La justice sur contrat



On a beaucoup parlé d'enjeux et de situations suisses ces derniers temps. C'est le moment de voyager un peu. Alors bon je dois quand même vous avertir...Quand on voyage en pensée sur un blog d'éthique il y a un risque: croiser des enjeux lourds, qui touchent beaucoup de monde, et fort difficiles à résoudre. Ou plutôt, le risque est de commencer à voir ces enjeux, qui sans cela arriveraient à nos portes et dans nos poches sans que l'on ne s'en rende compte. Sans doute préfère-t-on ne pas les voir. Peut-être parce qu'ils sont difficiles à résoudre, justement.

Car de notre portable au chocolat, des médicaments qui nous sauvent la vie aux diamants qui signalent qu'on la passera avec un autre, il est devenu très très rare que l'on fabrique quoi que ce soit d'une manière qui, disons, appellerait notre approbation sans réserve comme ça. Regardez cette vidéo. Mais alors jusqu'au bout. Le début est simplement déprimant. La difficulté n'est pas ici de diagnostiquer le problème. Le regarder c'est le voir. Non, ce qui est difficile, c'est de trouver des solutions suffisamment réalistes pour ne pas être de simples expressions de bonne volonté. Il est donc heureux que certains s'y attellent, et tentent de faire précisément cela. C'est en fin de vidéo, ça. Des solutions modestes par rapport aux besoins, peut-être. Mais si une chose comme ça fonctionne vraiment peut-on encore dire qu'elle est modeste?

Ces solutions, certains d'entre vous sont certainement mieux à même de les évaluer que moi. Alors dites-nous. Réaliste? Utile? Bonne idée? Non?

Et si vous en connaissez d'autres, des solutions, même partielles, indiquez-les dans les commentaires. Après avoir vu cette vidéo, on sera très intéressés...

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Euthanasie non coupable

Très beau jugement, l'acquittement de la Dre Daphné Berner. Rassurant, aussi. En partie en raison du soulagement pour cette courageuse collègue, qui raconte si franchement et si bien son histoire. Mais ce n'est pas la seule raison. Quelques explications:

D'abord, je ne vais pas vous raconter à nouveau l'histoire. Si vous êtes en Suisse vous la connaissez, et si vous ne la connaissez pas vous la trouverez ici.

Ensuite, pour poser le cadre, il s'agit bel et bien d'un cas d'euthanasie. Ou, pour parler en droit suisse, de 'meurtre sur demande de la victime'. On a entendu parler de 'suicide assisté actif', mais ce terme n'aide pas à comprendre. La différence entre l'assistance au suicide (où une personne se tue avec l'aide d'une autre personne) et l'euthanasie (ou une personne en tue une autre sur sa demande) est dans la personne qui agit. Ce jugement réaffirme cette différence. Et ici c'est de l'euthanasie.

Daphné Berner vient d'être acquittée, malgré cela. Et pas besoin d'être un défenseur de l'euthanasie légale pour trouver ça rassurant. Pourquoi? D'abord, le jugement (re)affirme que la souffrance peut être la raison d'un état de nécessité. L'état de nécessité, c'est le cas de force majeure. La situation où violer une loi est la seule manière d'écarter dans l'urgence un danger grave et imminent. Classiquement, par exemple, pour sauver une vie. Mais ici, justement, c'est la souffrance de la patiente, et non sa mort, qui est le danger imminent à écarter. L'acquittement est prononcé ici malgré le fait qu'une loi ait été violée, car dans ces circonstances Daphné Berner "n’avait pas d’autre alternative que de violer l’article 114 du code pénal pour préserver l’intégrité physique, psychique, la dignité humaine ainsi que la volonté de la patiente". Voir la souffrance considérée ainsi, comme raison suffisamment lourde pour justifier l'état de nécessité, oui c'est rassurant.

Ensuite, en insistant sur la demande de la patiente, ce jugement reste centré sur l'autonomie des personnes malades. On craint parfois que la possibilité de la mort volontaire ouvre la porte à ... la mort involontaire. Ce jugement, clairement, ne fait rien de tel.

Finalement, en fondant l'acquittement sur l'état de nécessité, ce jugement reste centré sur le cas particulier. L'euthanasie est, dans un grand nombre de pays, un débat parfois houleux où défendre des positions de principe semble trop souvent plus important que de considérer les difficultés réelles auxquelles font face des personnes. Dans un contexte aussi délicat, il peut être tentant de juger un cas, dans un sens ou dans l'autre, comme un cas prétexte dont la raison principale serait de devenir un précédent. Mais si j'ai bien compris ce jugement-ci, et si je puis me permettre, mes respects au juge. Ce jugement, on ne sait pas encore s'il sera maintenu puisqu'un recours est encore possible. Mais c'est un très beau geste. Prudent, intelligent, équilibré. Et une des raisons en est justement que, contrairement à ce que certains partisans de la légalisation de l'euthanasie pourraient souhaiter, il ne semble pas constituer un précédent si clair pour des cas où le recours à l'euthanasie serait planifié. C'est un jugement qui sait faire du particulier dans un cas sans cela trop vite tiré vers le général. Dit autrement, il est humain avant d'être politique.

Ce centrage sur les particularités du cas, c'est d'ailleurs aussi une des raisons du soutien unanime pour Daphné Berner à la suite de son acquittement. Elle nous parle d'un cas. D'une personne. Pas de grand mots. Et ce point la distingue d'un trop grand nombre de participants aux débats sur la mort volontaire, qui souvent défendent d'abord des causes. Alors oui, bien sûr, les causes sont fondées sur des principes et l'on ne protège personne sans avoir de principes. Mais. Face à un vrai dilemme, où il faudra sacrifier quelque chose, que sacrifieriez-vous d'abord: une personne ou un principe?
Ce jugement, dans ce cas, c'est la primauté de la patiente qu'il affirme.

Alors maintenant, que va-t-il se passer? Mystère. Va-t-on légaliser l'euthanasie? On va certainement en reparler, en tout cas. Mais quelle que soit l'issue de ce débat-là, commencer avec un cas comme celui-là, eh ben ça aussi c'est rassurant.

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Ah ben voilà...


...ce n'était pas si difficile, non? Le Pape, oui, a trouvé un moyen d'expliquer que dans certaines circonstances l'usage du préservatif était, ok, pas idéal à ses yeux, mais acceptable quand même.

Bon, d'accord, il avait du chemin à rattraper. Et puis maintenant, devant les louanges de la planète, certains se sont hâtés de minimiser ce qui, en fait, aurait véritablement changé. C'est dommage. Mais qu'importe. A ceux qui ont vraiment beaucoup de mal, il ne peut pas être demandé davantage. Moins nuire, c'est déjà très bien. Et moins nuire lorsqu'on se réclame guide spirituel de plus d'un milliard de personnes, c'est très...très...important.

Un bon point, donc, à Benoît XVI. Ceux qui scrutent les âmes trouveront peut-être sa réaction tardive, et réticente. Qu'ils le regrettent. Mais en médecine on se soucie d'abord des effets. Si ça peut empêcher des bien portants de devenir malades, protéger la vie, maintenir entières des familles menacées, et accessoirement diminuer la misère du monde, alors on est preneurs.

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Rappaz: la quatrième solution ?

Faut-il libérer Bernard Rappaz pour lui sauver la vie, puisque la nutrition forcée n'est pas applicable? Difficile question, qui semble diviser le public romand, et les parlementaires fédéraux. Le Grand Conseil valaisan doit se pencher sur sa demande de grâce ce jeudi 18 novembre. Peut-être les appels 'de la dernière chance' auront-ils une influence mais à l'heure actuelle il serait, disons, très surprenant que la grâce soit accordée.

