Même si nous ne le faisons pas toujours, partager est une habitude humaine de base. Dans un système de santé, c'est une habitude vitale. Maintenir, pour tous, l'accès à des soins en cas de maladie, c'est la simple reconnaissance de la fragilité physique que nous partageons. C'est aussi admettre que la médecine est un projet commun qu'aucun d'entre nous ne pourrait soutenir seul, et dont tous doivent donc pouvoir bénéficier.
En Suisse, comme dans beaucoup d'autres pays qui se portent financièrement pas trop mal, on est d'accord de payer beaucoup pour notre santé. Et pourquoi pas? Une fois le minimum vital assuré, un toit sur nos tête, à manger tous les jours, une certaine sécurité matérielle, quoi de plus important que d'ajouter des années à la vie et de la vie aux années? Nos systèmes de santé sont performants, et même s'ils coûtent cher, année après année il semble que cela nous convienne assez bien ainsi. Oui, bien sûr, à chaque augmentation des primes d'assurance on sent une certaine tension, et quand on sait combien elles pèsent sur certaines familles on le comprend bien! Mais ce qui fâche c'est l'impression qu'on pourrait financer notre système de manière plus juste, ou en améliorer le fonctionnement. On ne s'attend pas à devoir y renoncer à quoi que ce soit.
C'est exactement pour ça que les émissions diffusées cette semaine par 36.9° et Infrarouge sont importantes. Si ce n'est pas encore fait, regardez-les ici. En racontant l'histoire de personnes atteintes de maladies rares, et qui se voient en plus refuser le remboursement de leur traitement, le reportage devrait tous nous inquiéter. D'abord parce que les maladies rares sont...fréquentes. Pas une à une, mais toutes ensembles oui. Laisser de côté ces malades-là, c'est aussi mettre à risque chacun d'entre nous. Surtout que, c'est bien expliqué dans le débat, les maladies rares ne sont pas toujours celles que l'on croit. Avec le développement de traitement mieux 'taillés sur mesure', un grand nombre de cancers sont en train de devenir des 'maladies rares'.
Ensuite, parce que refuser le remboursement sur la base du diagnostic, même si c'est le même diagnostic que celui de l'arrêt du Tribunal Fédéral de l'an dernier, est arbitraire. Pourquoi? Le Tribunal Fédéral a pris un soin immense à se baser non pas sur le diagnostic, mais sur une évaluation de ce que cette patiente pouvait attendre de ce traitement dans ses circonstances. C'est un de ses points forts. Si ces patients, différents, auxquels on refuse maintenant le remboursement vont en justice, il y a fort à parier qu'ils gagneraient.
Et c'est ça qui, en fait, devrait nous inquiéter le plus. Nous avons un système qui montre ici ses points faibles. Qui n'est pas si bien protégé que ça, finalement, contre l'arbitraire. Ou plutôt, nous avons un système qui est au milieu d'un test: on verra maintenant s'il est bien protégé, ou non. Un vrai test de l'équité de notre système, ça. Car les personnes souffrant de maladies rares sont parmi les plus vulnérables. Et avoir un système juste, qui ne prive personne de traitements nécessaires, ni de traitements qui seraient accessibles à d'autres, et bien ce n'est pas un luxe, c'est une condition de vie en commun.
Se mettre d'accord sur les limites de ce que nous voulons payer, ensemble, pour tous? Cela peut choquer certains. Mais nous sommes depuis quelques années déjà devant un vrai choix de société:
Nous pouvons poser une limite, qui serait sans doute généreuse, et ne rembourser que les interventions dont on peut raisonnablement dire qu'elles font au moins une certaine quantité de bien.
Ou bien nous pouvons décider que nous ne voulons pas de limites, mais alors cela doit s'appliquer pour tout le monde et nous devons alors assumer (et après tout pourquoi pas?) que les coûts de la santé continuent de monter à peu près comme jusqu'à présent.
Ou finalement nous pouvons ne rien faire. Mais ne rien faire voudrait dire que les pressions qui pèsent actuellement sur les coûts continueront d'être simplement répercutées là où la résistance est la plus faible. Et, on l'a vu cette semaine, cela signifie parfois là où les gens sont les plus faibles. On n'a - j'espère - pas besoin de dire à quel point cela est injuste. On a - peut-être - besoin de dire que c'est aussi dangereux pour nous tous.
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