Bonté humaine!

'Dieu merci!' dit-on parfois lorsqu'on l'a échappée belle. Les Anglais substitue parfois 'Thank goodness!' Merci à la bonté. Cette expression, un des tous grands hommes de notre temps, le philosophe Daniel Dennett, lui a donné il y a quelques temps un sens plutôt littéral. Et il l'a fait dans un texte très touchant. A part le fait qu'il y confirme ses positions de défenseur publique de l'athéisme, ce qui n'est pas vraiment ici la question, il y remercie aussi très sincèrement ses médecins, ainsi que tous ses autres soignants. Et bien sûr personnellement je suis plutôt émue par ça: car c'est nettement plus rare que l'on pourrait le croire, de se faire remercier comme médecin. Même lorsque, comme on l'espère, les choses se passent bien. Et puis, il y présente un risque moral dont j'ai déjà parlé ici: celui de penser que l'on a fait quelque chose de bien, alors que les actes dont il s'agit là n'ont en fait rien à voir avec le bien ou le mal que nous faisons autour de nous. Finalement, et en fait surtout, ce texte est un véritable hymne à tout ce que nous autres humains pouvons faire collectivement, et qui n'existerait jamais sans la multitude de contributions de toutes parts que nous sommes capables de joindre ensemble. Plutôt que de vous raconter davantage, je vous traduit son texte intégral. C'est assez long (avertissement) mais comme à peu près tout ce qu'il écrit ça vaut le coup:

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"Il y a deux semaines, j'ai été précipitamment conduit en ambulance dans un hôpital où il fut déterminé par CT-scan que j'avais une 'dissection de l'aorte' - l'intérieur du vaisseau sanguin principal conduisant le sang depuis mon coeur s'était déchiré, créant un tuyau à deux passages là où il n'y aurait dû y en avoir qu'un seul. Heureusement pour moi, le fait que j'avais eu un pontage coronarien il y a sept ans m'a probablement sauvé la vie, puisque le mélange de tissu cicatriciel qui avait poussé comme du lierre autour de mon cœur dans les années d'intervalle a renforcé l'aorte, évitant une fuite catastrophique par la déchirure. Après neuf heures de chirurgie, pendant lesquelles mon cœur était complètement arrêté et mon corps et mon cerveau refroidis à environ 7°C pour éviter les dommages cérébraux causés par le manque d'oxygène jusqu'au moment où la machine cœur-poumon pourrait être démarrée, je suis désormais le fier propriétaire d'une aorte et d'un arc aortique tous neufs, fait de tube de tissu Dacron résistant cousu dans la bonne forme sur le moment par le chirurgien, attaché à mon cœur par une valve de fibre carbone qui fait un petit clic rassurant chaque fois que mon cœur bat.

Alors que j'entre maintenant dans une tranquille période de récupération, j'ai de quoi penser, sur cette expérience bouleversante et encore davantage sur l'inondation de messages de soutien que j'ai reçus depuis que les nouvelles de ma dernière aventure sont sorties.

Des amis étaient pressés de savoir si j'avais eu une expérience de mort imminente et, si oui, quel effet cela avait eu sur ma bonne vieille position publique d'athéisme. Avais-je eu une épiphanie? Allais-je suivre les pas d'Ayer (qui retrouva ses esprits et insista quelques jours plus tard "ce que j'aurais dû dire est que mes expériences ont affaibli, non pas ma conviction qu'il n'y a pas de vie après la mort, mais mon attitude inflexible à l'égard de cette croyance"), ou bien est-ce que mon athéisme était toujours intact et inchangé?

Oui, j'ai effectivement eu une épiphanie. J'ai vu avec une clarté plus grande que jamais dans ma vie auparavant que quand je dis 'Thank goodness' ce n'est pas seulement un euphémisme pour 'Thank God!' ('Dieu merci!') (nous autres athées ne croyons pas qu'il' existe un Dieu à remercier.) Ce que je veux dire est réellement 'thank goodness' ('merci à la bonté'). Il y a beaucoup de bonté dans le monde, et plus de bonté tous les jours, et ce tissu humain d'excellence est réellement responsable du fait que je suis en vie aujourd'hui. C'est un digne destinataire de la gratitude que je ressens, et c'est cela que je veux célébrer ici et maintenant.

