Ensuite, bien sûr, prendre en charge correctement un diabète est une activité difficile et de longue durée. Pour ceux d'entre vous qui êtes au moins en partie anglophones, je vous recommande le récit de Sara Sklaroff sur le podcast Narrative matters du journal Health Affairs. Être diabétique, explique-t-elle, c'est un effort quotidien en plus de tous les efforts quotidiens que notre vie exige de nous. Blâmer ceux qui n'atteignent pas la perfection, c'est avoir envers eux des exigences que nous ne pourrions de loin pas tous atteindre. Pas très juste non plus, ça.
Mais la dernière raison pour laquelle la décision hongroise est grave est encore plus fondamentale. Car la médecine, à la base, sert à nous libérer des entraves de la maladie. C'est un outil très imparfait, soit, mais une de ses justifications premières est de nous rouvrir les choix de vie que la maladie, si efficacement, ferme devant nous. La version médicale de l'état policier que propose le gouvernement hongrois devrait donc particulièrement nous horripiler. Car non contents d'avoir instauré une surveillance obligatoire d'un paramètre clinique -et donc limité la liberté une première fois et qui plus est au nom de la médecine- ils ont en plus instauré une punition qui redouble en même temps le dommage et sa médicalisation: la limitation des moyens thérapeutiques, qui sont justement les moyens censés pouvoir rouvrir les choix de vie, et accessoirement sont censés donner aux malades les moyens d'avoir de bons paramètres cliniques. Et d'emprisonnés qu'ils étaient dans leurs circonstances et leur maladie, voilà ces patients enfermé doublement...Responsabilisation, vous disiez?