Ah ben voilà...


...ce n'était pas si difficile, non? Le Pape, oui, a trouvé un moyen d'expliquer que dans certaines circonstances l'usage du préservatif était, ok, pas idéal à ses yeux, mais acceptable quand même.

Bon, d'accord, il avait du chemin à rattraper. Et puis maintenant, devant les louanges de la planète, certains se sont hâtés de minimiser ce qui, en fait, aurait véritablement changé. C'est dommage. Mais qu'importe. A ceux qui ont vraiment beaucoup de mal, il ne peut pas être demandé davantage. Moins nuire, c'est déjà très bien. Et moins nuire lorsqu'on se réclame guide spirituel de plus d'un milliard de personnes, c'est très...très...important.

Un bon point, donc, à Benoît XVI. Ceux qui scrutent les âmes trouveront peut-être sa réaction tardive, et réticente. Qu'ils le regrettent. Mais en médecine on se soucie d'abord des effets. Si ça peut empêcher des bien portants de devenir malades, protéger la vie, maintenir entières des familles menacées, et accessoirement diminuer la misère du monde, alors on est preneurs.

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Rappaz: la quatrième solution ?

Faut-il libérer Bernard Rappaz pour lui sauver la vie, puisque la nutrition forcée n'est pas applicable? Difficile question, qui semble diviser le public romand, et les parlementaires fédéraux. Le Grand Conseil valaisan doit se pencher sur sa demande de grâce ce jeudi 18 novembre. Peut-être les appels 'de la dernière chance' auront-ils une influence mais à l'heure actuelle il serait, disons, très surprenant que la grâce soit accordée.

Cela dit, c'est important de comprendre que la question d'une mise en liberté ne se résume pas à cette demande de grâce. Pour comprendre le problème tel qu'il se pose plus réalistement, trois commentaires sont importants ici:

D'abords celui dont vous avez probablement déjà tous conscience:

1) Une suspension de peine n'est pas une grâce
C'est également une mise en liberté, mais sans raccourcissement de la peine totale. Trois jours hors de prison dans ces conditions, c'est trois jours à ajouter en prison plus tard. Cette question, qui est aussi sur la table -pas nécessairement celle du Grand Conseil, mais celle de la situation en tout cas- est donc très différente de celle d'une grâce.

Mais aussi:

2) Suspendre la peine d'un mourant est la norme en Suisse, et non une exception
Mourir sous les verrous est un drame humain. Un drame qui vient se surajouter, et qui n'est pas prévu par la peine à laquelle le détenu a été condamné. En conséquence, lorsque le décès d'un détenu incarcéré en Suisse est prévisible, il est habituel qu'une demande de mise en liberté soit adressée au juge. Permettre à un détenu qui n'est pas -ou plus- dangereux de mourir libre est une demande honorable. A laquelle la réponse, en Suisse, est habituellement positive. Si ce qui compte est de ne pas faire d'exception pour Bernard Rappaz, donc, le laisser mourir en prison alors qu'il demanderait une suspension pour ces motifs serait assez incohérent. C'est ça qui serait, finalement, faire une exception dans son cas. En refusant de le mettre en liberté pour mourir, on ferait pour lui comme on ne fait pas pour d'autres. Accepter une suspension de peine pour ce motif n'est donc pas lui faire une exception. C'est donc une sortie de crise qui pourrait, finalement, peut-être, être acceptable pour tous.
Et si ensuite il reprenait une alimentation et ne mourait finalement pas? Il reprendrait tout simplement sa peine...

3) Toute suspension de peine peut être conditionnée par la dangerosité du détenu
Certaines des personnes qui ont appelé à la suspension de la peine de Rappaz ont également évoqué la question qui se poserait dans le cas d'une grève de la faim par un détenu dangereux. C'est une très bonne question. Mais ce n'est pas celle qui se pose maintenant. Suspendre la peine d'un détenu reconnu par tous comme non dangereux, en tenant explicitement compte du fait qu'il n'est pas dangereux, ne ferait pas précédent pour cet autre type de cas.