Cela dit, c'est important de comprendre que la question d'une mise en liberté ne se résume pas à cette demande de grâce. Pour comprendre le problème tel qu'il se pose plus réalistement, trois commentaires sont importants ici:

D'abords celui dont vous avez probablement déjà tous conscience:

1) Une suspension de peine n'est pas une grâce
C'est également une mise en liberté, mais sans raccourcissement de la peine totale. Trois jours hors de prison dans ces conditions, c'est trois jours à ajouter en prison plus tard. Cette question, qui est aussi sur la table -pas nécessairement celle du Grand Conseil, mais celle de la situation en tout cas- est donc très différente de celle d'une grâce.

Mais aussi:

2) Suspendre la peine d'un mourant est la norme en Suisse, et non une exception
Mourir sous les verrous est un drame humain. Un drame qui vient se surajouter, et qui n'est pas prévu par la peine à laquelle le détenu a été condamné. En conséquence, lorsque le décès d'un détenu incarcéré en Suisse est prévisible, il est habituel qu'une demande de mise en liberté soit adressée au juge. Permettre à un détenu qui n'est pas -ou plus- dangereux de mourir libre est une demande honorable. A laquelle la réponse, en Suisse, est habituellement positive. Si ce qui compte est de ne pas faire d'exception pour Bernard Rappaz, donc, le laisser mourir en prison alors qu'il demanderait une suspension pour ces motifs serait assez incohérent. C'est ça qui serait, finalement, faire une exception dans son cas. En refusant de le mettre en liberté pour mourir, on ferait pour lui comme on ne fait pas pour d'autres. Accepter une suspension de peine pour ce motif n'est donc pas lui faire une exception. C'est donc une sortie de crise qui pourrait, finalement, peut-être, être acceptable pour tous.
Et si ensuite il reprenait une alimentation et ne mourait finalement pas? Il reprendrait tout simplement sa peine...

3) Toute suspension de peine peut être conditionnée par la dangerosité du détenu
Certaines des personnes qui ont appelé à la suspension de la peine de Rappaz ont également évoqué la question qui se poserait dans le cas d'une grève de la faim par un détenu dangereux. C'est une très bonne question. Mais ce n'est pas celle qui se pose maintenant. Suspendre la peine d'un détenu reconnu par tous comme non dangereux, en tenant explicitement compte du fait qu'il n'est pas dangereux, ne ferait pas précédent pour cet autre type de cas.


C'est important de comprendre tout ça. Alors oui, bien sûr, peut-être qu'une suspension de peine semblera de toute manière inacceptable aux autorités valaisannes. Même dans un contexte où tout autre détenu l'aurait obtenue. On l'a d'ailleurs vu, la loi la plus récente de Suisse sur la grève de la faim, celle de Neuchâtel, laisserait mourir un prisonnier en grève de la faim, "si la personne le fait en toute conscience et volonté." Et même si on imagine volontiers que les autorités neuchâteloises tenteraient d'abords de trouver un arrangement qui évite cette extrémité, on imagine aussi que dans certains cas cela puisse être considéré comme la moins pire des possibilités disponibles.

Le cas de Bernard Rappaz sera-t-il considéré comme une telle situation? Ce n'est pas exclu. Mais c'est important de comprendre qu'accepter une suspension pour motifs de santé, voire pour motifs de fin de vie, ne serait pas lui faire une exception. C'est important parce que les autorités valaisannes doivent pouvoir, si elles le souhaitent, faire ce choix sans être accusées d'avoir cédé à un chantage. Elles n'auraient dans ce cas de figure pas modifié l'application habituelle des peines, justement. Elles auraient fait pour lui exactement comme pour tout autre. Ni plus, ni moins.

Peut-être me suis-je trompée dans cette analyse. Vos commentaires sont les bienvenus comme d'habitude. Mais il semble que si ce que nous voulons c'est à la fois éviter de faire une exception, et éviter de soumettre un détenu à un traitement inhumain et dégradant, et éviter de le laisser mourir, eh bien pour cette fois c'est possible...

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Soigner le choléra



Normalement je ne fais pas de message strictement médical sur ce blog.

Mais une fois n'est pas coutume. Car en regardant les mots clés qui mènent des gens ici, je suis régulièrement touchée par ceux qui cherchent comment soigner le choléra. Tomber ici lorsqu'on cherche des réponses cliniques, ça doit être décevant. Si vous cherchez comment traiter le choléra, donc, ce message est écrit exprès pour vous. J'avais mis un lien vers la recette des sels de réhydratation dans un message précédent, mais là une équipe a fait une vidéo. Elle montre, sans paroles donc sans barrière linguistique, comment sauver une vie avec, finalement, les moyens du bords. Attention, on y montre aussi comment reconnaitre le choléra, et certaines images sont donc...ahem...cliniques. Peut-être difficiles à voir. Si le sujet ne vous intéresse pas, ne la regardez pas. Ce blog est toujours un blog de bioéthique, rassurez-vous, ce message est une parenthèse.

Mais là, alors que le choléra continue de sévir en Haïti, plus cette vidéo est disponible mieux c'est...

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Cas à commenter: les médecins et l'arrêt du Tribunal Fédéral

Vous avez le courage pour encore un message sur la nutrition forcée? Bon, cette fois-ci je vais "tricher" et en faire un cas à commenter. Car ces temps, tout le monde semble avoir un avis sur ce qu'il faut faire de l'arrêt du 26 août du TF dans l'affaire opposant le DSASI du Valais à Bernard Rappaz.

Il faut l'appliquer. Et l'on dit que les médecins s'opposent à cela. L'appliquer, oui. Et, je l'ai dit, je ne pense pas que les médecins s'opposent en fait à cela. Peut-être avez-vous un autre avis? Donnez-le. Mais commencez par lire l'arrêt. C'est un document qui vaut la lecture. Bon, je sais, c'est du juridique pas nécessairement facile d'accès. Mais vous êtes des gens intelligents. Et puis il n'est pas si long, il contient beaucoup de choses très intéressantes, et il n'arrête pas ces temps d'être cité de travers. Alors pour en faciliter la lecture (l'outil de recherche de la jurisprudence du TF n'est pas le plus facile du monde), je vous l'ai mis en ligne. Voici le lien, en toutes lettres:

http://www.scribd.com/doc/40434339/Arret-TF-6B-599-2010-DSASI-Valais-vs-Rappaz

Et si vous connaissez quelqu'un qui a besoin de le lire, merci de faire passer...

Comme c'est un cas à commenter, et que le but n'est pas de débattre de l'arrêt, je vous précise la question pour les commentaires:

Les médecins qui s'opposent à la nutrition forcée au nom du fait qu'elle impliquerait une violence importante s'opposent-ils par là à l'application de l'arrêt du TF?

La question n'est pas de savoir s'ils ont raison ou tort. Ni de savoir si le TF a raison ou tort. Ni de savoir qui doit, dans un cas comme celui-là, décider. La question est de savoir si une opposition par des médecins au nom de cet argument-là représente oui ou non une opposition à l'application de cet arrêt.

Merci de motiver votre réponse. On est dans un blog de bioéthique, n'est-ce pas. Évidemment, faites attention: si vous donnez une réponse sans avoir lu l'arrêt, ça risque de se voir. Mais vous n'êtes pas comme ça, vous, hein dis?

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Multiples amours



Je continue ma règle de ne pas vous parler que de nutrition forcée. Non mais quand même. La vie est beaucoup plus belle que ça. Et pas seulement parce que l'univers est un endroit magnifique. Dans la liste que feraient la plupart des gens sur ce qui rend la vie belle, il faut mettre en bonne place l'amour. A écrire, si vous voulez, avec plein de 'a' et de 'u'. Mais ça c'est votre affaire.

