Imprescriptibilité: les enfants d'abord!
Texte paru dans la Revue Médicale Suisse du 26 novembre 2008
Qui a soigné des enfants victimes de maltraitance et d'abus sexuels sait qu'on a le cœur brisé en pensant à ce qui leur est arrivé. Mais on apprend aussi beaucoup de prudence, et à quel point les bonnes intentions sont parfois nocives. D'où un profond sentiment de malaise comme spectatrice de la campagne sur l'initiative 'pour l'imprescriptibilité des actes de pornographie enfantine'. Il arrive qu'on doive défendre des positions qui risquent d'être impopulaires. Ce n'est pas facile. Grand coup d'empathie, ici, pour les partis opposés à l'initiative, qui se sont mis tous ensemble pour dire leur désaccord et ont mis en exergue des points plutôt pragmatiques, moins risqués sur ce terrain que les arguments moraux.
Or justement, dans un modèle légal qui connaît la prescription ailleurs, rendre un crime imprescriptible relève de la logique de la souillure, qui jamais ne disparaîtrait sans une action purificatrice. Le problème de cette logique est que le but d’une punition n’est pas de purifier. Elle n’annule après tout pas les faits. Non, son but est …de punir. Et de prévenir de tels actes à l’avenir. L’un et l’autre sont mieux atteints par la sévérité de la peine que par la durée de prescription. La logique de l’impureté n’est pas non plus dans l’intérêt de la victime. Elle entérine une vision où sa vie se résumerait à un acte subi.
Un des aspects troublants de cette initiative est qu’en définitive elle place les intérêts de la victime devenue adulte devant ceux de l’enfant qu’elle cherche à protéger.
Car effectivement, punir le coupable aide (peut-être) sa victime à aller de l’avant. Mais le contre-projet leur donnera jusqu’à l’âge de 33 ans pour porter plainte. Maintenir cette possibilité ouverte indéfiniment ne peut être souhaitable qu’en transformant la punition en une sorte de thérapie pour la victime adulte. Une manière, comme disent les défenseurs de la peine de mort, de trouver enfin la paix. Les initiants ont raison sur un point : laisser la parole aux victimes est essentiel. Laisser décider les victimes, par contre, c'est un parfait argument pour la vengeance personnelle: l'antithèse d'un état de droit.
Qui a soigné des enfants victimes de maltraitance et d'abus sexuels sait qu'on a le cœur brisé en pensant à ce qui leur est arrivé. Mais on apprend aussi beaucoup de prudence, et à quel point les bonnes intentions sont parfois nocives. D'où un profond sentiment de malaise comme spectatrice de la campagne sur l'initiative 'pour l'imprescriptibilité des actes de pornographie enfantine'. Il arrive qu'on doive défendre des positions qui risquent d'être impopulaires. Ce n'est pas facile. Grand coup d'empathie, ici, pour les partis opposés à l'initiative, qui se sont mis tous ensemble pour dire leur désaccord et ont mis en exergue des points plutôt pragmatiques, moins risqués sur ce terrain que les arguments moraux.
Or justement, dans un modèle légal qui connaît la prescription ailleurs, rendre un crime imprescriptible relève de la logique de la souillure, qui jamais ne disparaîtrait sans une action purificatrice. Le problème de cette logique est que le but d’une punition n’est pas de purifier. Elle n’annule après tout pas les faits. Non, son but est …de punir. Et de prévenir de tels actes à l’avenir. L’un et l’autre sont mieux atteints par la sévérité de la peine que par la durée de prescription. La logique de l’impureté n’est pas non plus dans l’intérêt de la victime. Elle entérine une vision où sa vie se résumerait à un acte subi.
Un des aspects troublants de cette initiative est qu’en définitive elle place les intérêts de la victime devenue adulte devant ceux de l’enfant qu’elle cherche à protéger.
Car effectivement, punir le coupable aide (peut-être) sa victime à aller de l’avant. Mais le contre-projet leur donnera jusqu’à l’âge de 33 ans pour porter plainte. Maintenir cette possibilité ouverte indéfiniment ne peut être souhaitable qu’en transformant la punition en une sorte de thérapie pour la victime adulte. Une manière, comme disent les défenseurs de la peine de mort, de trouver enfin la paix. Les initiants ont raison sur un point : laisser la parole aux victimes est essentiel. Laisser décider les victimes, par contre, c'est un parfait argument pour la vengeance personnelle: l'antithèse d'un état de droit.
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