Envers qui, donc, ai-je une dette de gratitude? Envers le cardiologue qui m'a gardé en vie et bien en vie pour des années, et qui a rapidement et sûrement rejeté le diagnostic initial de rien de plus grave qu'une pneumonie. Envers les chirurgiens, neurologues, anesthésistes, techniciens, qui ont gardé mes systèmes en route pendant des heures dans des circonstances effrayantes. Envers la douzaine, environ, d'assistantes médicales, les infirmières et les physiothérapeutes, techniciens de radiologie, et la petite armée de 'piqueuses' si habiles qu'on ne sait presque pas qu'elles prennent votre sang, et les personnes qui apportaient les repas, nettoyaient ma chambre, faisait les montagnes de lessive générées par un cas si salissant, poussaient ma chaise roulante en radiologie, et ainsi de suite. Ces personnes venaient d'Ouganda, du Kenya, du Liberia, d'Haïti, des Philippines, de Russie, de Chine, de Corée, d'Inde -et des États-Unis évidemment- et je n'ai jamais vu de respect mutuel plus impressionnant que lorsque ces personnes s'aidaient l'une l'autre et vérifiait mutuellement leur travail. Mais malgré tout ce travail d'équipe, cette troupe locale n'aurait pas pu faire son travail sans l'énorme bagage de contributions par d'autres. Je me souviens avec reconnaissance de mon ami décédé, et collègue à Tufts, le physicien Allan Cormack, qui partagea le prix Nobel pour son invention du CT-scan. Allan, tu viens de sauver à titre posthume une vie de plus, mais qui les compte encore? Le monde est meilleur grâce à ton travail. Merci à la bonté. Et puis il y a tout le système de la médecine, à la fois la science et la technologie, sans lequel les meilleurs efforts par des individus seraient à peu près inutiles. Je suis donc reconnaissant aux comités éditoriaux et aux réviseurs, passés et présents, de Science, Nature, le Journal of the American Medical Association, le Lancet, et toutes les autres institutions de la science et de la médecine qui continuent de sortir des améliorations, de détecter et de corriger des défauts.

Est-ce que je rends un culte à la médecine? La science est-elle ma religion ? Pas du tout; il n'existe aucun aspect de la médecine ou de la science moderne qui ne soit l'objet de l'examen le plus rigoureux, et je peux facilement identifier une série de problèmes sérieux qui ont encore besoin d'être corrigés. C'est facile à faire, évidemment, parce que les mondes de la médecine et de la science sont déjà engagés dans l'auto-évaluation la plus obsessionnelle, intensive, et humble jamais pratiquée par une institution humaine, et ils rendent régulièrement publiques les résultats de leurs auto-examens. En plus, cette critique rationnelle ouverte, aussi imparfaite soit-elle, est le secret de l'impressionnant succès de ces entreprises humaines. Il y a des améliorations mesurables tous les jours. Si j'avais éclaté mon aorte il y a dix ans, aucune prière ne m'aurait sauvé. Ce n'est pas exactement de la routine aujourd'hui, mais mes chances de survie n'étaient en fait pas si mauvaises que ça (ces jours environ 33% des victimes de dissections aortiques meurent dans les premières 24h sans traitement, et les risques augmentent ensuite d'heure en heure).

Une chose m'a particulièrement frappé en comparant le monde médical dont ma vie dépendait maintenant, avec les institutions religieuses que j'ai étudiées si intensément ces dernières années. Un des thèmes plus doux, plus soutenant que l'on trouve dans toutes les religions (à ma connaissance) est l'idée que ce qui compte vraiment est ce qui est dans ton cœur: si tu as de bonnes intentions, et si tu essayes de faire ce qui (d'après Dieu) est juste, c'est tout ce que l'on peut te demander. Mais pas dans la médecine! Si tu as tort - surtout si tu aurais dû mieux t'y connaître- tes bonnes intentions ne compteront à peu près pas du tout. Et, alors que faire le saut de la foi et agir sans davantage d'examen de ses options est souvent célébré par les religions, c'est considéré comme un grave péché dans la médecine. Un médecin dont la foi sincère en sa propre révélation sur comment traiter les anévrismes de l'aorte le mènerait à conduire des études non testées sur des êtres humains serait sévèrement réprimandé et sans doute chassé hors de la médecine entièrement. Il y a des exceptions, évidemment. Quelques pionniers aventureux, amoureux du risque, sont tolérés et (s'ils ont finalement raison) ultimement honorés, mais ils ne peuvent exister qu'en tant que rares exceptions à l'idéal de l'investigateur méthodique, qui exclut scrupuleusement les théories alternatives avant de mettre la sienne en pratique. Les bonnes intentions et l'inspiration ne suffisent tout simplement pas.

