Voilà! Je suis de retour sur la blogosphère. Il y a des périodes comme ça. Je vous ai promis de vous dire ce qui me retenait: pour la faire courte, la véritable raison est ma thèse d'habilitation. Elle va être en ligne un jour ou l'autre, donc un lien suivra.
Mais j'ai aussi été malade. Pas gravement, pas vraiment longtemps, mais assez pour passablement chambouler le calendrier et ces échéances pour lesquelles on compte, eh bien, sur sa propre santé. Assez pour se rappeler qu'il y a quelque chose de très concret dans le principe de Norman Daniels, selon lequel nous avons droit à des soins de santé parce que la santé est un pré-requis pour nos choix de vie. Assez aussi pour se rappeler qu'être un médecin malade a quelque chose de particulier. Ce n'était ni la première fois que cela m'arrivait, ni la plus sérieuse. Lors d'un séjour de formation aux États-Unis il y a quelques années j'avais attrapé une maladie qui aurait pu m'emporter. J'avais aussi, un peu du moins, vu de l'intérieur le système de santé américain. Et constaté très concrètement à quel point des individus bienveillants, compétents, et chaleureux, ne suffisent jamais à donner au total des institutions respectueuses, rassurantes, ou même sûres. Bien sûr, ces individus aident. Énormément. Mais ils ne suffisent pas. Le principe de Daniels devrait préciser -c'est implicite- que nous avons droit à des soins de santé qui fonctionnent correctement.
J'avais aussi (re)constaté que l'on peut être plus fragile face à certaines choses comme professionnel de la santé. Le secret professionnel, par exemple. Des collègues bien intentionnés m'ont demandé à qui ils pouvaient dire, ou non, ce qui m'arrivait. Lorsque j'ai autorisé l'information, j'ai reçu des appels qui m'ont profondément touchée. Mais l'information a aussi parfois fuit sans que je ne l'autorise, et avec une rapidité déconcertante. Un collègue est par exemple venu à l'hôpital de Genève en demandant à me voir...sans se rendre compte que j'étais à Washington...et informant par ses réclamations persistantes tout l'étage de mon état de santé. Bien intentionné? Immensément. Grave? Dans ce cas, pas du tout. Mais dans d'autres circonstances? Peut-être bien.
Sans que le sujet ne soit clairement étudié (en tout cas je n'ai rien trouvé) on 'sait' que les médecins soignés comme patients dans un hôpital ont plus de complications. Il y a même une raison plausible. Notre sollicitude solidaire pour nos confrères. Paradoxal? Pas tant que ça. A vouloir faire 'particulièrement bien', on fait 'particulièrement', donc différemment. Et lorsque l'on s'écarte de nos habitudes, on fait plus d'erreurs. On reconnait moins des circonstances plus inhabituelles. Et nos habitudes sont, après tout, le plus souvent fondées sur de bonnes raisons. Lorsque j'ai été hospitalisée à Washington, j'ai tu le plus longtemps possible ma profession au personnel des urgences. Et lorsque j'ai dû la leur dire cela les a amené à explorer un diagnostic qui s'est avéré faux - heureusement sans autres conséquences qu'un peu d'inconfort de ma part. Une des infirmière était impressionnée à l'idée de piquer un médecin au point de ne plus arriver à me prendre du sang. J'ai du coup été immensément reconnaissante envers les soignants qui étaient capables de faire abstraction de mon métier.
Cette fois, heureusement, c'était nettement moins grave. Une maladie infectieuse banale attrapée pendant un congrès médical. Le résultat logique, en quelque sorte, de la réunion de quelques centaines de docteurs, qui voient chacun des centaines de patients, pendant une épidémie. Parfois on tombe malade parce que l'on est médecin...
Et dans ce registre j'ai eu, relativement parlant, beaucoup de chance. Car lorsqu'on se penche sur la santé des soignants, on a quelques surprises. La thèse d'une collègue, publiée il y a quelques années, avait par exemple relevé un fort taux d'abus de substances. Vous prenez des gens normalement constitués, vous les soumettez à un stress intense, et vous leur confiez la clé de l'armoire à pharmacie? Aucun comité d'éthique n'autoriserait ça à titre expérimental. Les médecins ont un taux de dépression comparable à celui de la population générale, un taux de suicide supérieur. Dans certains cantons suisses, des réseaux de soutien se mettent, finalement, lentement, en place. Si vous êtes médecin, ou si vous avez des amis médecins, gardez ce lien dans vos marque-pages...on ne sait jamais.
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