Le magistère immoral?

C'est qui, ces gens, déjà?

Ah oui, c'est ceux qui sont considérés comme une autorité morale par un milliard 86 millions d'êtres humains.

Mais juste là on peine à y croire. L'église catholique vient d'excommunier la mère d'une fillette de neuf ans: l'enfant avait été avortée de jumeaux après avoir été violée par son beau-père; sont inclus dans la condamnation l'équipe médicale ayant pratiqué l'intervention, et qui avait estimé que poursuivre la grossesse mettait la vie de la fillette en danger. Le beau-père, lui, non.

Cet événement suscite beaucoup de commentaires, et l'indignation fuse vis-à-vis de cette décision. Y compris de la part des autorités brésiliennes. Tant mieux. Mais rappelons-nous que, s'il est compréhensible d'être choqué, la surprise n'est, elle, pas véritablement légitime. Cette condamnation est du ressort de l'église catholique, qui est après tout libre d'exclure de ses rangs qui elle veut selon les critères qui lui semblent bons. Elle est par ailleurs parfaitement cohérente avec ses positions sur l'avortement.

Non, en fait ce que cette histoire illustre, c'est justement la différence entre une position cohérente et (après tout) attendue de la part d'une église, et une position qu'il serait défendable d'appliquer à tous dans la sphère publique d'une démocratie. La raison-même pour laquelle, finalement, il est si important de ne pas laisser trop de place aux positions religieuses dans l'élaboration des lois d'un état de droit. Imaginez: si la position catholique était intégrée aux lois du Brésil, la mère de cette fillette et son équipe médicale seraient probablement en prison à l'heure qu'il est. Un commentateur récent sur Facebook écrivait: 'Les athées n'ont pas à aller se fourrer dans les affaires de l'Église tout comme l'Église n'a pas à aller faire les lois l'un pays'. Il a raison. Petit message à nos voisins Français: à la veille de la discussion des lois de Bioéthique il est, dira-t-on, salutaire de se rappeler, à tête reposée, ce sage principe.

2 commentaires:

Mikolka a dit…

Bonjour,


1) Ma réponse se rapproche de celle du commentateur écrivant sur Facebook: la religion n'est pas la politique. La différence est que le commentateur écrit d'abord: "les athées", puis "les lois d'un pays", comme si les deux pouvaient être substitués. À mon avis, c'est une erreur. Mais c'est un détail. On ne peut pas attendre de l'Église qu'elle réagisse comme si elle était une démocratie, car elle n'est pas une (au sens où elle n'est pas un régime politique républicain).

2) L'Église a aussi ses propres critères vis-à-vis du viol. Naturellement, elle le condamne (cf la doctrine sociale de l'Église qui défend la dignité de la personne).
Excommunier une personne qui a commis un viol aurait des conséquences désastreuses pour l'Église: ne participant plus aux sacrements, il n'aurait plus "droit au pardon". Il n'est donc pas excommunié mais en état de péché. Il ne faut pas oublier cet aspect.
En ce qui concerne l'excommunication de la jeune fille, cela ressemble à cas de d'application hâtive d'une loi. L'excommunication a lieu dans des cas très précis. Et l'avortement en fait partie. C'est sans doute malheureux, mais cette jeune fille tombe sous le couperet de l'excommunication.
Il faut préciser qu'une levée de l'excommunication est cependant possible. J'imagine que c'est ce qui se produira assez rapidement.

Amicalement,

Samia a dit…

En effet, il faut s'attendre à ce que les règles internes à une église et les règles d'une démocratie soient différentes. C'est pour cela que la surprise, ici, n'est pas vraiment de mise.
Merci à Mikolka pour la description du statut du viol et de l'avortement au sein de l'église catholique: elle est informative. Mais en fait, la décision sur qui garder et qui exclure est une affaire interne qui n'a pas véritablement besoin d'être justifiée vis-à-vis de l'extérieur.

C'est pour cela que le commentateur de Facebook, en fait, ne commet pas d'erreur. Il ne s'agit pas de comparer "les athées" et "les lois d'un pays" (comment comparer des gens et des lois?). Non, il s'agit de rappeler que les personnes extérieures à une église n'ont pas à se prononcer sur les décisions relevant légitimement de sa politique interne. Ici, c'est le cas.
Il s'agit en même temps de rappeler qu'une morale religieuse ne peut être imposée aux personnes qui ne relèvent pas de cette église. Et c'est ça qui se produirait si elle était intégrée dans les lois d'un pays.

Nous vivons une époque où la séparation entre l'église et l'état montre sa fragilité: rappelons-nous pourquoi elle est si importante...

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