En d'autres termes, alors que les religions ont peut-être un effet positif en autorisant de nombreuses personnes à se sentir confortables avec le niveau de moralité qu'elles sont elles-mêmes capables d'atteindre, aucune religion ne tient ses membres au niveau de responsabilité morale exigé par les mondes laïques de la médecine et de la science! Et je ne veux pas parler des standards exigés 'au top' -parmi les chirurgiens et médecins qui prennent tous les jours des décisions de vie ou de mort. Je parle des standards de soins consciencieux pratiqués aussi par les techniciens de laboratoire et les cuisiniers. Cette tradition place sa confiance dans l'application illimitée de la raison et de l'enquête empirique, la vérification et re-vérification, et l'habitude sans cesse cultivée de se demander 'Et si j'avais tort?' En appeler à la foi ou à l'appartenance au groupe n'est jamais toléré. Imaginez la réception qui attendrait un scientifique s'il essayait de prétendre que d'autres ne pouvaient pas répéter ses résultats parce qu'ils ne partageaient pas la croyance des personnes de son laboratoire! Et, pour en revenir à mon point principal, c'est la bonté de cette tradition de la raison et de l'exploration ouverte du monde que je remercie d'être en vie aujourd'hui.

Mais, cela étant, que dire à ceux de mes amis religieux (et oui, j'ai pas mal d'amis religieux) qui on eu le courage et l'honnêteté de me dire qu'ils avaient prié pour moi? Je leur ai volontiers pardonné, car il y a peu de circonstances plus frustrantes que de ne pas pouvoir aider une personne qu'on aime, directement ou indirectement. J'avoue avoir regretté de ne pas pouvoir prier (sincèrement) pour mes amis ou ma famille lorsqu'ils avaient besoin d'aide, et je comprends ce besoin, même si j'en reconnais clairement l'inutilité. Je traduis les remarques de mes amis assez librement en une version ou l'autre de ce que mes amis sans religion me disent: "J'ai pensé à toi et espéré de tout mon cœur [une autre chose que l'on fait pour soi, inefficace mais irrésistible] que tu te sortirais de là sans problème." Le fait que ces chers amis aient pensé à moi ainsi, et aient fait l'effort de me le dire, est en soi, sans nul besoin d'apport surnaturel, un magnifique tonique. Ces messages de ma famille et de mes amis du monde entier m'ont, dans mon cas littéralement, chauffé le cœur, et je suis reconnaissant pour le boost à mon moral (à des niveaux carrément maniques j'en ai bien peur) qui en a résulté. Mais je ne plaisante pas quand je dis qu'il m'a fallu pardonner aux amis qui m'ont dit qu'ils priaient pour moi. J'ai résisté à la tentation de répondre "Merci, j'apprécie beaucoup, mais avez-vous aussi sacrifié une chèvre?" Je ressens à ce sujet la même chose que je ressentirais si l'un d'entre eux m'avais dis "Je viens de payer un médecin vaudou pour jeter un sort pour ta santé." Quel crédule gaspillage d'argent qui aurait pu servir à des projets plus importants! Ne vous attendez pas à ma gratitude, ou même à mon indifférence. Oui, j'apprécie l'affection et la générosité d'esprit qui vous a motivés, mais j'aimerais beaucoup que vous ayez trouvé une manière plus raisonnable de l'exprimer.

Mais ne suis-je pas terriblement dur? Certainement que ça ne fait aucun mal au monde si ceux qui peuvent le faire sincèrement prient pour moi? Non, en fait je ne suis pas du tout sûr de cela. D'abord, s'ils voulaient vraiment faire une chose utile, ils pourraient consacrer le temps et l'énergie qu'ils mettent à prier pour un projet urgent pour lequel ils peuvent quelque chose. Ensuite, nous avons maintenant des fondements solides (par exemple l'étude de Benson publiée récemment à Harvard) pour penser que la prière d'intercession ne fonctionne tout simplement pas. Toute personne dont la pratique méprise ces données fragilise subtilement le respect pour cette même bonté que je remercie ici. Si vous insistez pour garder en vie le mythe de l'efficacité de la prière, vous devez au reste d'entre nous une justification contre les données existantes. D'ici à ce que vous en ayez une, je vous excuserai de prendre plaisir à vos traditions; je sais à quel point les traditions peuvent être un réconfort. Mais je veux que vous reconnaissiez que ce que vous faites est, au mieux, moralement problématique. Si vous êtes capable même de contempler l'idée de faire un procès à un médecin qui ferait une erreur en vous traitant, ou à une compagnie pharmaceutique qui n'aurait pas conduit tous les tests contrôlés requis avant de vous vendre un médicament qui vous aurait causé un dommage, vous devez admettre que vous adhérez aux standards élevés de vérification rationnelle auquel le monde médical se tient lui-même, que vous continuez d'accepter une pratique pour laquelle il n'y a aucune justification rationnelle connue du tout, et que vous considérez faire ainsi une contribution. (Essayez d'imaginer votre réaction si une compagnie pharmaceutique répondait à votre procès en disant allègrement "Mais nous avons prié beaucoup et sincèrement pour le succès de ce médicament! Vous voulez quoi encore?")