Dans la video qui ouvre ce message - et que vous trouverez ici - Helen Fisher se penche avec une magnifique rigueur scientifique et une surprenante poésie sur les sentiments amoureux. Une conférence qui vaut vraiment le détour. Vous vous y retrouverez certainement. En tout cas, si vous êtes un membre de l'espèce homo sapiens et pas un des robots de google qui passe de temps en temps sur les blogs...

Il y est question d'addiction, et ce n'est pas entièrement surprenant. Alors si vous deveniez accro à ce genre de recherches, il y a une autre conférence dans le même genre ici.

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Nous avons besoin des explorateurs



Je sais, je sais, je parle beaucoup de cas tragiques ces temps. Alors quelques messages sur ces choses qui rendent la vie belle. Dans celui-ci, la curiosité. A l'heure où la crise menace les budgets de la recherche, y compris tout près d'ici, une brève mais magnifique conférence de Brian Cox rappelle Pourquoi nous avons besoin des explorateurs. Cliquez sur le lien, ou sur l'image. Et venez me dire ce que vous en pensez.

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Encore la nutrition forcée

Difficile, de rester calmes et de réfléchir devant une situation aussi tendue qu'une grève de la faim. En tout cas, c'est l'impression que donne parfois la lecture des journaux commentant le cas de Bernard Rappaz. Alors un peu de clarification.

Point 1 - Les médecins genevois ne s'opposent pas à l'application de l'arrêt du TF: ils l'ont bien compris, c'est tout.

Cet arrêt, qui l'a véritablement lu? On peut l'expliquer ainsi:

"Procéder à une alimentation forcée violerait les droits fondamentaux à la liberté d’expression et à l’intégrité personnelle du prisonnier. Pour justifier la nutrition forcée, il faut donc au tribunal une justification de ces transgressions. En Suisse, limiter un droit fondamental nécessite plusieurs conditions. Il faut que la restriction soit justifiée par un intérêt public. Passons. La restriction doit aussi être proportionnée au but visé. Finalement, «l’essence des droits fondamentaux est inviolable». C’est quoi, l’essence des droits fondamentaux ? Ici, il suffit de savoir que «le droit à ne pas être soumis à une peine ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant» y est inclus, et que le tribunal fédéral le concède explicitement. La nutrition forcée n’est donc justifiée que si elle ne représente pas un traitement inhumain ou dégradant. Uniquement «si elle est pratiquée dignement et conformément aux règles de l’art médical»."

"Si elle est pratiquée dignement et conformément aux règles de l'art médical." Les médecins n'ont donc pas à se plier à n'importe quel ordre. L'arrêt du TF exclu très clairement de cette obligation un cas de figure: celui où une nutrition forcée représenterait un traitement inhumain et dégradant. Sur ce point, le droit et l'éthique sont en accord parfait. Ce qui nous mène au...

Point 2 - Le droit et l'éthique médicale sont parfois en désaccord, oui, mais ce n'est pas l'enjeu principal ici.

Extrait d'un excellent interview d'Alex Mauron dans la presse d'aujourd'hui:

"Le Tribunal fédéral a une vision caricaturale de l’éthique médicale lorsqu’il évoque les directives de l’Académie suisse des sciences médicales comme si c’était l’alpha et l’oméga de l’éthique médicale. Celle-ci s’articule autour du droit à l’autodétermination du patient. Elle s’ancre dans la Convention européenne des droits de l’homme et dans la Convention européenne des droits de l’homme en biomédecine, c’est-à-dire dans le droit international le plus fondamental.

L’éthique médicale ne s’oppose pas au droit. Elle n’est pas au-dessus des lois puisque ses fondements sont ancrés dans la loi."

En fait, le Tribunal Fédéral l'admet aussi, cela. OK, du bout des lèvres peut-être. Entre les lignes sans doute. Mais il l'admet. Car comment savoir si on est dans un cas où il est possible de pratiquer une alimentation 'digne'? Vous l’avez deviné : en se basant sur le jugement de cliniciens conscients des valeurs de leur profession. D'où:

Point 3 - L'admissibilité (légale autant qu'éthique) de la nutrition forcée dépend entre autres d'un jugement clinique.

C'est aussi un des critères relevés dans le rapport du Comité pour la Prévention de la Torture dans un rapport de 2009 sur une nutrition forcée appliquée en Espagne. Cet avis a été cité, car il admet que la nutrition forcée peut parfois être admissible. Cela vaut la peine de regarder le détail. Voici leur avis texto:

"14. Si une décision est prise de nourrir de force un prisonnier en grève de la faim, de l'avis du CPT, une telle décision devrait être basée sur la nécessité médicale et appliquée dans des conditions appropriées qui reflètent la nature médicale de la mesure. De plus, le processus de décision doit suivre une procédure établie contenant des gardes-fou suffisant, y compris une décision médicale indépendante. La possibilité d'un recours légal devrait être disponible et tous les aspects de l'application de la décision doivent être monitorés de manière adéquate
(...)
La nutrition forcée d'un prisonnier sans remplir ces conditions pourrait tout à fait correspondre à un traitement inhumain et dégradant."


"Y compris une décision médicale indépendante", qui est donc un des "garde-fou" requis. Le CPT admet donc en effet que la nutrition forcée peut être admissible, oui. Mais seulement si cette conditions, et quelques autres bien sûr, sont remplies.



La menace de la justice valaisanne de poursuivre les médecins qui refusent l'ordre de nourrir de force leur patient est profondément gênante, parce qu'elle semble reposer sur une combinaison de ces erreurs. Les médecins n'ont pas à suivre un ordre fondé sur l'arrêt du TF si la situation n'est pas celle définie par le TF. Et les considérations éthiques sur lesquelles ces médecins se fondent ne sont pas 'extérieures'. Elles sont 'ancrées dans la loi', et font partie des critères dont se sert aussi le TF pour définir le champ de son arrêt: il y exclut la possibilité d'un traitement inhumain et dégradant.

Gênante, cette menace l'est aussi par l'impression qu'elle donne que la logique du bras de fer se poursuit. Que la question est de savoir qui est le plus fort. La question est en fait de savoir comment sortir de cette situation honorablement. Sans sacrifier de valeurs fondamentales. Ou aussi peu que possible.

Pour ça il faut sortir de la logique du bras de fer, justement. Continuer de chercher une solution qui ménage, aut
ant que possible, la chèvre et le chou. Si elle existe. Lorsqu'il n'y en a pas c'est que l'on est devant un cas tragique. Une situation où quoi que l'on fasse il y aura une transgression lourde. Mais toutes les transgressions ne sont pas égales. Violer les droits humains de quelqu'un, c'est justement ce qu'on est censé avoir décidé de ne faire à aucun prix. Le TF le dit d'ailleurs: la loi suisse aussi prévoit que 'l'essence des droits fondamentaux est inviolable'. En d'autres termes nous avons décidé qu'il restait à la fin des droits que nous ne transgresserions pas, même au nom d'une très très très bonne cause...

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Euthanasie?

L'assistance au suicide, et l'euthanasie active là où elle est légale, sont toujours des réponses extrêmes, de dernier recours, face à des tragédies humaines. Faire du mieux que l'on peut, répondre à la souffrance humaine de manière digne et respectueuse, voilà dans ces cas une tâche profondément difficile.

C'est entre autres pour cela que le témoignage de la Dre Daphné Berner est important. Il est également courageux. Admirable, même. Présenter avec une simple honnêteté le drame humain que l'on a vécu, pour en présenter la réalité sans chercher d'abord à se défendre, alors que l'on est accusé d'euthanasie, voilà un exemple rare et qu'il faut saluer. Quand j'ai commenté ce cas en direct, je n'ai pas eu le temps de le dire et je tenais à rattraper ça.

