Je ne vais pas vous faire de texte aujourd'hui, juste vous donner quelques liens où vous pouvez faire des dons pour aider les victimes du tremblement de terre d'Haiti.
Aide d'urgence:
La Croix Rouge internationale, ou celle de votre pays (Suisse) (France) (Belgique) (Canada)
Médecins du Monde
Médecins Sans Frontières
La Chaîne du Bonheur
Le programme contre la faim de l'ONU est aussi sur place
Sur place également, l'association Yele.
De très nombreuses autres associations se mobilisent. Un nombre croissant, comme AVAAZ.org, mettent en avant des partenariats locaux leur permettant d'apporter une aide plus directe. Une liste d'organisations est également disponible sur google ainsi que sur facebook et sur le site du Washington Post (les deux derniers sont en anglais).
Malheureusement, la détresse n'est pas nouvelle en Haïti. Même en temps 'normal', c'est un des pays les plus pauvres du monde (certains de ses démunis doivent se nourrir de terre glaise). Il a bénéficié récemment d'une remise de dette internationale. Malheureusement, c'est simultanément un des pays les plus corrompus. On oublie parfois aussi qu'il a payé son indépendance à la France en 1825...150 millions de francs or pour 'dédommager les anciens colons'. Cette 'dette', intégralement payée jusqu'en 1883, équivaudrait 200 ans plus tard aux revenus totaux du pays durant 6 ans.
Bref, les besoins ne vont pas s'arrêter une fois la première urgence passée. Pour plus tard, donc:
A nouveau l'association Yele
Partners in Health
Haitian Health Foundation
SOS Haïti
Il y en a certainement d'autres. Indiquez-les dans les commentaires! Ou encore mieux: allez les ajouter ici.
Dons pour Haiti
Ces histoires qu'on se raconte...
On regarde cette image, et déjà on se raconte une histoire. Même si elle a bien des chances d'être fausse.
En médecine, les histoires qu'on se raconte prennent souvent une autre tournure. Pourquoi moi, docteur ? Mais qu’est-ce que j’ai pu faire pour attraper ça ? Cette question, on l’a tous entendue. Peut-être posée, même. Là, mon interlocutrice est une gentille quinquagénaire qui en a marre de sa maladie dont la récidive l’oblige à reconnaître qu’elle est chronique.
On finit souvent par répondre comme si la question était Aurais-je dû faire plus attention ? plutôt que Mais qu’est-ce que ça signifie pour ma place dans l’ordre du monde ? ou plus prosaïquement Comment ça tient avec le reste de mon histoire, ça ? Qu’ai-je pu faire pour attraper ça… On préfère prendre nos biographies avec un peu de liant, de fil conducteur. En vrac, cette fois, des choses qu’on a sans doute tous dites :
Non, je ne pense pas que la rancune de votre belle-fille vous ait donné le cancer.
Vous avez le cœur trop grand.
Dites-vous que vous êtes allergique à l’alcool.
Des mots pas toujours adroits, mais dits avec l’espoir que l’histoire soit racontée un peu différemment. Plus véridiquement ? Voilà le bug. Certains de nos récits ont tout d’un antibiotique pour récits infectés par des malentendus, certes. Mais d’autres ressembleraient plutôt à une anesthésie locale, d’autres à un placebo. Comment s’y retrouver ? La ligne est parfois bien ténue.
Dans la vie quotidienne aussi, d’ailleurs, cette frontière est fuyante. Notre cerveau adore les histoires cohérentes, et paraît maître en la matière de nous en raconter. Dans des conditions expérimentales, on peut observer que le début d’un mouvement précède la décision consciente. Et pourtant on se racontera notre décision. Exemple plus concret : les orchestres d’Europe sont restés un bastion masculin jusqu’à l’instauration d’auditions masquées derrière un écran. Misogynie ? Pas du tout ! Les jurys entendaient un timbre différent chez les musiciennes, et fondaient leur décision en esthétique. Mais la théorie s’est effondrée derrière l’écran : ils n’entendaient plus de différence s’ils ignoraient le sexe du candidat.
Ces histoires qu’on se raconte, une fois qu’on les cherche on les retrouve partout. Comme disait un écrivain anglais, "Le fait que nous vivions au fond d’un puits gravitationnel, sur la surface d’une planète couverte de gaz, tournant à 150 millions de kilomètres autour d’une boule de feu nucléaire, et que nous trouvions ça normal, c'est évidemment une bonne indication pour voir à quel point notre perspective a tendance à être tordue. "
Alors ma patiente ? En théorie, je pourrais lui dire qu’il n’y a pas vraiment de cohérence, qu’à la question Pourquoi moi ? la seule réponse est Pourquoi pas ? Je pourrais aussi lui dire que sa maladie va devenir son histoire. Je pourrais même lui dire que c’est certainement cet événement qui me semble gros comme une maison, et qui vient de frapper sa vie de plein fouet qui en est la cause.
Mais en fait, je vais lui dire que ce n’est rien qu’elle ait fait, que ce n’est pas de sa faute, et qu’elle a raison d’être en colère. Sur le coup, cela dit, c’est fou ce que j’ai l’impression d’être à côté de la plaque...
Récréations
Ne suivez surtout pas le conseil donné dans l'image!
Non non, aujourd'hui c'est pause. Comme un certain nombre d'entre vous reprennent sans doute le travail ce lundi, je vous envoie un petit air de reste de vacances. Et non pas une, mais trois récrés. Le lien avec la bioéthique? Je vous laisse le faire vous même pour ce coup. Un air de restes de vacances vous ai-je dit.