La meilleure chose lorsqu'on dit merci à la bonté à la place de Dieu merci est qu'il y a en fait vraiment de nombreuses manières de repayer sa dette envers la bonté - en s'engageant à en créer davantage, pour le bénéfice de ceux qui nous suivront. La bonté existe sous de nombreuses formes, pas seulement la médecine et la science. Merci à la bonté pour la musique, par exemple, de Randy Newman, qui n'existerait pas pas tous ces magnifiques pianos et studios d'enregistrement, et bien sûr sans les contributions de tous les grands compositeurs de Bach à Wagner à Scott Joplin et les Beatles. Merci à la bonté pour l'eau potable dans nos robinets, la nourriture sur nos tables. Merci à la bonté pour les élections justes, le journalisme véridique. Si vous voulez exprimer votre reconnaissance à la bonté, vous pouvez planter un arbre, nourrir un orphelin, acheter des livres pour les écolières du monde musulman, ou contribuer de mille autres manières pour améliorer la vie sur cette planète, maintenant et dans le futur proche.

Ou bien vous pouvez remercier Dieu - mais l'idée même de repayer Dieu est ridicule. Que pourrait faire un Être omniscient et omnipotent (l'Homme Qui A Déjà Tout) d'un négligeable repayement de votre part? (Qui plus est, selon la tradition chrétienne Dieu a déjà racheté la dette pour toute l'éternité en sacrifiant son propre fils. Essayez de rembourser cette dette!) Oui, je sais, ces thèmes ne doivent pas être compris littéralement; ils sont symboliques. Je l'admets, mais alors l'idée que, en remerciant Dien vous faites véritablement quelque chose d'utile doit aussi être compris de manière symbolique. Je préfère le vrai bien au bien symbolique.

Néanmoins, j'excuse ceux qui prient pour moi. Je les vois comme des scientifiques têtus qui résistent à la preuve que les théories qu'ils n'aiment pas sont vraies, longtemps après qu'une admission gracieuse aurait été la réponse adéquate. Je vous applaudis pour votre loyauté à votre position - mais rappelez-vous: la loyauté à la tradition est insuffisante. Vous devez continuer de vous demander: Et si j'avais tort? Car finalement, je pense que l'on est en droit d'exiger des personnes religieuses qu'elles se tiennent aux même standards moraux que celles qui obéissent aux standards moraux laïques de la science et de la médecine."

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Évidemment, ceux qui connaissent ses écrits savent qu'il est lui-même un exemple sur lequel on pourrait ajouter 'et de la philosophie'. Merci à la bonté pour vous, Mr Dennett. Tiens, d'ailleurs voilà une excellente occasion de relire quelques uns de vos bouquins.

11 commentaires:

Unknown a dit…

"nos actes n'avaient en fait rien à voir avec le bien ou le mal que nous faisons autour de nous" : je trouve ça un peu léger comme formulation. Dans ce cas, je peux choisir de faire les pires crasses aux gens que je côtoie pour maximiser mes avantages, ça revient au même que si j'essaie d'éviter de le faire. Cela me rassure, je peux ... (censuré) ... tout le monde l'esprit tranquille !

Samia a dit…

En fait, cette phrase veut dire exactement le contraire de ce que vous semblez comprendre: on doit en effet juger le caractère moral d'un acte (au moins entre autres) sur la base du fait qu'il fait du bien ou du mal autour de nous. Mais le lien qui est dans la phrase renvoie à des exemples d'actes totalement neutres. A-t-on le droit de penser qu'on 'fait le bien' si on pense très fort à quelqu'un sans l'aider? Là est la question. Je répondrais que non. Il me semble que vous seriez d'accord. C'est touchant, sans doute, que l'on pense à quelqu'un, mais on ne peut pas dire que cela suffit pour 'faire le bien'.