Important, ce cas l'est aussi pour la lumière qu'il jette sur certains aspects troublants de la mort assistée. Petit retour. D'abord la loi. En Suisse, l'assistance au suicide est légale (art. 115 Code Pénal Suisse). L'euthanasie, non (art. 114 Code Pénal Suisse). Sur le plan éthique, la distinction est importante. Dans le cas de l'euthanasie, une personne en a tué une autre. Dans le cas de l'assistance au suicide, non. Mais en même temps, ce cas montre à quel point cette limite peut être ténue. Car voilà comme les faits sont décrits:

(...)la femme avait choisi de mettre fin à ses jours avec l’aide d’Exit. Mais le moment venu, complètement paralysée à l’exception d’un pied, la malade n’a pas pu actionner elle-même le goutte à goutte contenant la substance létale.

Daphné Berner a alors proposé à la jeune femme la chose suivante: "quand vous bougerez votre pied, c’est comme si vous ouvriez la molette et c’est moi qui l’ouvrirai". Et de préciser: "Elle avait l’air très soulagée de ma proposition et c’est ce que nous avons fait. Elle a réussi à dire: maintenant, elle a bougé son pied et j’ai ouvert la manette. Voilà."


C'est toujours difficile à dire depuis la distance confortable à laquelle on lit. Mais si j'essaye d'être sincère je pense que dans un cas semblable, si j’étais convaincue que c’est la volonté ferme de la patiente, et si je me trouvais sans alternative pour apaiser sa souffrance autrement, j’aurais peut-être bien fait la même chose, oui. Ce n'est pas une chose que l'on dit à la légère.

Une partie de la questions est là. Si notre réaction face à ce cas est de penser cela, mettre la personne qui s'est trouvée dans ce cas en prison a quelque chose de problématique. Alors évidemment toute la question n'est pas là. Car une décision éthique peut s'en tenir à un cas singulier. Une décision juridique, non. Et il semble qu'il y ait au moins deux manières de voir ce cas.

Premièrement, on peut y voir une raison de rouvrir la discussion sur la légalisation de l'euthanasie. Si elle est interdite, c'est en raison de l'interdit de l'homicide. Mais on admet tous que certains cas d'homicide (notamment en légitime défense) peuvent être justifiés. Si l'homicide est interdit pour poser une limite -indispensable- à la violence humaine, alors un cas comme celui-ci doit-il vraiment être interdit?

Lire la situation ainsi, c'est commencer par admettre la culpabilité, puis éventuellement se demander si, et à quel point, la norme pose problème. Légaliser l'euthanasie? Ce choix dépendrait des mesures que nous pouvons mettre en œuvre pour éviter des dérives, et de la confiance que nous avons que ces mesures peuvent être efficaces. Mais ce choix devrait aussi dépendre de l’importance que nous donnerons à des cas comme celui de cette patiente. A des personnes qui sont trop limitées par la maladie pour pouvoir se suicider, et qui ne peuvent du coup plus avoir recours à une mort assistée. Ces personnes, il peut actuellement leur sembler raisonnable de mourir plus vite, d’anticiper, avant de perdre la capacité de se suicider. Et ça aussi c’est une dérive.

Mais il y a une deuxième lecture possible de ce cas. Y voir une occasion de questionnement sur les limites entre l'euthanasie et l'assistance au suicide. Cette limite est importante, mais elle ne peut se résumer aux enjeux abstraits. Car ici, qui a actionné le mécanisme? Si au lieu de dire ‘maintenant’, la patiente avait poussé le mécanisme du pied, ce procès n’aurait certainement pas lieu. Redéfinir comme un assistance au suicide un cas où une patiente capable de discernement 'actionne le médecin' au lieu d'actionner le mécanisme pour se donner la mort, peut-on l'envisager? Dans les termes théoriques habituels de ce genre de situation, c'est impensable. Mais s'il existe des cas où ces limites théoriques sont claires, cette histoire-ci montre que ce n'est pas toujours le cas. Sur le plan philosophique, qui est dans cette histoire l'agent, la cause proximale de la mort de la patiente? Il pourrait sans doute y avoir débat. Sur le plan politique, voir ici un cas d'assistance au suicide pourrait être une manière de reconnaître le caractère humainement licite de la décision de la Dre Daphné Berner, sans devoir aborder de front la question de l'euthanasie dans nos lois. Et sans non plus tracer un précédent qui risquerait d'inclure des patients incapables de discernement. Ce serait là une solution assez helvétique, finalement.

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La nutrition forcée, le droit et la déontologie

Chargée, l'actualité de la bioéthique ces temps. Je vais donc faire des messages courts. Commençons par le commencement. Le Tribunal Fédéral a statué concernant le cas de Bernard Rappaz. Les arrêts du TF se trouvent ici, mais comme le site n'est pas évident à naviguer je vous ai fait un copier-coller de celui qui concerne Rappaz ici.

C'est une lecture très intéressante que cet arrêt du Tribunal. Le cas est difficile. Il pose des questions qui touchent au rôle de la loi comme limite, aux droits que l'on garde - ou non- jusqu'en prison, aux limites à poser à la violence humaine, au rôle des éthiques professionnelles, et c'est juste le début. Mais sur ce point des éthiques professionnelles, vous comprendrez que je m'arrête. J'ai fait un billet qui est paru dans Le Temps d'aujourd'hui. Vous le trouverez ici. Bonne lecture et revenez me dire ce que vous en pensez...

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Un sujet moins lourd

C'est vendredi, quand même. Et puis c'est la saison des prix IgNobel. Et les prix IgNobel sont en partie responsables du démarrage de ce blog. En plus, cette année la Suisse n'a pas reçu le prix IgNobel de la paix auquel nous semblions ces temps être abonnés. Et que diantre les raisons que je pourrais encore aligner, les IgNobel valent toujours la peine d'être suivis. Voici donc un extrait du florilège de cette année:

Physique: à trois chercheurs néo-zélandais, qui ont (enfin!) démontré que l'on pouvait limiter le risque de chutes sur des chemins verglacés en mettant des chaussettes sur les chaussures. Non seulement le ridicule ne tue pas, mais en plus parfois il vous sauve la vie.

Paix: à trois chercheurs britanniques, qui ont confirmé tout à fait sérieusement notre intuition que proférer des jurons soulage la douleur. Si on applique ça sérieusement, les services d'urgence ne seront plus jamais vraiment les mêmes.

Santé publique: à trois chercheurs américains, affiliés à la très sérieuse Industrial Health and Safety Office de Fort Detrick, pour avoir démontré expérimentalement que les microbes s'accrochent aux scientifiques barbus.

Médecine: à deux chercheurs hollandais, qui ont découverts qu'on pouvait traiter l'asthme en faisant un tour de montagnes russes. L'histoire ne dit pas si c'est proportionnelle à la trouille que ça vous fiche, car après tout l'adrénaline et le cortisol (quelques hormones du stress) c'est effectivement bon pour l'asthme. Mais ce point fait sans doute l'objet d'études ultérieures.

Ingéniérie: à deux chercheurs de la Zoological Society of London, pour avoir développé une technique de surveillance des baleines en envoyant un hélicoptère télécommandé prélever leurs ...euh...sécrétions nasales. Vous savez, quand elles soufflent et qu'en volant bas on peut si pratiquement...?

Économie: trop facile cette année, il fut décerné aux responsables de Goldman Sachs, Lehman Brothers, Bear Stearnes, Merrill Lynch et Magnetar pour avoir "créé et promu de nouvelles manières d'investir l'argent - manières qui maximisent les gains et minimisent les risques pour l'économie mondiale, ou une partie de cette économie." Il faut lire jusqu'à la fin, là.

Chimie: à une équipe mixte des MIT, université du Texas, et de Hawaii, ainsi qu'à British Petroleum, pour avoir démontré qu'il était faux que l'huile et l'eau ne se mélangent pas.