Pour les deux premières, un grand merci à Flavien Cova qui les a signalées sur le blog des Philotropes: deux dessins à regarder ensemble. Comme quoi, oui la science et la philosophie, dans le meilleur des cas ça se nourrit mutuellement. Mais pas comme ça, ni comme ça...
D'ailleurs, si vous ne suivez pas les Philotropes vous devriez: je pense que ça pourrait vous plaire.
La troisième est un peu matheuse. Mais si vous faites, je sais pas, par exemple, au hasard, de la recherche, il se peut que vous l'appréciez. A lire tranquillement. C'est ici.
Bonne reprise à tous ceux qui reprennent, et bonne suite de vacances aux autres!
Profondites
J'ai profité des vacances pour revoir l'excellente conférence du philosophe Daniel Dennett sur L'évolution de la confusion. Il y parle beaucoup de religion, et brosse un tableau fascinant de l'étrange phénomène des membres du clergé qui ne croient pas en Dieu. Au passage, il décrit une forme d'expression qui semble exotique à première vue, mais que vous allez reconnaître, vous verrez. Il appelle ça une 'deepity'. Ma traduction sera forcément approximative, mais appelons ça une 'profondite'.
Comme le nom anglais le suggère, une profondite est une idée triviale qui semble profonde. Le terme français suggère autre chose: c'est une idée malade. Pas nécessairement gravement, mais malade, et possiblement (parfois, peut-être) contagieuse.
Voici la définition de Dennett: une 'profondite' est une déclaration qui peut être comprise de deux manières différentes, et dont l'effet est de superposer, de maintenir en équilibre, ces deux sens chez l'auditeur. Un de ces deux sens est vrai, mais trivial. L'autre est faux, mais serait énorme s'il était vrai.
Il mime dans sa conférence la réaction de l'auditeur. 'Ah oui, je suis d'accord avec ce truc...hmmm...voyons.......wooouuuuaaaaAAAAAWWW!!!!'.
Mais évidemment c'est une illusion mentale. Il donne deux exemples:
1) "L'amour n'est qu'un mot"
2) "Dieu n'est aucun être du tout"
Le premier se déconstruit ainsi:
a) 'Amour' n'est qu'un mot: OK, et puis? 'Arbre', 'sourire', 'basilic', ne sont aussi que des mots.
b) L'amour est un mot: woouuaaa....non, stop, attendez, vous je ne sais pas, mais moi je n'ai encore jamais essayé de trouver ce genre de chose dans un dictionnaire...
Pour le deuxième exemple, c'est un peu plus compliqué et ça mérite de regarder la video.
Mais ce qui m'a surtout frappée, c'est que les profondites ...ben une fois qu'on sait les reconnaître, on les retrouve un peu partout. Et pour faire le ménage chez soi comme il se doit, on en trouve pas mal dans des énoncés moraux. Plein, en fait. Je ne vais pas être exhaustive; si vous en trouvez d'autres elles sont bienvenues dans les commentaires. Mais voici quelques exemples:
"Les animaux ont des sentiments, comme nous"
a) Les animaux ressentent des choses, et nous aussi.
b) Tous les animaux ont une vie intérieure identique à la nôtre.
a) est vrai, et peut effectivement être une raison de ne pas faire n'importe quoi aux animaux.
b) est manifestement faux, mais visiblement on ne s'en rend pas toujours compte... et cela a parfois des effets indésirables.
"Un embryon est un être humain"
a) Un embryon est issu, fait partie, de l'espèce homo sapiens.
b) Un embryon est tout ce qu'est aussi un être humain adulte.
a) est vrai, mais tout seul cela n'a que très peu d'implications morales. On ne traite pas le sang humain, ou d'autres tissus vivants, comme de la viande c'est vrai. Mais on jette sans état d'âme les cheveux que l'on coupe et il sont aussi issus de l'espèce homo sapiens. Si l'on cherche une raison de protéger un embryon humain, il faudra donc en chercher une autre.
b) est manifestement faux, mais là aussi on ne s'en rend pas toujours compte...et là aussi parfois certains effets sont indésirables.
Les profondites, en éthique c'est assez dangereux. D'abord, parce que c'est très très tentant. Une profondite est une stratégie pour obtenir de l'auditeur une approbation admirative, immédiate, sans passer par l'esprit critique. En d'autres termes, c'est un raccourci argumentatif. Raaaaah, il faut se retenir. Mais se retenir est particulièrement important. Utiliser ce genre de raccourci c'est franchir le pas qui sépare la recherche de la meilleure solution éthique ... de l'idéologie. C'est aussi, du coup, envoyer le message qu'on peut sans autre laisser de côté l'esprit critique, être déraisonnable, lorsqu'il s'agit d'éthique. Une assez mauvaise idée, dirons-nous, que cela...
L'image? Vous devriez être capable d'en extraire au moins deux énoncés maintenant, non?
Vos favoris de 2009
Ce blog a désormais assez d'âge pour que je me permette un best of!
Alors, malgré les déboires récents de la démocratie là d'où je vous écris, et parce que vous êtes des gens éclairés n'est-ce pas, je me base sur la fréquence de vos visites pour vous en faire la liste.
Voici donc, dans l'ordre inverse comme il se doit, les 10 pages les plus lues de 2009:
10: Quand l'altruisme est dans notre intérêt
9: Initiative sur l'assistance au suicide en EMS
8: Un très très mauvais anniversaire
7: Quelques conseils en cas de pandémie
6: Le créationnisme européen
5: Diagnostic préimplantatoire
4: On reparle d'avortement
3: La culture scientifique, c'est quoi?
2: Rougeole, une épidémie d'ignorance
Et clairement, de loin, la page la plus lue:
1: Don d'organes: la Suisse mauvaise élève
Bonne (re)lecture! Et bonne année 2010 à tous.