La médecine est une activité humaine au sens le plus fondamental du terme. Elle touche à l’intimité des personnes malades; les valeurs qui s’y déploient nous mettent face aux tensions, et parfois aux contradictions, de notre vie morale. Les difficultés éthiques y sont fréquentes et cela ne doit pas nous étonner: c’est là le résultat de la conjonction d’un terrain particulièrement difficile au contact des limites humaines, et de professionnels auxquels l’éthique importe. Des personnes raisonnables peuvent être en désaccord dans les dilemmes qui surviennent dans la pratique clinique.
Ces difficultés constituent une part de la raison d’être de l’éthique biomédicale. Constituée dans une rencontre entre des cliniciens confrontés à des difficultés éthiques profondes, et des philosophes, juristes, théologiens surtout à ses débuts, puis des praticiens de la jeune discipline théorique qu’était alors la bioéthique, elle a eu des débuts difficiles. En 1973, Daniel Callahan, un philosophe qui fut un de ses pionniers outre-Atlantique, avoue carrément:
'Je résistais, avec une pure panique, à l’idée de participer avec les médecins dans leurs décisions. Moi? Je préférais nettement la sécurité des questions profondes que je poussais vers eux. Mais je réalisais aussi en étant confronté à de véritables situations – et c’est là mon excuse – qu’il n’y avait rien dans ma formation philosophique pour me préparer à prendre une décision éthique claire à une heure donnée d’un après-midi précisé. J’avais été formé comme il faut dans une splendide tradition d’érudition et de pensée soigneuse qui laisse au moins un ou deux millénaires pour résoudre un problème.'
Cette rencontre, malgré ces difficultés, se passa bien, et fut utile aux uns et aux autres. Des philosophes se formèrent à la réalité des soins, des médecins prirent le temps d’apprendre sérieusement la théorie morale. Des consultants d’éthique issus de plusieurs disciplines furent accueillis dans les hôpitaux, où ils furent appréciés, et leur regard enrichit la pratique clinique . Un exemple en français est présenté ici. Je vous ai aussi mis dans l'image un lien vers quelques conférences de Harvard qui valent le détour.
Fondée il y a tout juste 20 ans en 1989, la Société Suisse d’Éthique Biomédicale (SSEB) est issue des mêmes origines. Elle a fêté ses 20 ans le 4 décembre 2009. Cette société a pour but d’offrir un forum au sein duquel les difficultés soulevées par les progrès de la médecine, mais également par sa pratique quotidienne, et par les sciences du vivant, peuvent être discutés librement et des solutions trouvées dans un échange interdisciplinaire respectueux. Ses membres sont médecins, philosophes, infirmiers, juristes, théologiens, éthiciens, entre autre. Fondamentalement, toute personne intéressée peut en devenir membre. Notre point commun n’est pas une formation identique, mais un intérêt commun pour les difficultés éthiques soulevées dans la médecine et les sciences du vivant.
Cet intérêt, vous le partagez aussi? Devenez membre! Nous publions Bioethica Forum, une revue interdisciplinaire de bioéthique trilingue (all/fr/ang) où paraît de la recherche en bioéthique mais aussi des discussions de sujets d'actualité, ainsi que Folia Bioethica, une série d’ouvrages brefs sur des sujets d’actualité. Ces ouvrages peuvent se commander séparément, mais franchement si vous êtes intéressés il vaut mieux devenir membre: vous recevrez ainsi tout ça automatiquement.
Comme on fait? C'est tout simple, il y a un lien en bas à droite, et pour faire simple je vous le remets ici...
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1 commentaire:
"Cette société a pour but d'offrir un forum au sein duquel les difficultés soulevées par les progrès de la médecine, mais également par sa pratique quotidienne"...
Merci d'avoir ajouté "par sa pratique quotidienne". En tant qu'intervenant au Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux et professeur de philosophie, j'ai pu remarquer qu'il était assez facile d'accrocher l'intérêt d'un auditoire avec des cas éthiques difficiles liés notamment au début ou à la fin de vie. En revanche, la prise en compte des enjeux éthiques des lois existantes (en France par ex., loi du 4 mars 2002) qui régissent les relations quotidiennes avec la plupart des patients, passe encore très mal. Le fameux "consentement éclairé" du patient n'est que très rarement abordé et travaillé. Pour être exact, ce sont surtout les Instituts de Formation en Soins Infirmiers qui y consacrent du temps, les facultés de médecine sont bien plus discrètes à ce sujet. De la même façon, le respect de la confidentialité, le souhait du patient de ne pas être soigné par un infirmier stagiaire, etc. sont encore trop souvent lettre morte...
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