Management: peut-être le plus inquiétant, car les lauréats sont une équipe italienne qui a démontré mathématiquement que, si certaines conditions de départ sont données, les organisations deviendraient plus efficientes en décidant des promotions au hasard plutôt que sur les compétences. Bon, remarquez, inquiétant ça dépend pour qui.

Et last but not least, Biologie: à une équipe sino-britannique, pour avoir scientifiquement documenté la fellation chez les chauves-souris. Scientifiquement intéressant car elles rejoignent ainsi un club assez fermé d'espèces. Mais en plus elles font preuve d'un talent acrobatique difficile à dupliquer dans la nôtre...

Comme d'habitude, les lauréats sont invités à dire quelques mots et l'idée est qu'ils démontrent à cette occasion leur sens de l'humour et de l'auto-dérision. La vidéo de cette année n'est pas encore disponible mais elle le sera bientôt ici et habituellement elles valent le détour. En revanche, je ne peux pas vous dire si la fin sera classée X...

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Nutrition forcée

J'ai été prise ailleurs ces temps, car le corps médical suisse vit en coulisse ce qui pourrait être sur le plan éthique une des situations les plus difficiles de ces dernières années. A la surface, un cas qui commence à véritablement énerver l'opinion (si on en croit les commentaires en ligne): le cas extrêmement déchirant du prisonnier gréviste de la faim Bernard Rappaz.

Derrière cette histoire à rallonges, une question qui prend désormais directement les soignants à partie. Dans une décision annoncée fin août, le Tribunal fédéral estime qu’il incombe aux autorités d’exécution des peines d’ordonner une alimentation forcée envers un détenu gréviste de la faim.

Alors si c'était vous, le médecin à qui l'on ordonnait de nourrir de force un prisonnier? Que feriez-vous? Sans doute que cela dépendrait. Un tas d'instances nationales et internationales se sont penchées sur cette difficile question, et leur réponse est toujours la même: on doit prendre un soin immense à explorer tous les paramètres d'une situation de ce genre, mais si on a fait ce travail et qu'on est satisfait que le prisonnier refuse véritablement la nourriture, et prend sa décision librement et avec lucidité, alors on ne peut pas le nourrir contre son gré.

On ne peut pas non plus, jamais, le nourrir véritablement de force. Cela impliquerait de l'attacher, peut-être de l'endormir, de lui enfoncer une sonde dans l'estomac...et de recommencer encore et encore tant que sa volonté resterait inchangée. Un traitement inhumain et dégradant. Dans les années 70, des prisonniers en Irlande du Nord ont ainsi été nourris de force pendant des mois. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a confirmé à au moins deux reprises que la réalimentation forcée constituait un traitement proche de la torture quand il impliquait d’entraver un prisonnier et de lui insérer de force une sonde de gavage. Je vous épargne la description des faits, car c'est assez difficile à soutenir. Pour les curieux, ces cas s'étaient déroulés en Ukraine et en Moldavie. Lors d’un autre recours (Turquie cette fois), cette même Cour a jugé que le décès d’un détenu, suite à une grève de la faim, ne constituait pas une transgression des droits humains dans la mesure où il avait eu accès en prison aux mêmes soins qu’à l’extérieur.

Mais alors que faire si vous êtes médecin et qu'une autorité vous ordonne de procéder? Le dossier spécial du Bulletin des Médecins Suisses de cette semaine se penche sur la question, et propose un article d'analyse, des prises de position, plusieurs courriers, des extraits des directives nationales et internationales. C'était important de faire ce point. Il y a quelques années, des auteurs américains qui avaient en tête des cas de Guantanamo avaient écrit ceci:

"Les médecins prenant soin de patients qui font une grève de la faim peuvent être placés dans une position de double loyauté ; par exemple, répondre aux obligations de la prison ou du gouvernement, qui peuvent être en conflit direct avec les meilleurs intérêts du patient. Le devoir du médecin envers le patient est toujours la priorité la plus élevée. Toutes les règles légales et éthiques pour traiter les grévistes de la faim demandant la coopération des médecins, ceux-ci peuvent et doivent prévenir l'alimentation forcée de prisonniers en possession de leurs moyens en refusant d'approuver ou de participer. Cette action, naturellement, demandera des organisations professionnelles médicales et légales pour soutenir à fond les médecins des prisons, y compris les médecins militaires, qui suivent les règles de l'éthique médicale et des Droits de l'homme."

En prenant position contre l'alimentation forcée, les organisations professionnelles suisses remplissent donc cette responsabilité. Reste à voir ce qui se passera dans les fait si, comme c'est probable, on se retrouve prochainement devant un prisonnier gréviste de la faim en danger sérieux. Car être pris entre sa déontologie professionnelle et l'injonction d'une autorité n'est jamais une situation facile.

En fait c'est précisément le genre de situation qu'un état de droit cherche habituellement à éviter. Dans les faits, l'utilisation de la médecine comme outil du pouvoir de l'état est surtout associée avec des problèmes comme l'incarcération psychiatrique d'opposants politiques, ou la participation médicale à la torture, ou à la peine capitale. Mais même aux États-Unis, où la participation médicale à la peine capitale fait l'objet de controverses importantes, aucun médecin n'a jamais été condamné pour avoir refusé d'y participer.

Il serait profondément dommage qu'autour du 'cas Rappaz' la Suisse établisse un principe d'asservissement de la médecine comme outil du pouvoir, si légitime que soit ce pouvoir par ailleurs. Ce serait là un précédent que l'on associe plus volontiers avec des états irrespectueux de la liberté individuelle et des droits humains. Et comme le prisonnier autour duquel tourne toute cette histoire se décrit comme un ancien soixante-huitard, ce serait en même temps une conséquence profondément paradoxale de ses actes.

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Merci

«Dieu merci !» dit-on parfois lorsqu’on l’a échappé belle. Les Anglais substituent parfois «Thank goodness !» Merci à la bonté. Cette expression, reprise récemment par le philosophe Daniel Dennett pour remercier ses soignants après une opération du cœur, c’est maintenant à mon tour de la reprendre. J’ai vu ces derniers mois un grand nombre de collègues, un grand nombre d’entre vous, autour de la maladie d’une personne de ma famille. Comme médecin, comme soignant en général, on passe beaucoup de temps à vouloir faire mieux. Mais de temps en temps, il est également bon de se rappeler que notre niveau de départ n’est, disons, pas mal.

Merci à la bonté écrivait Dennett : «Il y a beaucoup de bonté dans le monde, et plus de bonté tous les jours, et ce tissu humain d’excellence est réellement responsable du fait que je suis en vie aujourd’hui.» A mon tour de remercier les chirurgiens, internistes, gastroentérologues, anesthésistes, pharmacologues, infectiologues, néphrologues, infirmières, aides soignants, physiothérapeutes, techniciens de radiologie, laborantins, ainsi que les personnes qui apportent à l’hôpital les repas, nettoient les chambres, font la lessive, poussent les chaises roulantes, et ainsi de suite. Ces personnes viennent du monde entier, et réussissent par des buts communs à s’aider et à vérifier mutuellement leur travail dans un respect impressionnant. Lorsqu’on travaille soi-même à l’hôpital on le sait, mais voilà une occasion de le dire. Et puis les équipes locales ne sont que la pointe de l’iceberg. Il y a derrière nous en permanence tout le système de la médecine – journaux, réviseurs, éditeurs, chercheurs, institutions – sans lequel les individus les mieux intentionnés pourraient si peu. Il y a tout le système de vérification, d’examen critique et rigoureux, de cette autoévaluation obsessionnelle et publique qui doit constituer la démarche scientifique. Dans son fond une des démarches les plus humbles jamais entreprises par des institutions humaines. Alors bien sûr, cette démarche est imparfaite. Mais elle est la raison des progrès qui permettent à une personne de survivre lorsque cela n’aurait pas été le cas il y a vingt ans. Et il y a la démultiplication des démarches quotidiennes de l’empathie humaine, par une foule de personnes souvent anonymes. Démarche imparfaite elle aussi mais en tout point indispensable. Merci à tous. Dennett ajoute encore «Merci à la bonté pour l’eau potable dans nos robinets, la nourriture sur nos tables. Merci à la bonté pour les élections justes, le journalisme véridique.» La médecine est un exemple parmi d’autres du meilleur dont nous autres humains sommes capables : lorsque nous parvenons à faire ensemble ce qu’aucun d’entre nous ne saurait faire seul. Il nous faut pour cela pouvoir compter sur des inconnus, nous rendre dignes à notre tour de la confiance d’inconnus, prendre et passer des relais ; il nous faut savoir que même si aucun d’entre nous ne maîtrise toutes les étapes, toutes les étapes seront, finalement, suffisamment, maîtrisées. Et pas seulement maîtrisées : vérifiées, critiquées, examinées pour tenter, encore, de faire mieux.

