Sauf que, on l'a vu cette semaine, notre excellent système a parfois des failles. Ici, la circulaire informant les médecins de leur droit à ne pas soigner les 'mauvais payeurs': ceux qui ne s'acquittent pas dans les temps de leurs primes d'assurance maladie.
Elle est problématique a plus d'un titre, cette circulaire. Les auteurs l'on d'ailleurs vu puisqu'ils tentent maintenant de corriger le tir en niant l'instruction de ne pas soigner ces patients. Voici leur texte:
"Selon les médias, dans sa lettre d'information d'août 2014, SASIS SA demande aux médecins, au nom des assureurs-maladie, de refuser les patients qui figurent sur les listes cantonales selon l'art. 64a LAMal. Cette interprétation des médias ne correspond pas aux faits. Sur mandat des cantons, SASIS SA met à disposition des fournisseurs de prestations médicales une solution technique pratique pour consulter les listes cantonales des mauvais payeurs (LMP). Depuis l'année dernière, plusieurs cantons (SH, GR, TI, ZG, AG, SO, LU et SG) participent à cette solution informatique liée à l'art. 64a LAMal, laquelle a été initiée par la communauté d'intérêts LPM des cantons. Cette dernière a chargé SASIS SA de signaler l'existence de cette solution technique aux fournisseurs de prestations médicales car les mauvais payeurs peuvent également bénéficier de prestations médicales hors canton. Nous tenons à préciser que santésuisse n'est pas à l'origine de cette information."
Cette clarification est bienvenue, évidemment, mais le texte original disait tout de même que: "Les personnes figurant sur la liste des assurés en défaut de paiement peuvent uniquement bénéficier de traitements d'urgence"
Cela ressemble quand même à s'y méprendre à une instruction de ne pas soigner hors de l'urgence, ça.
Alors oui, c'est problématique à plus d'un titre. Le premier problème est bien sûr la confusion entre couverture d'assurance et soins de santé. Dans certains cantons, les assureurs peuvent ne plus rembourser les factures médicales des patients fichés. Mais ils ne peuvent évidemment pas demander qu'ils ne soient plus soignés.
Ensuite, de deux choses l'une: soit un 'mauvais payeur' est en difficulté financière réelle, soit il resquille. Dans le premier cas, notre système est censé prévoir des mécanisme pour l'aider. Dans ce cas, donc, c'est donc d'abord le canton dont dépendent les subsides de primes qui serait un 'mauvais payeur'. Dans le second cas, la personne qui choisirait de ne pas payer ses primes alors qu'elle en a les moyens mériterait certes des sanctions. Mais quelles sanctions? Refuser le remboursement des prestations punit le prestataire davantage que l'assuré, et ça c'est aussi un problème.
Refuser le remboursement implique bien sûr une pression sur les prestataires, qui pourront avoir davantage tendance à refuser les soins. Ils en ont techniquement le droit en dehors de l'urgence, car un médecin en pratique privée peut choisir qui il accepte de soigner. La déontologie médicale requiert cependant que tout patient soit soigné indépendamment de ses moyens financiers, un principe inscrit dans le code de la FMH. S'abstenir dans ces cas est donc également problématique.
Finalement, qu'en est-il de la protection des données? On considère en Suisse comme 'sensibles' les données sur "les poursuites et sanctions pénales et administratives". La diffusion de cette liste
est autorisée par la LAMal. Mais c'est problématique. En effet, quel but remplit cette autorisation? Si les médecins, qui après tout n'ont pas pour tâche de faire payer les primes, ne doivent pas non plus limiter les soins aux mauvais payeurs, le seul but semblerait être de les avertir qu'ils risquent le non remboursement. Il s'agirait donc de la divulgation d'une information sensible, dans le but d'avertir des soignants qui n'ont rien fait de mal qu'ils risquent de subir les conséquences des manquements d'autrui.
Je vous le disais, problématique à plus d'un titre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous pouvez vous identifier au moyen des options proposées, ou laisser un commentaire anonyme. Évidemment, dans ce cas vous pouvez quand même nous dire qui vous êtes.