C'est important de comprendre tout ça. Alors oui, bien sûr, peut-être qu'une suspension de peine semblera de toute manière inacceptable aux autorités valaisannes. Même dans un contexte où tout autre détenu l'aurait obtenue. On l'a d'ailleurs vu, la loi la plus récente de Suisse sur la grève de la faim, celle de Neuchâtel, laisserait mourir un prisonnier en grève de la faim, "si la personne le fait en toute conscience et volonté." Et même si on imagine volontiers que les autorités neuchâteloises tenteraient d'abords de trouver un arrangement qui évite cette extrémité, on imagine aussi que dans certains cas cela puisse être considéré comme la moins pire des possibilités disponibles.

Le cas de Bernard Rappaz sera-t-il considéré comme une telle situation? Ce n'est pas exclu. Mais c'est important de comprendre qu'accepter une suspension pour motifs de santé, voire pour motifs de fin de vie, ne serait pas lui faire une exception. C'est important parce que les autorités valaisannes doivent pouvoir, si elles le souhaitent, faire ce choix sans être accusées d'avoir cédé à un chantage. Elles n'auraient dans ce cas de figure pas modifié l'application habituelle des peines, justement. Elles auraient fait pour lui exactement comme pour tout autre. Ni plus, ni moins.

Peut-être me suis-je trompée dans cette analyse. Vos commentaires sont les bienvenus comme d'habitude. Mais il semble que si ce que nous voulons c'est à la fois éviter de faire une exception, et éviter de soumettre un détenu à un traitement inhumain et dégradant, et éviter de le laisser mourir, eh bien pour cette fois c'est possible...

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Soigner le choléra



Normalement je ne fais pas de message strictement médical sur ce blog.

Mais une fois n'est pas coutume. Car en regardant les mots clés qui mènent des gens ici, je suis régulièrement touchée par ceux qui cherchent comment soigner le choléra. Tomber ici lorsqu'on cherche des réponses cliniques, ça doit être décevant. Si vous cherchez comment traiter le choléra, donc, ce message est écrit exprès pour vous. J'avais mis un lien vers la recette des sels de réhydratation dans un message précédent, mais là une équipe a fait une vidéo. Elle montre, sans paroles donc sans barrière linguistique, comment sauver une vie avec, finalement, les moyens du bords. Attention, on y montre aussi comment reconnaitre le choléra, et certaines images sont donc...ahem...cliniques. Peut-être difficiles à voir. Si le sujet ne vous intéresse pas, ne la regardez pas. Ce blog est toujours un blog de bioéthique, rassurez-vous, ce message est une parenthèse.

Mais là, alors que le choléra continue de sévir en Haïti, plus cette vidéo est disponible mieux c'est...

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Cas à commenter: les médecins et l'arrêt du Tribunal Fédéral

Vous avez le courage pour encore un message sur la nutrition forcée? Bon, cette fois-ci je vais "tricher" et en faire un cas à commenter. Car ces temps, tout le monde semble avoir un avis sur ce qu'il faut faire de l'arrêt du 26 août du TF dans l'affaire opposant le DSASI du Valais à Bernard Rappaz.

Il faut l'appliquer. Et l'on dit que les médecins s'opposent à cela. L'appliquer, oui. Et, je l'ai dit, je ne pense pas que les médecins s'opposent en fait à cela. Peut-être avez-vous un autre avis? Donnez-le. Mais commencez par lire l'arrêt. C'est un document qui vaut la lecture. Bon, je sais, c'est du juridique pas nécessairement facile d'accès. Mais vous êtes des gens intelligents. Et puis il n'est pas si long, il contient beaucoup de choses très intéressantes, et il n'arrête pas ces temps d'être cité de travers. Alors pour en faciliter la lecture (l'outil de recherche de la jurisprudence du TF n'est pas le plus facile du monde), je vous l'ai mis en ligne. Voici le lien, en toutes lettres:

http://www.scribd.com/doc/40434339/Arret-TF-6B-599-2010-DSASI-Valais-vs-Rappaz

Et si vous connaissez quelqu'un qui a besoin de le lire, merci de faire passer...

