Le premier est une sorte de feuilleton d’éthique de la recherche. Il y a quelques semaines, un tribunal américain a conclu que les victimes nigériennes d’un célèbre dérapage de l’expérimentation humaine que Pfizer est accusé d’avoir perpétré sur sol nigérien pouvaient être entendues devant la justice…américaine. Les familles des victimes auront donc une chance de bénéficier d’un procès dans les règles, et peut-être de dommages punitifs réellement dissuasifs pour ceux qui voudraient à l’avenir tenter un coup pareil.
Pour rappel, Pfizer est accusé d’avoir voulu hâter les tests sur un nouvel antibiotique en choisissant un lieu où sévissait une épidémie de méningite. Jusque là, OK. Mais ensuite, ça se corse. Ils auraient motivé un hôpital pour leur céder une unité utilisée jusque là par Médecins Sans Frontières, créé de toute pièce et antidaté un accord d’un comité d’éthique inexistant, et procédé à l’étude sans consentement valable. Ils auraient remplacé l’administration intraveineuse, plus difficile, par une administration intramusculaire: c’est un détail qui aurait pu être parfaitement acceptable, sauf que la plupart des enfants atteints avait si peu de masse musculaire qu’ils ont finalement reçu des doses insuffisantes d’antibiotiques pour contrôler l’infection. Résultat : le groupe expérimental s’en tira plus mal, en partie en raison de complications du traitement. Après tout ça, il est presque compréhensible que Pfizer soit également accusé de s’être soustrait à ses responsabilités légales sur place. Ce qui ne l’a pas empêché de soumettre les résultats de l’étude à la FDA pour faire enregistrer le médicament. C’est d’ailleurs pour ça que la justice américaine, désormais, s’en mêle.
Tant mieux, pense-t-on. Les seuls à le critiquer sont les juges de la minorité du même tribunal, qui trouvent franchement problématique de décider comme ça que des faits qui ont eu lieu en Afrique relèvent tout à coup de la justice américaine. On se dit qu’ils pinaillent. On veut voir les victimes compensées, les coupables punis. Une procédure qui nous offre cette possibilité semble bonne par définition. Sans doute a-t-on un peu raison pour cette fois, mais il faut se rendre compte que c’est un pis-aller. La justice américaine n’a pas vocation de tribunal international. Les suivants n’auront peut-être pas cette chance, ce qui introduit un degré d’arbitraire. L’argument des juges minoritaires a du sens : on aimerait dans un monde idéal voir aussi respecter la justice procédurale.
L'autre événement, c'est notre Une nationale des journaux de ces temps: la mise en cause du secret bancaire au nom du combat contre la fraude fiscale. Et la distinction, intenable dans le traitement du secret, entre la soustraction et la fraude (merci à lecombier pour son commentaire).
On doit à Montesquieu ce résumé très succinct de la raison pour laquelle nous payons des impôts : Les revenus de l'État sont une portion que chaque citoyen donne de son bien pour avoir la sûreté de l'autre, ou pour en jouir agréablement. Celui qui ne paie pas resquille, c’est en fait très simple. Malgré des discussions parfois très fournies qui commencent par questionner le bien-fondé ou non des impôts, n'oublions pas que ces décision sont internes aux états. La difficulté vient du fait que leur application, elle, dépasse leurs frontières. Alors comment identifier et punir les resquilleurs ? Et de surcroit dans un monde où les états ont des frontières, mais la fortune non ? Pour le coup, la difficulté internationale à assurer la justice n’est pas tant de déterminer s’il faut durcir le contrôle sur le délit fiscal, mais comment le faire d’une manière qui traite les uns et les autres à la même aulne, qui ne relève pas de l’arbitraire, ou des alliances du moment.
Ambitieux, ça. Surtout à un moment où les intérêts de tous sont sous pression…
1 commentaire:
Petit détail: ce n'est pas la distinction entre fraude et soustraction qui est intenable, mais le traitement différentiel de ces deux infractions par la Suisse sous l'angle de l'information transmise ou non à des juridictions étrangères. Du point de vue des définitions juridiques, il est logique de distinguer les deux types de resquille suivant qu'il est fait usage de faux dans les titres ou pas. Ce qui est intenable, c'est que l'oligarchie bancaire helvétique fasse son beurre de la resquille sous ses deux formes. Les banquiers suisses et les milieux politiques qui sont à leur botte n'ont que le mot "liberté du marché" à la bouche et pourtant leur pratique actuelle du secret bancaire est une pratique concurrentielle déloyale. Une pratique qui ne ne bénéficie aucunement à l'immense majorité des citoyens helvétiques, pris en otage par leur gouvernement et montrés du doigt comme citoyens d'un Etat voyou. A vrai dire cela ne date pas d'hier que "la Suisse construise une banque sur les malheurs de l'Europe" comme disait déjà Châteaubriand...
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