Il arrive sans doute à certains d’entre nous, de temps en temps, de prendre ces tentatives constantes d’amélioration pour une forme élaborée d’autoflagellation. Et parfois d’y résister. «Je vais te faire un rapport incident !» entend-on encore trop souvent. Quelle erreur. Ces efforts pour faire mieux, alors même que nous faisons tant de choses bien, sont l’hommage que nous devons à l’importance de tout ce que la médecine sait faire, et surtout de tout ce qu’elle ne sait pas encore faire. Et dans ces moments où l’on en dépend personnellement, on mesure ce que l’on doit à tous ceux qui, au fond, le savent. A vous tous, merci.

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L'art perdu du débat démocratique



Michael Sandel, vous connaissez? Vous devriez. C'est lui qui a fait la série de cours que je vous recommande si vivement dans les liens de ce blog. Dans la vidéo qui ouvre ce message, il pose la question des discussions sur les fondements de nos avis politiques. A voir. Absolument. Et en plus son exemple est la distribution des flûtes, alors forcément je suis conquise d'emblée. Pas que je sache tout à fait encore si je mérite ma flute (aucune réponse n'est donnée), mais moi quand on me prend par les sentiments...

Il aborde aussi une autre question importante: la question de savoir si un sport a un but intrinsèque, ou si les règles sont arbitraires et n'ont de valeur qu'en tant qu'elles sont les règles. Le lien avec les flûtes? Regardez et vous verrez. Mais ce deuxième point est vraiment crucial, et Sandel l'aborde comme on le fait trop rarement. En fait, une part trop souvent implicite du débat sur le dopage est là. Car Sandel présente une version a priori convaincante des buts des règles du sport: faire ressortir 'les vertus et excellences dont nous pensons qu'elles méritent l'admiration'. Est-on bien tous d'accord sur cette définition? Sans doute non. Mais au moins le débat est ainsi posé. Même ceux qui se retrouvent dans cette définitions auront encore à discuter. Car au fond, quelles sont ces excellences? Là aussi, si on veut avoir une position un tant soit peu défendable sur le dopage, il serait utile d'en discuter.

Exigence élevée que tout cela. Remplacer la forme de fanfaronnade morale que devient trop souvent le débat sur dopage par...un vrai débat. Voilà un but qui mérite l'admiration. Mais bon, j'ai un conflit d'intérêt car deux de mes collègues avaient justement commencé d'essayer de faire ça. Je vous le disais, quand on me prend par les sentiments...

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Cas à commenter: un boxeur

J'ai croisé récemment une lectrice de ce blog. Elle m'a reconnue (j'étais sonnée). Elle était contente (j'étais toute réjouie). Mais elle me disait aussi qu'elle n'osait pas écrire de commentaires (j'étais navrée). L'éthique, c'est fait pour être discuté. D'ailleurs, je vous prépare un billet sur ce thème pour quand j'aurai à nouveau un peu plus de temps. Mais en attendant je vais vous faire, de temps en temps et en guise d'encouragement, des petites présentations exprès pour vos commentaires. Allez, courage, ces questions peuvent tous nous concerner un jour ou l'autre. Et vous pouvez commenter anonymement. En plus, promis, toutes les opinions sont autorisées dans les commentaires. Je ne couperai que les messages publicitaires et les écrits qui transgresseraient franchement les règles de la discussion civilisée.

Je vais commencer avec quelques cas basés sur un article que m'a signalé une amie. Ceux qui ont accès au journal peuvent se préparer à l'avance. Mais pas entièrement, car il n'est que juste que je modifie un peu ces cas qui ne sont pas en accès libre. Tous ces cas sont bien entendu fictifs.

Voici la première description:

Un des principes de base de l'éthique médicale est que le médecin doit œuvrer dans le meilleur intérêt de son patient. Mais il peut y avoir des différences entre le meilleur intérêt pour sa santé, et son meilleur intérêt plus global. Dans le premier cas, donc, vous êtes le médecin d'un boxeur amateur. Il vient vous voir car il a des fractures de côtes, dont il a été victime lors d'une compétition. Vous pensez qu'il faut qu'il s'arrête quelques semaines, le temps de cicatriser. Mais il vous dit que, là, justement, demain, aura lieu le match le plus important de sa vie, avec à la clé une chance de devenir professionnel. Il vous supplie de lui donner un traitement puissant contre la douleur, pour lui permettre de combattre le lendemain.

Que faites-vous? Et quelles sont vos raisons?

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L'évolution du comportement moral

Si l'évolution 'sauvage' peut produire des papillons et des orchidées, pourquoi pas le sens de la justice?

Le Centre de bioéthique et sciences humaines en médecine de Genève organise de 2009 à 2011 une série de conférences sur l'interface entre ce que l'on apprend dans les neurosciences (et la biologie de l'évolution) sur comment des être comme nous raisonnent, vivent des émotions, expriment des jugements moraux, et ce que peuvent en dire des philosophes sur un éventuel impact en philosophie morale et politique.

'L'éthique, c'est tout naturel' se passe au Centre médical universitaire. La prochaine conférence sera donnée ce mercredi 9 juin par la Professeur Sarah Brosnan. Elle sera intitulée:


"The Evolution of Moral Behavior"


Attention : exceptionnellement, cette conférence aura lieu dans la salle 7001 (au lieu de C150).
Coup d'envoi à 18h30. Venez nombreux!

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Bonus (oui: re)



Autre brève, sur un autre mode que la dernière fois mais je ne résiste pas: j'ai déjà parlé du phénomène des incitatifs contre-productifs, mais c'est tellement bien appuyé par le dessinateur ici!

Et bien sûr, toute ressemblance avec des événements présents, passés, ou futurs est pu-re-ment fic-tive. Ooops, non: c'est un blog d'éthique je dois être honnête. OK, c'est complètement intentionnel...

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Dépasser les malentendus?

Je continue de vous annoncer les colloques de l'Institut d'éthique biomédicale où je travaille, pour ceux qui ne vivent pas trop loin pour cela.

Le prochain aura lieu (pour une fois) ce mardi 1e juin, et il sera question de véracité, d'annonces de mauvaises nouvelles, et de formation des étudiants en médecine à cela. Un domaine jamais simple, plein de risques de malentendus, où l'on peut véritablement progresser sa vie durant, et sur lequel porte depuis maintenant plusieurs années des enseignements spécifiques.

C'est à nouveau cette fois une équipe locale, dont fait partie votre servante. Ça aura lieu le mardi 1e juin, de 12h30 à 13h45. C'est aux Hôpitaux Universitaires de Genève, c'est-à-dire ici. Attention, changement de salle! Cette fois seulement, notre colloque aura lieu à l'Auditoire des Policliniques. Entrez dans l'Hôpital, tournez à gauche juste derrière la réception, et prenez les escaliers après les portes vitrées.

