Les mots de la science

Nos conversations sont pleines de mots scientifiques. Non, vraiment. Je ne veux pas parler de jargon, d'acide acétylsalicylique (vous vous rappelez les Inconnus?). Non, je veux parler des termes qu'on utilise dans le langage courant, mais qui ont un sens plus précis -ou différent- quand ils sont utilisés dans un contexte scientifique. Du coup, on a l'impression de les comprendre. Après tout, on les connait. Mais quand on parle de science, souvent en fait on ne les comprend pas vraiment. Ces mots, ils sont intéressants. Justement à cause des malentendus qu'ils peuvent causer, ils révèlent certaines des incompréhension qui tournent autour de la démarche scientifique tel qu'elle est comprise, ou pas, par des non scientifiques.

C'est donc très utiles quand quelqu'un les recense, et la très sérieuse revue Scientific American (la version anglophone de Pour la Science) l'a fait il y a quelques temps. Sept mots, et autant d'éclaircissements qui seront du rappel pour pas mal d'entre vous, mais sur lesquels ça peut être utile d'insister. L'original est ici.

Voilà la version courte et traduite:

1. Hypothèse: ce n'est pas une supposition, si intelligente et éduquée soit-elle. C'est une explication proposée pour quelque chose que l'on peut tester.

2. Théorie: ce n'est pas une idée théorique. C'est une explication d'une partie du monde naturel qui a été confirmée par la convergence d'expériences nombreuses et d'observations répétées. Une très bonne vidéo qui explique ça (en anglais malheureusement, mais à quand des sous-titres) est ici.

3. Modèle: ce n'est pas une voiture (ou un système solaire) en miniature. C'est...des choses différentes dans des sciences différentes. Parfois, le langage scientifique ne contribue pas à sa propre compréhension!

4. Sceptique: on décrit souvent ainsi des personnes qui n'acceptent pas un fait, ou une théorie. Par exemple, on utilise le terme 'climatosceptique' pour désigner les personnes qui ne croient pas que le réchauffement climatique est réel, ou que les humains le causent. Mais le terme sceptique n'est pas juste, ici. En fait, il a deux sens différents, dont un seul est utilisé en sciences. Le premier, philosophique, est une position selon laquelle il n'y a rien de certain. Le second qualifie les personnes qui doutent de ce qui n'est pas prouvé de manière incontestable. Dans ce second sens, un sceptique est donc ouvert aux observations et aux données scientifiques, et prêt à ré-évaluer ses conclusions en en tenant compte. Cela ne désigne donc pas quelqu'un qui ne croirait fondamentalement pas en un phénomène. Dans ce second sens, donc, c'est la posture scientifique par exellence. Carl Sagan aimait dire que tous les scientifiques doivent être sceptiques. C'est le mécanisme par lequel la science se corrige continuellement, et finalement celui par lequel elle progresse. Quelqu'un qui refuse fondamentalement une position, quelles que soient les données qui viennent la démontrer? C'est un déniste pas un sceptique.

5. L'inné et l'acquis: on les oppose habituellement dans le langage courant, comme si un phénomène devait être soit inné soit acquis. Mais en termes scientifique on sait qu'ils interagissent tout le temps et que l'on ne peut pas les opposer comme ça. Des facteurs environnementaux influencent l'expression de nos gènes, parfois de manière héritable. Et on ne peut même pas déterminer 'une fois pour toutes' la part de l'un et de l'autre. Un exemple classique: la taille à l'âge adulte. Prenez une population dont l'environnement est stable depuis quelques temps. Disons, l'américain moyen. (J'ai dit 'stable' pas 'bon pour la santé'). Mesurez la taille des adultes et celle de leurs parents à leur âge, et vous constaterez que c'est la taille des parents qui est le meilleur prédicteur de la taille de leurs enfants une fois adultes. Donc, c'est génétique. Mesurez maintenant la même chose chez les enfants d'immigrés, nés aux Etats-Unis de parents qui ont grandi au Vietnam, par exemple. Vous constaterez qu'il n'y a plus de lien entre la taille des parents et celle des enfants. Ces derniers sont nettement plus grands, le résultat d'une alimentation plus abondante dans l'enfance. Donc, c'est environnemental. Inné ou acquis? Les deux, bien sûr.

6. Significatif: en termes scientifiques, ça ne veut pas dire 'important'. Ca veut dire 'très probablement pas dû au hasard'.

7. Naturel: dans le langage courant on s'en sert souvent pour dire 'bon', 'bon pour la santé', ou même 'vertueux'. Naturel est un terme pour lequel il y a de nouveau plusieurs définitions, dans les sciences aussi. Les deux plus importantes sont 'qui est le propre du monde physique' (le contraire ici est 'surnaturel'); et 'qui n'est pas le résultat de l'action humaine' (le contraire ici est 'artificiel'). Mais vous avez vu: ces définitions n'ont rien à voir avec ce qui est bien ou mal. Mais comme disent les auteurs de l'article, 'l'uranium est naturel et si vous vous en injectez assez, vous allez mourir'.

Vous je ne sais pas, mais moi je suis à chaque fois très reconnaissante quand ce genre de chose est clarifiée...

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