C'est de nouveau le moment de mon billet dans la Revue médicale suisse. Cette fois, l'occasion était trop belle. Le Lancet vient de publier une très belle étude sur les possibilités de la médecine préventive. Une équipe internationale chiffre le nombre de vies que l'on pourrait sauver à l'échelle mondiale si on ciblait les six facteurs de risque les mieux étayés comme causes de maladies non transmissibles. Impressionnant: 37 millions de vies d'ici à 2020. La première réaction lorsqu'on lit ça est 'mais qu'est-ce qu'on attend?'. La prévention est un chapitre sur lequel on n'est pas prioritaire en Suisse. Voici des mesures claires, allons-y! Pourtant, ce n'est pas si simple. Et les raisons doivent nous faire réfléchir.
"(...) comment fait-on cela ? Les facteurs de risque sont connus, oui, mais comment les atteindre à ce point ? L’étude postule une diminution de 10% de la consommation d’alcool par personne, de 25% de la prévalence de l’hypertension artérielle, une diminution relative de 30% de la prévalence du tabagisme, la stabilisation de l’obésité et de l’hyperglycémie à leurs taux actuels. A ce stade, on se frotte les yeux. Diminuer le nombre de fumeurs d’un tiers ? L’entretien motivationnel, une des interventions de cabinet les mieux étudiées dans ce domaine, augmentait de 2,3% le nombre de personnes qui arrêtent de fumer dans une méta-analyse. Pas suffisant. Si on sort du cabinet pour voir quels effets on peut avoir avec des outils plus politiques, c’est un peu mieux. Les interdictions de la publicité du tabac sous toutes ses formes font baisser le tabagisme de 9% en 10 ans ; l’effet estimé de chaque augmentation de 10% du prix des cigarettes est de 4-7%. Bien connaître les facteurs de risque ne suffit pas pour savoir les influencer à large échelle. Passer du diagnostic aux interventions, et déjà le triomphe est moins palpable.
(...) en même temps notre ignorance sur les politiques qu’il faudrait adopter n’est pas totale. Les exemples cibleraient le tabac, l’alcool, l’alimentation, sans doute aussi l’exercice physique. Ils incluraient l’interdiction de la publicité sur le tabac, l’augmentation du prix des cigarettes, une régulation libérale face à la cigarette électronique. Ils incluraient des « ceintures de sécurité » alimentaires comme une régulation plus stricte de la teneur en sel. On y ajouterait finalement des aménagements urbains rendant l’exercice physique plus accessible au quotidien. Mais alors nous voilà sortis non seulement du cabinet mais carrément du système de santé. Ces choses que nous saurions en théorie faire, qui les fera ? Depuis nos journaux scientifiques et nos cabinets, nous pouvons bien sûr continuer d’insister, mais la plupart des ministres de la Santé n’ont pas tout cela dans leur dicastère. 37 millions de vies presque à portée de main, donc. Pas si triomphaliste, finalement…"
La plupart des ministres de la Santé, mais on devrait sans doute ajouter 'sauf en Suisse...'? La Suisse, où nous n'avons pas de ministre de la Santé mais ministre de la santé-et-de-tout-le-reste de la politique intérieure? Ces mesures seraient plus réalistes chez nous qu'ailleurs? C'est à voir. Certains d'entre vous le savent peut-être: qu'en pensez-vous?
La médecine hors de la médecine
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