Comme c'est un cas à commenter, et que le but n'est pas de débattre de l'arrêt, je vous précise la question pour les commentaires:

Les médecins qui s'opposent à la nutrition forcée au nom du fait qu'elle impliquerait une violence importante s'opposent-ils par là à l'application de l'arrêt du TF?

La question n'est pas de savoir s'ils ont raison ou tort. Ni de savoir si le TF a raison ou tort. Ni de savoir qui doit, dans un cas comme celui-là, décider. La question est de savoir si une opposition par des médecins au nom de cet argument-là représente oui ou non une opposition à l'application de cet arrêt.

Merci de motiver votre réponse. On est dans un blog de bioéthique, n'est-ce pas. Évidemment, faites attention: si vous donnez une réponse sans avoir lu l'arrêt, ça risque de se voir. Mais vous n'êtes pas comme ça, vous, hein dis?

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Multiples amours



Je continue ma règle de ne pas vous parler que de nutrition forcée. Non mais quand même. La vie est beaucoup plus belle que ça. Et pas seulement parce que l'univers est un endroit magnifique. Dans la liste que feraient la plupart des gens sur ce qui rend la vie belle, il faut mettre en bonne place l'amour. A écrire, si vous voulez, avec plein de 'a' et de 'u'. Mais ça c'est votre affaire.

Dans la video qui ouvre ce message - et que vous trouverez ici - Helen Fisher se penche avec une magnifique rigueur scientifique et une surprenante poésie sur les sentiments amoureux. Une conférence qui vaut vraiment le détour. Vous vous y retrouverez certainement. En tout cas, si vous êtes un membre de l'espèce homo sapiens et pas un des robots de google qui passe de temps en temps sur les blogs...

Il y est question d'addiction, et ce n'est pas entièrement surprenant. Alors si vous deveniez accro à ce genre de recherches, il y a une autre conférence dans le même genre ici.

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Nous avons besoin des explorateurs



Je sais, je sais, je parle beaucoup de cas tragiques ces temps. Alors quelques messages sur ces choses qui rendent la vie belle. Dans celui-ci, la curiosité. A l'heure où la crise menace les budgets de la recherche, y compris tout près d'ici, une brève mais magnifique conférence de Brian Cox rappelle Pourquoi nous avons besoin des explorateurs. Cliquez sur le lien, ou sur l'image. Et venez me dire ce que vous en pensez.

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Encore la nutrition forcée

Difficile, de rester calmes et de réfléchir devant une situation aussi tendue qu'une grève de la faim. En tout cas, c'est l'impression que donne parfois la lecture des journaux commentant le cas de Bernard Rappaz. Alors un peu de clarification.

Point 1 - Les médecins genevois ne s'opposent pas à l'application de l'arrêt du TF: ils l'ont bien compris, c'est tout.

Cet arrêt, qui l'a véritablement lu? On peut l'expliquer ainsi:

"Procéder à une alimentation forcée violerait les droits fondamentaux à la liberté d’expression et à l’intégrité personnelle du prisonnier. Pour justifier la nutrition forcée, il faut donc au tribunal une justification de ces transgressions. En Suisse, limiter un droit fondamental nécessite plusieurs conditions. Il faut que la restriction soit justifiée par un intérêt public. Passons. La restriction doit aussi être proportionnée au but visé. Finalement, «l’essence des droits fondamentaux est inviolable». C’est quoi, l’essence des droits fondamentaux ? Ici, il suffit de savoir que «le droit à ne pas être soumis à une peine ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant» y est inclus, et que le tribunal fédéral le concède explicitement. La nutrition forcée n’est donc justifiée que si elle ne représente pas un traitement inhumain ou dégradant. Uniquement «si elle est pratiquée dignement et conformément aux règles de l’art médical»."

"Si elle est pratiquée dignement et conformément aux règles de l'art médical." Les médecins n'ont donc pas à se plier à n'importe quel ordre. L'arrêt du TF exclu très clairement de cette obligation un cas de figure: celui où une nutrition forcée représenterait un traitement inhumain et dégradant. Sur ce point, le droit et l'éthique sont en accord parfait. Ce qui nous mène au...

Point 2 - Le droit et l'éthique médicale sont parfois en désaccord, oui, mais ce n'est pas l'enjeu principal ici.

