L'initiative des familles, proposée prochainement dans nos urnes par l'UDC, a l'air toute simple en surface. Le texte intégral tiendrait presqu'en deux lignes:
"Art. 129, al. 4 (nouveau)
4
Les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants doivent bénéficier
d'une déduction fiscale au moins égale à celle accordée aux parents qui
confient la garde de leurs enfants à des tiers."
Elle semble avoir de bonnes chances de passer, cette initiative. C'est peut-être parce que les personnes qui répondent aux sondage sont pour le moment encore mal informées. Mais cela pourrait aussi être un signe de quelque chose de plus inquiétant. Pourquoi? Deux mots d'explications.
D'abord, il faut comprendre que si elle passe cette initiative va surtout profiter à des familles plus aisées. Normal: c'est une déduction fiscale. Si vous gagnez plus, vous payez plus d'impôts, donc en général une déduction vous économisera davantage. Une partie du soutien à l'initiative pourrait venir de l'idée qu'on va enfin faire quelque chose pour soulager un peu des familles dans le besoin. Sauf que...ce n'est du tout de ça qu'il s'agit ici. Si vous avez vraiment des difficultés à boucler vos fins de mois, vous économiserez peu. Peut-être même rien du tout, si vous êtes exonéré de l'impôt fédéral. Et en tout cas vous économiserez nettement moins que des gens plus riches que vous.
De toute manière, cette initiative ne vous concerne sans doute même pas. Car pour pouvoir être concerné il faut avoir le luxe (oui c'est souvent un luxe) de pouvoir vivre sur moins de deux salaires. Avec des enfants, il faut un revenu plus élevé que le minimum.
On ne vient donc pas en aide aux petites gens, ici, malgré le discours de surface. Mais plutôt aux classes moyennes à élevées. Il y a un joli graphique très clair derrière ce lien. Cette initiative est un cadeau fiscal à des personnes plutôt aisées.
Alors oui, on a bien sûr aussi remarqué que ça donnait en plus un incitatif pour renvoyer les mères à la maison. Ce sera souvent vrai. D'autant plus que contrairement aux arguments des initiants, une famille qui garde elle-même ses enfants disposerait d'un revenu disponible plus élevé que celle qui ferait appel à une aide extérieure. Ca, oui c'est un problème. Mais bien plus que de la guerre des sexes, ce texte relève de la lutte des classes. Et c'est en fait là qu'il pourrait être véritablement inquiétant. Car en période de précarité, réelle ou ressentie, ce n'est pas seulement les femmes qu'on risque de vouloir renvoyer aux fourneaux. C'est la solidarité sociale qu'on peut avoir tendance à renvoyer au placard. On oublie malheureusement alors qu'elle est le moyen le plus efficace que l'on ait trouvé pour nous protéger, justement, de la précarité.
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