Le Temps a fait un chat pour toutes vos questions sur le diagnostic préimplantatoire. Nicolas Vuillémoz et Alex Mauron se sont prêtés à l'exercice, et le résultat est ici. Quelque extraits pour vous donner envie:
"Comment décide-t-on qu'une mutation doit être dépistée par DPI
ou non? Comment fixer la limite éthique de la sélection d'embryon?
Les critères ne sont pas foncièrement différents de ceux du dépistage et
du diagnostic génétique prénatal qui portent donc sur un fœtus et non
un embryon. De plus, le DPI implique de travailler sur une quantité
minime de matériel génétique, donc, la faisabilité d'un test donné
devient un critère décisif, ce qui contribue à restreindre l'application
du DPI par rapport aux analyses génétiques classiques. La sélection
d'embryons est motivée par l'absence d'une maladie génétique bien
précise pour laquelle le couple a des antécédents et aussi par l'absence
d'anomalies chromosomiques qui entravent le développement de l'embryon
pendant la grossesse. Les trisomies 21, 18 et 13 sont aussi dépistables à
cette occasion, comme d'ailleurs au cours de toute grossesse normale.
On est donc très loin d'une sélection d'embryons qui viseraient à éviter
des handicaps mineurs, voir à favoriser des traits physiques considérés
comme désirables.
De plus, la nouvelle loi encadre la notion de maladie grave en précisant
qu'il s'agit de maladies qui se déclarent tôt dans la vie et impliquent
des souffrances importantes et des fardeaux particulièrement lourds.
Pas question donc de dépister les futures personnes qui ont un risque
accru de maladie d'alzheimer ou d'autres pathologies qui se déclarent à
partir de l'âge mûr.
Dans les pays où il est autorisé, combien de couples en moyenne ont recours au DPI chaque année?
Nicolas Vulliémoz:
Nous disposons par exemple
de données pour le Royaume-Uni, l'un des pays qui pratique le DPI depuis
longtemps. Dans ce pays, 311 patientes ont eu recours au DPI en 2010 et
368 en 2011. Ce chiffre concerne les analyses sur les patientes
porteuses d'une maladie génétique grave, comme la mucoviscidose.
Alexandre Mauron:
Le
dépistage d'anomalies chromosomiques, c'est-à-dire non liées à une
maladie monogénique (due à une mutation dans un gène particulier) peut
faire augmenter le recours au DPI, mais de façon limitée car qui dit DPI
dit fécondation in vitro et donc problèmes d'infertilité associés à des
antécédents de fausses couches par exemple. Nul part, y-compris dans
les pays les plus libéraux, il n'y a de DPI systématique chaque fois
qu'il y a fécondation in vitro. Il faut des indications supplémentaires
pour justifier le DPI comme dépistage des anomalies chromosomiques
(dépistage des aneuploïdies). L'idée que des couples fertiles pourraient
renoncer à faire des enfants selon la méthode traditionnelle et passer
par la fécondation in vitro pour «sélectionner l'enfant parfait» relève
du fantasme.
Bonjour, la question de l’eugénisme est certes mise en avant par
les opposants. Pourtant, avec une loi plus large que le texte
constitutionnel, n'y a-t-il pas un réel risque de sélection?
Il y a un malentendu sur le genre de sélections que le DPI rend
possible. Ce qui a été présenté comme un élargissement de la loi par
rapport au texte constitutionnel est motivé par le but d'augmenter le
taux de succès de la fécondation in vitro. La sélection que le DPI rend
possible est principalement celle d'embryons dépourvus d'anomalies
majeures qui interrompront son développement bien avant la naissance. Le
dépistage d'anomalies chromosomiques compatibles avec la survie, comme
la trisomie 21, continuera d'être fait par les méthodes de dépistage
prénatal classique qui s'adressent à toutes les femmes enceintes.
L'analogie
avec l'eugénisme d'antan ne tient pas parce que celui-ci visait un
effet sur la population en général et se servait de mesures
autoritaires, comme la stérilisation des «indésirables». On est très
loin des instruments actuels de diagnostic qui servent à donner aux
femmes et aux couples un choix face à la perspective d'une maladie grave
de leur enfant. Parmi toutes les méthodes d'analyse génétique
existantes, le DPI est au fond celle qui a le moins de potentiel
eugénique, précisément parce qu'elle est ciblée sur des catégories
minoritaires de personnes, à savoir les couples qui ont des antécédents
d'une maladie génétique précise et les couples infertiles qui ont une
histoire clinique de fausses couches ou d'autres problèmes survenant au
cours de la grossesse.
Bonjour, est-ce que le DPI permet de savoir si son enfant va
voter à droite ou à gauche plus tard? Ou d'abord à gauche puis à droite
et inversement? Merci de vos lumières scientifiques. G.
On se fait beaucoup d'illusions sur le pouvoir prédictif de
l'information génétique. La génétique humaine est née de la médecine et
elle est donc surtout bonne pour identifier les gènes impliqués dans des
maladies. Elle est faible quand il s'agit d'identifier la base
génétique éventuelle de traits de comportement. D'autant plus que ces
traits de comportement sont souvent le résultat d'une interaction
immensément complexe entre le génome, l'environnement et la biographie
des personnes. Donc non, le DPI, ni la génétique en général ne
permettront jamais de faire une telle prédiction."
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