Il arrive -malheureusement assez souvent dans mon métier- que des débats soient mal emmanchés. Et qu'il faille corriger le tir.
La semaine passée, deux de mes (futurs) collègues ont écrit un commentaire dans Le Temps, en se servant du terme d''eugénisme'. Un terme très employé dans beaucoup de débats de bioéthique concernant le début de la vie. Et souvent utilisé à toutes les sauces. Parfois il désigne des pratiques criminelles dans le style des politiques eugénistes du nazisme. Mais parfois certains s'en servent pour désigner, en fait, toute forme de contrôle des naissances quelles qu'elles soient. Bien pratique, alors, qu'il soit négativement connoté...
Du coup, j'ai corrigé le tir. Mais comme leur article est en ligne et que ma réponse ne l'est pas, je le corrige à nouveau en vous donnant le texte intégral. Dites-moi ce que vous en pensez!
De l’usage rhétorique de
l’ « eugénisme »
Dans les pages du 30 mai,
Vincent Menuz et Johann Roduit commentent la plainte déposée devant la Cour
européenne des droits de l’homme par Mme Kruzmane, citoyenne de Lettonie. Son
médecin ne lui a pas proposé de dépistage prénatal de la trisomie 21, puis la
justice de son pays n’a pas reconnu que ceci constituait une transgression de ses
droits. Elle demande que soit reconnu ici son droit de choisir pour elle-même de
porter, ou non, une grossesse à terme.
Dans leur courrier, mes futurs
confrères décrivent sa demande comme « une forme évidente
d’eugénisme ». C’est faux. L’erreur qu’ils commettent ici est même assez
fondamentale. Pour relever de l’eugénisme, une pratique doit avoir pour but un
effet –perçu comme positif- sur le patrimoine génétique d’une espèce.
Historiquement, c’est aussi une politique d’état qui limite dans ce but les
libertés reproductives des individus. Non seulement on voit mal comment les
buts de Mme Kruzmane viseraient la santé génétique de l’espèce, mais en plus elle
ne fait rien d’autre que de réclamer, justement, sa liberté dans ses propres
choix reproductifs. Rien d’eugénique là-dedans.
Alors bien sûr, on peut
être d’accord ou non avec la légitimité de sa démarche pour d’autres
raison: par exemple, selon que l’on pense que l’avortement est défendable ou
non. Un débat social vénérable, dans lequel le peuple suisse a choisi en 2002
la solution des délais. Il y a fort à parier que l’ONG chrétienne citée par les
auteurs serait d’un autre avis, et il est de bonne guerre de présenter son avis
dans un débat publique. Le hic, c’est que se borner à répéter « eugénisme,
eugénisme » pour qualifier des pratiques qui n’en sont pas, ce n’est pas
un argument. Il serait plus véridique de dire « je pense que c’est très vilain ».
Et les bonnes manières des discussions publiques exigeraient que l’on explique
pourquoi…
[+/-] Lire le message entier...
[+/-]Fermer le message...