punir...
Je pense que ce que Brian demandait est un peu différent. Un patient qui demande que son médecin participe a un comportement dangereux pour sa santé, c'est pareil? Je dirais que, largement, oui. C'est toujours une question de pesée des risques et des bénéfices, finalement. C'est aussi le fondement de toute une série de programmes de réduction médicalisée des risques dans la prise en charge de l'addiction par exemple. Mais les controverses qui entourent la prescription médicalisée d'héroïne, par exemple, montrent à quel point la question de "rester ou partir" peut devenir sensible dans ces eaux-là...
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