Les oratrices seront:

Marinette Ummel, Institut d'éthique biomédicale, UNIGE
Anne Baroffio, Unité de développement et de recherche en éducation médicale, UNIGE
Carine Layat Burn, Unité d'innovation pédadogique, HECVSanté
Samia Hurst, Institut d'éthique biomédicale, UNIGE

Nous donnerons une conférence intitulée:

"Dire la vérité: l'expérience des étudiants autour d'une aptitude éthique"

Voici le résumé:

Dire la vérité -donner à une personne malade une information loyale et complète- est une exigence importante de l'éthique médicale. Nécessaire à une décision autonome, la véracité fait partie intégrante du respect des personnes et de leur intégrité. Mais dire la vérité est souvent difficile, et cette difficulté peut représenter un obstacle au respect de l'autonomie des patients. Autant que des principes, il s'agit ici d'enseigner des aptitudes éthiques. Dans ce but, l'Institut d'éthique biomédicale et l'Unité de développement et de recherche en éducation médicale collaborent depuis plusieurs années pour offrir aux étudiants en médecine un séminaire avec patient(e)s standardisé(e)s, sur les aspects éthiques et communicationnels de l'annonce d'une mauvaise nouvelle. Nous rapportons les résultats d'une étude longitudinale explorant l'expérience des étudiants lors de ce séminaire.

Cette conférence est ouverte à toute personne intéressée. Vous en êtes? Alors à tout bientôt!

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Pas très évolué, tout ça...

Je n'irai pas écouter Harun Yahya.

Et pas seulement parce que les positions créationnistes qu'il défend sont profondément ridicules (quoique: elles sont encore plus simplistes et naïves que le dessein intelligent). Non, écouter des inanités, cela peut parfois représenter un certain intérêt. Mais en plus de ça, à en juger à la manière dont les auditoires se sont vidés en cours de route lors de ses conférences précédentes, il ne présente même pas ses idées de manière intéressante.

Pourquoi, alors, inquiète-t-il? Il semble très -très- bien financé. Il a le culot astronomique qu'il faut pour simplement affirmer des choses qui sont clairement fausse. Pas "en doute", simplement fausses. C'est ce culot qui a fait l'objet de nombreux pastiches, comme la 'table périodique du Kansas' qui ouvre ce message, ou encore des articles et pseudo-reportages très drôles sur la 'chute intelligente', la 'théorie de la cigogne', la 'Société de la terre plate', ou plus récemment 'L'Armageddon comme alternative au réchauffement climatique'.

Il y a donc matière à rire. Mais pas seulement. L'Europe a été pour le moment largement épargnée par les batailles qui entourent la biologie aux Etats-Unis. Nous nous porterons tous mieux si cela reste ainsi. Il serait regrettable de voir l'énormité des thèses de Yahya donner l'impression que des créationnistes 'plus modérés' sont du coup respectables dans une discussion scientifique. Le fait d'avoir prétendu que la terre est plate ne suffit pas pour trouver ensuite qu'après tout, finalement, considérer la théorie géocentriste dans les écoles n'est pas si pire tant qu'on dit qu'elle est ronde...

Car c'est un domaine où crier très fort pourrait porter des fruits, malgré tout. La théorie de l'évolution est souvent mal comprise. Plus: elle fait parfois peur. C'est une blessure narcissique. Une lady distinguée, contemporaine de Darwin, l'aurait très bien dit: 'Espérons que ce ne soit pas vrai que nous descendons des singes. Mais si c'est vrai, espérons que ça ne s'ébruite pas!'. Bon, pas très glorieux, de mettre là une telle fierté. Comme motif, on fait mieux. Mais le créationnisme se nourrit de cette gloriole.

D'autre ont des motifs plus honorables, mais basés sur des erreurs. Si l'évolution fait parfois peur, c'est aussi parce que certains craignent d'y voir la fin de la morale. Mais en fait, penser que l'évolution nous dicterait d'abandonner l'éthique, c'est à peu près comme penser qu'elle nous dicterait de marcher à quatre pattes. La craindre 'en défense de l'éthique', c'est mal comprendre à la fois l'évolution et l'éthique. Mieux comprendre l'origine de nos intuitions morales. Comprendre que, parce que l'évolution a eu lieu, nous sommes apparenté à toutes les formes de vie découvertes à ce jour.Il n'y a pas là d'attaque sur l'éthique. Au contraire, voilà des bases pour approfondir notre vie morale.

Un discours créationniste en Suisse, à la longue, pas si sûr que ça ne marche pas du tout...et voilà une raison de plus pourquoi Yahya inquiète.

Et puis Harun Yahya inquiète sans doute aussi parce qu'il s'inscrit dans une mouvance qui semble appeler au retour des théocraties. Présenter des écrits sacrés comme des vérités scientifiques et leurs interprétations comme la réalité du monde, ça nous rappelle Galilée et bien d'autres dont, plus près de chez nous, Michel Servet. Ça nous rappelle des régimes politiques, disons, indésirables. Et ces idées là, ce n'est bien sûr pas seulement sur le plan scientifique qu'elles sont rétrogrades...

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Intelligente générosité



La générosité humaine, on la constate à nouveau chaque fois qu'une catastrophe frappe. On l'approuve. On regrette qu'elle ne soit pas plus chronique. Mais c'est quoi, au juste, ce qui rend la générosité bonne? On a parfois l'impression que c'est une bonne chose par définition, ou alors que c'est bon car cela signale un bon caractère. Mais au fond du fond, ce qui nous importe est que la générosité améliore le monde, en apportant une aide réelle.

Sauf que...quand est-ce le cas? Dans la conférence qui ouvre ce billet (cliquez sur l'image), Esther Duflo dissèque la différence entre avoir de bonnes intentions et améliorer le monde, en proposant...des études randomisées de projets sociaux. Ça existe depuis quelques temps déjà, et c'est encourageant de voir cette démarche avancer. Allez voir: c'est intéressant comme tout.

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Faim...de quoi?

«C’est que… j’ai pas envie… et puis à quoi bon ?» Le plateau reste plein. La patiente, qui a déjà cédé plusieurs kilos à un cancer avancé, a l’air désolée. Décidée, aussi. Tout à coup, l’odeur du jus de viande se fait compliquée. «On ne va quand même pas la laisser mourir de faim ?» Nous sommes sortis de la chambre et, cette fois, c’est l’un de nous qui parle. L’un de nous les soignants. La révolte est palpable, humaine, l’expression du refus de laisser l’un de nous – l’un de nous les humains – renoncer à la nourriture. Tout à coup, le manque d’appétit d’une personne malade se fait compliqué, lui aussi.

Car alors même qu’elle est la plus simple expression d’un besoin humain, la nourriture est compliquée. C’est un besoin physiologique vital, oui, mais pas seulement. Le genre d’êtres que nous sommes en fait aussi, en couches successives, l’expression de l’inter dépendance humaine, de nos liens sociaux les plus fondamentaux, le signe du soin de l’autre, du refus d’abandonner un semblable, la socialité d’un repas partagé, le rythme du temps, tant de choses qui se mêlent dans ce couloir d’hôpital où une patiente vient de nous dire qu’elle n’a pas faim.

Mais dans tout cela, de quoi n’a-t-elle pas faim ? En chargeant d’un tel poids symbolique notre «pain quotidien», il nous arrive de faire des raccourcis vertigineux. Dans les maladies profondes que sont les comas durables, la nourriture se réduit à une poche au bout d’un fil. Comment y rattacher, alors, la socialité fondamentale de notre espèce ? Elle devient un traitement ; un moyen de maintien en vie, souvent dans le sens le plus strictement biologique du terme. Tel l’air que l’on donne au moyen de la ventilation mécanique, on donne de la nourriture au moyen d’une sonde, d'une sorte de tuyau. Dans un cas comme dans l’autre, il arrive que ce geste devienne l’une des formes de l’acharnement thérapeutique. Lorsque c’est le cas, on doit pouvoir l’interrompre.