Extrait d'un excellent interview d'Alex Mauron dans la presse d'aujourd'hui:

"Le Tribunal fédéral a une vision caricaturale de l’éthique médicale lorsqu’il évoque les directives de l’Académie suisse des sciences médicales comme si c’était l’alpha et l’oméga de l’éthique médicale. Celle-ci s’articule autour du droit à l’autodétermination du patient. Elle s’ancre dans la Convention européenne des droits de l’homme et dans la Convention européenne des droits de l’homme en biomédecine, c’est-à-dire dans le droit international le plus fondamental.

L’éthique médicale ne s’oppose pas au droit. Elle n’est pas au-dessus des lois puisque ses fondements sont ancrés dans la loi."

En fait, le Tribunal Fédéral l'admet aussi, cela. OK, du bout des lèvres peut-être. Entre les lignes sans doute. Mais il l'admet. Car comment savoir si on est dans un cas où il est possible de pratiquer une alimentation 'digne'? Vous l’avez deviné : en se basant sur le jugement de cliniciens conscients des valeurs de leur profession. D'où:

Point 3 - L'admissibilité (légale autant qu'éthique) de la nutrition forcée dépend entre autres d'un jugement clinique.

C'est aussi un des critères relevés dans le rapport du Comité pour la Prévention de la Torture dans un rapport de 2009 sur une nutrition forcée appliquée en Espagne. Cet avis a été cité, car il admet que la nutrition forcée peut parfois être admissible. Cela vaut la peine de regarder le détail. Voici leur avis texto:

"14. Si une décision est prise de nourrir de force un prisonnier en grève de la faim, de l'avis du CPT, une telle décision devrait être basée sur la nécessité médicale et appliquée dans des conditions appropriées qui reflètent la nature médicale de la mesure. De plus, le processus de décision doit suivre une procédure établie contenant des gardes-fou suffisant, y compris une décision médicale indépendante. La possibilité d'un recours légal devrait être disponible et tous les aspects de l'application de la décision doivent être monitorés de manière adéquate
(...)
La nutrition forcée d'un prisonnier sans remplir ces conditions pourrait tout à fait correspondre à un traitement inhumain et dégradant."


"Y compris une décision médicale indépendante", qui est donc un des "garde-fou" requis. Le CPT admet donc en effet que la nutrition forcée peut être admissible, oui. Mais seulement si cette conditions, et quelques autres bien sûr, sont remplies.



La menace de la justice valaisanne de poursuivre les médecins qui refusent l'ordre de nourrir de force leur patient est profondément gênante, parce qu'elle semble reposer sur une combinaison de ces erreurs. Les médecins n'ont pas à suivre un ordre fondé sur l'arrêt du TF si la situation n'est pas celle définie par le TF. Et les considérations éthiques sur lesquelles ces médecins se fondent ne sont pas 'extérieures'. Elles sont 'ancrées dans la loi', et font partie des critères dont se sert aussi le TF pour définir le champ de son arrêt: il y exclut la possibilité d'un traitement inhumain et dégradant.

Gênante, cette menace l'est aussi par l'impression qu'elle donne que la logique du bras de fer se poursuit. Que la question est de savoir qui est le plus fort. La question est en fait de savoir comment sortir de cette situation honorablement. Sans sacrifier de valeurs fondamentales. Ou aussi peu que possible.

Pour ça il faut sortir de la logique du bras de fer, justement. Continuer de chercher une solution qui ménage, aut
ant que possible, la chèvre et le chou. Si elle existe. Lorsqu'il n'y en a pas c'est que l'on est devant un cas tragique. Une situation où quoi que l'on fasse il y aura une transgression lourde. Mais toutes les transgressions ne sont pas égales. Violer les droits humains de quelqu'un, c'est justement ce qu'on est censé avoir décidé de ne faire à aucun prix. Le TF le dit d'ailleurs: la loi suisse aussi prévoit que 'l'essence des droits fondamentaux est inviolable'. En d'autres termes nous avons décidé qu'il restait à la fin des droits que nous ne transgresserions pas, même au nom d'une très très très bonne cause...

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