Unknown a dit…

Penser à quelqu'un n'est effectivement pas 'faire le bien'.

Cela dit, il y a beaucoup de types différents de "croyants", et nombreux sont ceux qui ne mélangent pas le "comment" et leur foi.

Samia a dit…

Oui c'est juste! En fait j'avais choisi exprès un exemple d'acte 'inutile' qui regroupe les 'croyants' et les non croyants. Penser à quelqu'un, cela nous arrive heureusement à tous. Penser que ça l'aide, tout seul sans rien d'autre, aussi! Même si c'est malheureusement faux...
D'un côté ce serait bien si ça fonctionnait... mais alors il faudrait sans doute aussi accepter que 'vouloir du mal' à quelqu'un soit efficace de manière tout aussi isolée. Vous je sais pas, mais moi je trouve au fond plutôt rassurant que tout ça ne marche pas.

Unknown a dit…

Heureusement, les dégats que ça ferait sinon ! En plus, c'est comme pour les oeuvres de fiction, dès qu'il y a trop de "pouvoirs", ça a tendance a devenir complètement chaotique et inintéressant.

Personnellement, je suis scientifique et "croyant en" (pas "croyant que"). Ma position de "croyant en" relève de l'ordre du défi philosophique et existentiel absurde(je sais que les chances que mon libre défi corresponde à quoi que ce soit sont quasi-nulles), qu'il est possible en bonne partie d'interpréter dans le cadre mémétique (ça serait trop long à développer ici, je le fais déjà suffisamment sous le pseudo judem sur le site d'OldCola), mais avec une conception différente de la valeur que celles du genre de Dawkins par exemple.

En bref, la science est ce qui concerne la structure du jeu, les règles du jeu et les stratégies. C'est le minimum raisonnable à maîtriser au maximum par tout le monde pour agir le plus efficacement (un autre minimum raisonnable est le "vivre ensemble"). Cela ne dépend pas de nous et nous n'avons pas à nous en vouloir. Par contre, même si le jeu était complètement différent (autres lois de la physique par exemple), cela ne change pas grand chose : ce qui importe le plus est qu'il y ait des degrés de liberté pour des êtres conscients, c'est à dire que ce qui importe réellement est ce qui dépend de nous, que ce soit des actions ou des pensées.

A un tout autre niveau se situe par exemple la culture qui elle dépend au maximum de nous et de nos choix et, contrairement à la science qui pourra être retrouvée par toute créature suffisamment intelligente en tout temps et en tout lieu compatible avec la vie, les "vécus mentaux" qu'elle véhicule s'effacent irrémédiablement (même s'ils laissent des traces matérielles qui leur perdurent quelques temps). C'est pour ça que j'y accorde une importance particulière, y compris notamment aux spiritualités et religions (même si une majorité de croyants et de leurs chefs en donnent une image souvent assez déplorable). Il faut entre autres ne pas confondre le jeu dans lequel on joue (auquel on a accès par la science) avec ce que l'on fait vivre lorsque l'on joue (appelé "jeu" aussi), que cela coïncide avec autre chose ou pas. Ce qui n'empêche pas de spéculer théologiquement.

Dans tous les cas, même sous l'hypothèse de l'existence de Dieu, il me parait raisonnable que son existence ne puisse pas être prouvée, par exemple avec la prière d'intercession, sans quoi nous n'aurions plus qu'à être une bande d'esclaves !

Par contre, la prière peut aider à mobiliser des ressources psychologiques personnelles en situation difficile.

Samia a dit…

"d'interpréter dans le cadre mémétique": ça tombe bien sûr particulièrement bien que vous fassiez ces liens justement dans un commentaire d'un message qui traite de Dennett...
Clin d'oeil ici aux lecteurs de 'Elbow room', mais aussi de 'Darwin's dangerous idea'...

Anonyme a dit…

Salut,

D'abord merci à Samia pour le travail de traduction que ma paresse naturelle m'empêche de faire. Je profiterai pour faire des liens à l'occasion. Et comme Dennett est un de mes favoris je pense que l'occasion se présentera souvent.