Cette symbolique, cependant, il est fréquent qu’on s’y rattache quand même. Difficile de l’éviter, quand un moyen de maintien en vie, même artificiel, est en même temps ce dont le partage définit notre besoin les uns des autres. Ce n’est pas un hasard que des conflits parfois houleux portent, parmi les choix thérapeutiques, sur la nourriture. Refuser un moyen de maintien en vie, tout patient qui a compris les enjeux en a le droit. Même si ce moyen est la nourriture. Nous pouvons probablement tous nous imaginer des états dans lesquels nous ne voudrions pas être maintenus en vie. Même si le seul moyen employé pour cela était la nourriture. Mais malgré cet immense consensus, interrompre la nutrition reste difficile.

«On ne va quand même pas la laisser mourir de faim ?» On sait depuis les jeûnes de protestations de dissidents politiques que la souffrance est légère et fugace. Qu’elle disparaît au bout de deux ou trois jours. Les personnes en coma profond ne la ressentent même pas. Certains patients, comme celle du début, n’ont de toute manière pas faim.

Reste notre besoin de rester là. De ne pas cesser d’exprimer, en cessant de nourrir, ce tissu de dépendances mutuelles qui fonde une part de qui nous sommes. Voilà un objectif important. Mais, et c’est là l’aspect troublant de ces questions, lorsque la nourriture n’est «que» un moyen de maintien en vie, alors c’est qu’elle n’est déjà plus en mesure d’exprimer tout cela. Comment, dès lors, l’exprimer autrement ? Voilà le but. Et lorsque notre regard est rivé sur la nourriture, c’est justement ce but que nous risquons de ne pas voir…

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Pour vous faire patienter...



Les obstacles au bloguage ne viennent jamais seuls. C'est un proverbe qui attend juste d'être inventé, je sens. Alors comme vous êtes assez sympas pour continuer de passer par ici même quand je suis prise ailleurs par l'existence, le moins que je puisse faire est de vous donner quelque chose en attendant. La vidéo qui ouvre ce message est intitulée '10 choses que vous ne saviez pas sur l'orgasme'. Cliquez sur l'image, ou alors allez la voir ici. Je dois avouer que j'attendais depuis un certain temps d'avoir une bonne raison de vous la montrer. Voilà qui est trouvé! Il y est question, faut-il le préciser, de vraie science. Mais de celle qui est, disons, plus rarement évoquée aux cours de biologie du secondaire.

Le lien avec la bioéthique? Plein! Mais c'est vraiment pas le plus intéressant. Regardez, vous verrez.

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Combien ça coûte, quelqu'un?

Partout, l'esclavage est illégal.

Mais une des informations qui circule trop peu est que, partout, l'esclavage existe quand même.

Non, ooops, pas tout à fait, soyons exacte: si vous vivez en Islande ou au Groenland, il semble qu'il n'y ait pas d'esclaves dans votre pays.

Mais partout ailleurs, oui.

Partout ailleurs, un nombre variable de personnes sont forcées de travailler sans paie sous la menace de la violence et sans pouvoir partir. Le trafic humain est souvent la face la plus visible du phénomène. Et encore. Comme médecin, comme soignant, il arrive qu'on y soit confronté. Si vous êtes soignant et que cela vous arrive, quelques conseils très raisonnables se trouvent ici. Il y en a d'autres ici. On se sent souvent démunis, et chaque aide apporté à chaque personne compte. Vous trouverez aussi une série de contacts d'ONG ici, si vous vous trouvez devant un cas de trafic humain. Mais la traite ne représente en fait qu'une partie de l'esclavage. Car pour être considérée comme victime de traite il faut ... passer une frontière. Si quelqu'un vient dans votre village vous offrir du travail, vous embarque dans une mine ou une maisons close qui se trouve dans votre pays, ne vous paie pas, et vous brutalise ou vous tue si vous tentez de partir, vous n'apparaîtrez pas nécessairement sur une statistique.

Une autre information qui circule trop peu est que l'augmentation de la population mondiale a conduit à une chute record du prix moyen d'un esclave. Moins de 100$. Le plus innommable dans tout ça est que du coup, dans la plupart des pays du monde, acheter une personne peut être si abordable que le propriétaire n'a pas de raison économique de s'en occuper. Adulte ou enfant, un esclave devient parfois l'équivalent humain d'une tasse en plastique: jetable et remplaçable.

Les mots que je viens d'employer, 'prix' 'acheter' 'abordable' 'jetable' 'remplaçable' 'propriétaire', vous choquent? Tant mieux! L'esclavage est un des affront fondamentaux à notre humanité commune. Une atteinte à la liberté la plus basique de se posséder soi-même. L'exposition d'un être humain à la merci des lubies d'un autre être humain, le plus souvent avec des conséquences désastreuses. Ce n'est pas un hasard si l'esclavage est un des interdits spécifiques des droits humains.

Mais ce n'est pas un hasard non plus si cet interdit est transgressé 27 millions de fois dans le monde actuel. L'esclavage est un crime économique, pratiqué parce qu'il est dans l'intérêt des esclavagistes, et que les victimes ne peuvent pas se défendre. Une bonne nouvelle, donc: il peut être combattu avec des outils économiques. Autre bonne nouvelle: la proportion de la population du globe qui est en esclavage n'a jamais été aussi basse. Et encore: abolir l'esclavage coûterait, en termes globaux, très peu. Allez voir cette vidéo. Ensuite, vous aurez probablement besoin d'aller aussi regarder le site de l'organisation Free the slaves. Alors voilà le lien...

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Attention, changement de salle

Notre colloque aura lieu le lundi 12 avril 2010 à la salle 7-731 et 7-732, au 7e étage de l’hôpital cantonal.

Voilà, je voulais être sure que vous soyez au courant. A bientôt!

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L'éthique d'un autre âge...?

Je continue de vous annoncer les colloques de l'Institut d'éthique biomédicale où je travaille, pour ceux qui ne vivent pas trop loin pour cela.

Le prochain aura lieu ce lundi 12 avril, et il sera question d'aspects éthiques de la pratique médicale au 18e siècle.

Nous aurons le plaisir d'accueillir comme orateurs Micheline Louis-Courvoisier et Philip Rieder, qui travaillent tous les deux dans le Programme des Sciences Humaines en Médecine de notre Institut d'éthique biomédicale.

Ils donneront une conférence intitulée:

"Menteur, brutal, indiscret, et pourtant éthique : le médecin avant la biomédecine"

Voici le résumé qu'ils ont donné:

Un médecin a-t-il le droit de manipuler son malade ? De lui inoculer une maladie à son insu ? Ou encore de colporter des nouvelles de ses patients tous azimuts ?

L’éthique occupe une place toujours croissante dans la formation des médecins, conditionnant les pratiques et délimitant étroitement le cadre de la relation thérapeutique. Les praticiens actifs avant les premiers règlements éthiques du XIXe siècle n’avaient pas de tels repères. Leur pratique était-elle alors barbare ? Une série d’anecdotes tirées de la pratique médicale au XVIIIe siècle le laisse penser. La contextualisation de ces gestes nous permettra d’aborder la question du mensonge, de la violence et de l’indiscrétion dans la pratique médicale d’Ancien Régime et de comprendre les raisons qui les rendaient moralement acceptables à l’époque.

Ça aura lieu le lundi 12 avril, de 12h30 à 13h45. C'est aux Hôpitaux Universitaires de Genève, c'est-à-dire ici. Attention, changement de salle: montez au 7e étage, c'est la salle 7-731 et 7-732 (7ème étage Bât. Principal – Médecine Interne - Salle de colloques).

Cette conférence est ouverte à toute personne intéressée. Vous en êtes? Alors à tout bientôt!

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