Une association des 'policiers contre la prohibition' le résume sur cette affiche. On l'avait aussi déjà proposé à titre de provocation. Dans cette vidéo, Jeffrey Miron, qui enseigne l'économie à Harvard, propose dans la série des 'Idées Dangereuses' la légalisation de tous les stupéfiants. Il a deux arguments: la liberté qui doit inclure la liberté de se faire du mal, et l'inefficacité des mesures de répression qui font plus de mal que de bien à l'échelle mondiale.
Et maintenant, le deuxième argument vient d'être remis sur la table par la très respectable Global Commission on Drugs. Leur rapport est ici. Vraiment, il vaut la lecture. Sous un jour très officiel, c'est une attaque en règle contre la plupart des politiques de la drogue.
Car lorsque l'on pense à comment gérer le problème de l'abus de drogues, deux de nos intuitions éthiques s'affrontent. La première, qui demeure la plus répandue sur le plan politique international, consiste à traiter la drogue sur le mode de la souillure, ou de la transgression. Ici, la drogue c'est mal. Elle doit à ce titre être réprimée à tout prix, écartée de notre vue et de nos vies, c'est en quelque sorte un péché, ses molécules sont mauvaises comme on dirait par essence. La seconde vise aussi l'exercice d'un contrôle sur l'usage des drogues, mais au nom du dommage causé à des personnes. Ici la drogue, ça cause du mal. Il s'agit de prévenir des impacts négatifs de l'usage de drogues sur la vie des personnes.
Pour les substances qui peuvent être consommées de manière à ne pas représenter un grand danger pour la santé, ce qui n'est bien sûr pas le cas de toutes les drogues, parler de consommation modérée a un sens si on s'axe sur les dommages, mais pas si on s'axe sur la transgression. Peser les effets des politiques de la drogue sur les personnes que l'on tente de protéger est fondamental si l'on veut réduire les dommages, pas nécessairement si on veut juste éviter d'être, de près ou de loin, en contact avec l'usage de drogues. Mais quand on présente les choses comme ça, il faut bien se demander: que sommes-nous prêts à faire endurer à nos semblables au nom d'une politique de la drogue basée sur...ben sur autre chose que leur intérêt?
Ce rapport pose carrément la question sur la table. Et prend parti pour la priorité à la protection des personnes. En 1998 déjà, une lettre signée de toute une série de professeurs de l'Université de Stanford déclarait "Nous pensons que la guerre globale contre la drogue fait désormais plus de mal que l'abus des drogues lui-même". Treize ans plus tard, le rapport de la Global Commission on Drugs se situe dans la même ligne. Quelques extraits du résumé:
"Il faut mettre fin à la criminalisation, la marginalisation, et la stigmatisation des personnes qui font usage de drogues mais ne causent pas de tort à d'autres."
"Il faut encourager l'expérimentation par les gouvernements de modèles de règlementations des drogues visant à affaiblir le pouvoir du crime organisé et préserver la santé et la sécurité de leurs citoyens. Cette recommandation vise particulièrement le cannabis, mais nous encourageons aussi d'autres tentatives de décriminalisation et de réglementations pouvant accomplir ces objectifs et fournir des modèles à d'autres."
"Il faut offrir des soins médicaux à ceux qui en ont besoin; s'assurer que plusieurs modalités de traitement sont disponibles, y compris non seulement la méthadone et la buprénorphine mais aussi les traitement assistés par l'héroïne qui ont fait leurs preuves dans plusieurs pays d'Europe et au Canada. Il faut mettre en pratique l'accès aux seringues et autres mesures de réduction des risques qui ont été démontrées comme efficaces dans la réduction de la transmission du VIH et autres infections par le sang, ainsi que des overdoses létales. Il faut respecter les droits humains des usagers de drogues; abolir les pratiques abusives conduites au nom d'un traitement-comme la détention, les travaux forcés, les abus psychologiques - qui contreviennent aux normes et aux standards des droits humains ou qui ôtent le droit à l'auto-détermination."
"Il faut appliquer des principes similaires aux personnes en bas de l'échelle du marché illégal des drogues, comme les fermiers, les transporteurs, et les petits vendeurs. Un grand nombre d'entre eux sont des victimes de violence et d'intimidation ou sont dépendants des drogues. L'arrestation et l'incarcération de dizaines de millions de ces personnes dans les décennies récentes a rempli les prisons et détruit des vies et des familles sans diminuer ni la disponibilité des drogues illégales ni le pouvoir des organisations criminelles. Il semble n'y avoir aucune limite au nombre de personnes prêtes à s'engager dans ces activités pour améliorer leur vie, nourrir leur famille, ou échapper à la pauvreté. Les ressources investies dans le contrôle de la drogue seraient mieux investies ailleurs: dans des activités pouvant empêcher les jeunes de commencer à consommer et aussi prévenir les problèmes de santé sérieux chez les usagers de drogues."
"Les action répressives doivent être ciblées sur les organisations criminelles et viser à miner leur pouvoir en mettant l'accent sur la prévention de la violence et de l'intimidation. Les forces de police devraient axer leurs efforts sur la réduction des risques aux individus, aux communautés, et à la sécurité nationale, plutôt que sur la réduction du marché de la drogue."
"Il faut remplacer les politiques et les stratégies basées sur l'idéologie et la facilité politique par des politiques et des stratégies fondées sur la science, la santé, la sécurité et les droits humains
- et adopter des critères adaptés pour leur évaluation."
Effectivement, une attaque en règle contre la plupart des politiques actuelles sur le plan international. Attendue depuis un certain temps. Reste à savoir quels seront ses effets.
Drogues: d'abord ne pas nuire
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