Quand on parle de 'science et démocratie', on veut habituellement parler de débats démocratiques sur la recherche scientifique et ses applications.
Mais comme tous les débats, celui-ci va dans les deux sens. Un excellent exemple se trouve dans cette vidéo du physicien Lee Smolin. Il y compare science et démocratie pour conclure que...nos modèles scientifiques influencent les modèles de société que nous considérons comme justes.
Et au fond, est-ce si surprenant? On a en écoutant sa conférence une impression d'oeuf de Colomb. D'abord, la science offre un exemple de ce que peut être le débat démocratique. Elle fonctionne parce que les scientifiques font partie d'une communauté éthique. Leurs règles? Smolin les résume en très rapide:
1) Être honnête et liés par des arguments rationnels basés sur des données partagées. Admettre l'échec.
2) Argumenter avec force pour ce que l'on pense, mais laisser le dernier mot aux générations futures.
3) Apprendre les outils de la science, pour diminuer les erreurs.
4) Respecter et écouter sérieusement tous ceux qui sont d'accord d'être liés par les mêmes principes.
5) Laisser tout ce sur quoi nous n'avons pas de consensus à un domaine de désaccords honnêtes et acceptés.
Mais cette comparaison dépasse le domaine scientifique en tant que tel, car notre idée d'une société juste a évolué en parallèle avec des concepts scientifiques, nos concepts du temps et de l'espace. Ces concepts scientifiques ont-ils formé notre idée sur comment vivre ensemble? Nos structures sociales ont-elles plutôt formé nos concepts sur la structure de l'univers? Les deux ont-ils 'grandi de concert' sans que l'un de 'cause' directement l'autre'? Difficile à dire. Mais il faut avouer que l'idée est fascinante.
Alors d'accord, en général toute référence à la mécanique quantique doit faire lever des alertes mentales. Comme Feynman l'aurait dit, 'Si vous pensez que vous avez compris la mécanique quantique, vous n'avez pas compris la mécanique quantique'. Mais l'orateur est l'un des rares humains qui pourrait effectivement disons avoir mieux compris que nous autres.
Sa conférence ouvre toutes sortes de perspectives. D'abord, note à mes lecteurs biologistes, Darwin était très en avance sur son temps. Voir le progrès scientifique comme Smolin le présente, c'est voir que contrairement à ce qui était apparent à l'époque, la biologie a eu une ou deux générations d'avance sur la physique dans le passage d'un modèle à l'autre.
Mais la perspective la plus vertigineuse est la plus évidente: celle d'une évolution (le terme est intentionnel) en parallèle de notre vision de l'univers et d'une société juste. Et si les deux étaient causés par une progression sous-jacente de notre pensée? Notre vision d'une société juste aurait alors sans doute aux yeux de nos descendants a peu près la pertinence du système ptolémaïque aujourd'hui.
De quoi nous rendre humbles...
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1 commentaire:
Vos remarques me rappellent les analyses de Jean-Pierre Vernant (notamment dans Les Origines de la pensée grecque).
Vernant montre à quel point la raison grecque (qui se manifeste dans la philosophie, dans les nouvelles cosmologies des présocratiques) s'enracine dans les structures de la cité grecque.
Vous posez la question suivante : « Nos structures sociales ont-elles plutôt formé nos concepts sur la structure de l'univers? »
Pour Vernant, c'est bien le cas dans la Grèce antique.
Son analyse de la cosmologie d'Anaximandre est d'ailleurs, de ce point de vue, tout à fait pertinente.
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