'Docteur, je veux bien mais pour être sûr il faudrait faire une radio, non?'
Cette phrase est un grand classique des jours où la salle d'attente est pleine. Que faire? Dire oui, laisser l'enfant être un petit peu irradié pour un petit peu de coûts de la santé -sauf que tout ça est inutile? Il arrive que l'on puisse savoir s'il y a ou non une fracture sans radiographie. Il arrive aussi que le traitement soit identique dans les deux cas, comme dans certains cas de fractures d'orteils par exemples. Va-t-on irradier l'enfant, ou faire attendre tous les autres patients 20 minutes de plus pour convaincre une mère inquiète que 'voir' ne changera rien au traitement de son enfant?
La phrase la plus répétée dans 'Dr House'? Je n'ai pas de chiffres à vous présenter, mais je parie que c'est 'faites une IRM'. Au point que je me suis demandée un temps si un fabricant sponsorisait la série.
Dans la même ligne mais plus ancien, vous vous rappelez cette magnifique scène dans 'Hannah and her sisters'? Le personnage hypochondriaque joué par Woody Allen s'imagine l'annonce de sa mort prochaine par un médecin -fictif- qui commence par afficher son scanner au négatoscope pour ensuite lui faire tout un discours qu'il ne peut entendre, obnubilé qu'il est par la peur de mourir.
Bon, pas toujours si fictif malheureusement. Mais le rôle de l'image est énorme. Elle garde à nos yeux une valeur presque sacrée. On a l'impression d'avoir bien vu, et tout vu, une fois qu'on a une image de l'intérieur de notre corps dans les mains.
Mais la réalité est plus compliquée. Les images sont techniquement très variables, souvent difficiles à interpréter, parfois inutiles.
Inutiles parfois parce qu'on ne verra rien. Une tumeur peut 'apprendre' à faire des métastases avant de devenir détectable.
Inutiles aussi parfois parce qu'on sait déjà sans avoir à 'regarder' autrement qu'avec les doigts, comme pour la fracture de l'enfant du début.
Risquées même parfois, parce qu'il n'est pas toujours certain que ce que l'on 'voit' a un lien avec le vrai problème. Celui qui cause une douleur par exemple.
Et finalement dans certains cas, inutiles parce que, on a tendance à l'oublier, on ne regarde pas qu'avec les yeux mais aussi avec le raisonnement. Voir peut ne pas suffire. Encore faut-il 'voir' (ça n'aide pas que ce soit le même verbe) que cette chose que l'on voit (avec les yeux cette fois) nécessite une action, que c'est un signe, comme on dit, significatif.
Sur ce sujet, l'excellent livre de Jérôme Groopman: 'How Doctors Think'. A recommander pour tout patient qui souhaite un peu mieux comprendre les raisonnements souvent mystérieux de son médecin diagnostiquant. Utile pour savoir où sont les pièges, mais aussi pour voir comment on peut 'voir', parfois même sans images...
Cette étape du raisonnement, nécessaire quand on regarde des images, mérite d'être dite. Les journaux parlent justement ces temps d'un cas où elle n'a pas donné le bon résultat. Où 'voir' qu'il y avait quelque chose n'a pas conduit à 'voir' que cette chose pouvait être dangereuse. Par inévitabilité ou par négligence? Dans ce cas précis, il faudra bien que la justice tranche.
Mais il faut le dire, dans de nombreux cas faire cette distinction peut être terriblement difficile. A grande échelle, les chiffres illustrent cette difficulté. Des études américaines montrent que lors de procès en négligence contre des médecins, la condamnation n'est pas très corrélée avec la faute. Elle est corrélée avec les conséquences pour la victime. Un médecin qui a commis un écart très important aux règles de l'art peut être acquitté si les conséquences pour la victime sont minimes. Au contraire, un médecin qui n'a commis au plus qu'un écart mineur (par exemple, sa main a involontairement tremblé au bloc opératoire), risque une condamnation importante si les conséquences pour la victime sont graves. Comme si la justice était d'abord compensatoire, avant de punir la faute elle-même.
Là aussi, il est parfois difficile de 'voir' la meilleure solution...
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