Un ordinateur sur ordonnance?

Les personnes ayant souffert un traumatisme important sont parfois victimes du syndrome de stress post-traumatique. Une sale tendance à revivre l'événement traumatisant au cours de flash-backs ou de cauchemars, qui peut mener à toutes sortes de difficultés dans la vie future. Plusieurs stratégies thérapeutiques et de prévention existent, notamment le débriefing thérapeutique des cellules de crise psychologique en cas de catastrophe.

Eh bien ces équipes auront peut-être bientôt un nouvel outil à leur disposition. Il semble que la tendance à souffrir de flash-backs puisse être diminuée...en jouant à un jeu vidéo. Et pas n'importe lequel: les chercheurs ont testé spécifiquement le vénérable Tetris, et montré qu'une séance juste après le visionnement d'un 'film traumatisant' empêchait en quelque sorte les émotions négatives de se fixer. L'interprétation, très préliminaire, serait que le cerveau dispose d'une fenêtre de temps limité pour 'fixer' un souvenir. Si on joue au Tetris pendant cette période, il est trop occupé aux tâches vidéo-spatiales pour 'imprimer' dans toute leur horreur les émotions négatives qu'il aurait sans cela reliées à la mémoire des événements.

Pour les intéressés, l'article original est ici. Alors bon, on ne peut pas vraiment simuler un vrai traumatisme dans des conditions expérimentales (heureusement!). Et pour être intéressant, l'effet devrait se confirmer sur des années, pas seulement sur une semaine. Mais c'est tout de même intéressant.

D'abord, parce qu'on entend beaucoup d'inquiétudes sur l'effet que les jeux vidéo pourraient avoir sur l'affect et le comportement des enfants. Il fallait être créatifs pour imaginer qu'on pouvait aussi se servir à buts thérapeutiques d'un effet limitant sur l'affect. Alors, sans doute, ça dérange. On a un méchant doute que ça doit forcément moins bien marcher que la thérapie plus expressive. Peut-être. Mais en médecine ce qui marche n'est pas forcément ce qu'on attend au contour.

On a aussi déjà soulevé le fait que limiter les affects liés à un traumatisme, si c'est très important chez la victime, peut poser un problème si c'est les affects négatifs du coupable. L'enjeu éthique principal, même s'il reste très hypothétique, est le risque qu'une personne puisse tenir compte de cette possibilité et passer plus facilement à l'acte. Qu'il devienne possible de s'auto-limiter à l'avance les émotions négatives, y compris celles qui nourrissent la 'mauvaise conscience'. Et donc peut-être de limiter du même coup certains obstacles internes que nous avons contre l'idée de faire subir un traumatisme à autrui.

Mais il y a aussi des circonstances où il est important de disposer d'un moyen d'éviter le syndrome de stress post-traumatique pour pouvoir venir en aide. Lorsque j'ai travaillé comme médecin d'ambulance, nous savions qu'un débriefing psychologique pouvait être obtenu sur demande. Nous nous en servions très peu, de cette possibilité. Je me disais alors que je devrais peut-être y aller plus souvent. Et voilà que je découvre que le temps que nous passions à jouer fébrilement devant l'ordinateur durant les rares heures creuses, loin d'être futilement gaspillé, était en fait thérapeutique! Génial. Je ne vous dirai pas précisément pourquoi j'ai tout à coup l'impression d'avoir été sauvée par le Tetris. C'est qu'on voit dans les urgences extra-hospitalières des situations que je ne peux pas vous raconter: après tout, qui me garantirait que vous avez le jeu adapté sous la main...?

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