"Pas vu, pas pris" dit la maxime (elle est fausse, mais faisons comme si elle était vrai). Et pour être "vu" en permanence on fait croire à l'oeil au ciel qui voit tout, qui sait tout, qui peut tout (y compris juger et punir quiconque). Puis on pousse un petit peu, non pas seulement il voit tout, mais il entend tout, y compris nos pensées, qui éditées de façon adéquate (appelons ce mode édité prière) serviront pour que l'oeil au ciel agisse à notre place, mettant sa puissance à notre service, pour qu'on puisse se rouler les pouces la conscience tranquille qu'on a fait ce qu'il fallait : attirer son attention sur quelque chose qu'il voyait mais dont il ne se sentait pas concerné avent qu'on lui en parle !

Prions mon frère et ma soeur et l'oeil infiniment juste (1) pourvoira aux besoins des [faibles|nécessiteux|malades|etc.]. Amen.

Mon avis est qu'il s'agit là d'une façon d'être hautement immorale. Quelle que soit la marque que l'on colle à l'oeil.

(1) bien sûr pour les "satanistes" le "démon" pourrira la vie de leurs "cibles" :-P

Unknown a dit…

On est d'accord que c'est une façon d'être hautement immorale, les croyants qui la pratiquent étant hautement immoraux.

Ce qui n'implique pas tous les croyants ni ne réserve toutes les immoralités aux croyants d'une manière générale.

Et il y a aussi des choix induits par certains courants spirituels ou religieux qui amènent à des comportements effectifs moraux, il ne faut pas non plus toujours pointer ce qu'il y a de négatif ou les comportements déplorables.

Samia a dit…

"il ne faut pas non plus toujours pointer ce qu'il y a de négatif"
On s'attend à ce qui est bon...le négatif frappe donc. Qui plus est, si vous êtes une institution dont la fonction est d'encourager le bien, vous avez bien sûr comme tout le monde le droit de vous tromper mais vous ne devriez en tout cas jamais aggraver les choses...Cela devrait donc faire partie de votre devoir, en quelque sorte, d'accueillir la critique avec reconnaissance: cela vous aide à mieux faire votre travail!

Unknown a dit…

"Cela devrait donc faire partie de votre devoir, en quelque sorte, d'accueillir la critique avec reconnaissance: cela vous aide à mieux faire votre travail" : tu as mille fois raison !

Une religion ou même une spiritualité ne contient pas que des choses morales. Elle peut contenir des choses hautement immorales, ou relevant tout simplement d'autres domaines (poésie, récit fondateur, expérience ou défi existentiel, transmission de "vécus mentaux", etc.). D'ailleurs, tout ne se vaut pas du point de vue moral, certains textes et certains courants le sont plus que d'autres. Pluralisme n'est pas relativisme.

Une religion ou une spiritualité peut et doit évoluer, ce qui n'est pas difficile du moment où on admet que les textes fondateurs (et les suivants) sont humains. Elle doit prendre en compte les critiques et l'idéal serait même qu'elle les anticipe ! Certains courants religieux ont apporté des progrès énormes relativement à certaines époques aux moeurs fort violentes et on ne peut pas leur reprocher de ne pas avoir pensé à tout dès leurs origines. Un des problèmes est qu'elles ne doivent pas rester figées, ce qu'elles semblent sous-estimer à l'époque moderne alors qu'elles l'ont fait par le passé. Elles en sont capables puisqu'elles sont même capables de s'auto-trahir en s'acoquinant avec les pouvoirs pour aboutir trop souvent aux pires horreurs.

En outre, elles ne doivent pas avoir honte d'assumer le langage imaginaire. Ainsi, "le seigneur des anneaux", par sa critique du "pouvoir qui corrompt", de "l'exploitation dans l'industrie" et des "guerres culturelles" (Tolkien a fait les tranchées), est un beau texte bien plus chrétien que nombre de textes "canoniques". Ce qui ne veut pas dire qu'il faut sacraliser tout ce qu'il contient, par exemple son côté "écolo forcéné".

Enfin, une petite analogie. De nombreux élèves suivent un enseignement scientifique, par exemple jusqu'au master. Ils ne seront pas tous des scientifiques de bon niveau, très loin de là. A l'inverse, de nombreux directeurs de labos sont devenus plus des administratifs et des gestionnaires au service du système que des grands scientifiques. De la même manière, ni la masse des croyants ni la hiérarchie d'une institution religieuse ne contiennent beaucoup de grands spirituels !

Samia a dit…

"ce qui n'est pas difficile du moment où on admet que les textes fondateurs (et les suivants) sont humains." Aaah, mais justement un grand nombre de représentants des religions ne seraient absolument pas d'accord que ceci va de soi...

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