Dans un excellent billet (malheureusement pas en ligne), André Chuffart commentait dans Le Temps d'hier la transparence dans l'assurance maladie. Un sujet très consensuel, ça. Tout le monde il est d'accord, et en plus c'est dans la loi, les caisses maladies qui pratiquent l'assurance de base doivent se soumettre à une surveillance, et rendre des comptes.
Malheureusement, ce beau consensus cache une peau de chagrin. Surveiller les comptes de pas loin d'une centaine d'entreprises, cela prend du temps et des ressources, que le surveillant suisse (en l'occurence l'OFSP) n'a pas en suffisance pour cette tâche. Le billet d'hier commentait donc l'initiative "Transparence de l'assurance maladie" lancée par les médecins suisses l'automne passé, et présentée ici avec un argumentaire là.
De quoi s'agit-il? A la base, pour un assureur 'moyen', l'assurance maladie est une étrange chose. Prenons un exemple. Si vous avez une grosse voiture, et que la réparer en cas de casse coûte cher, tout le monde est d'accord que vous devez payer votre assurance auto plus cher. Il en va de même pour l'assurance incendie, l'assurance ménage, bref ce type d'ajustement au risque est considéré comme normal dans toute assurance. Sauf dans l'assurance maladie. Pourquoi? Parce qu'ici il s'agit de couvrir un besoin de base. La santé. Un besoin que nous couvrons collectivement parce que nous ne pouvons pas le budgéter seul: il est trop imprévisible. Et là où vous pouvez choisir de prendre une voiture moins chère, ou de ne pas en avoir, il vous sera difficile de renoncer à un corps ou à sa fragilité. Une assurance sociale, donc, au vrai sens du terme. Elle sert à mutualiser le risque, et non à faire du profit. Pour cette raison, elle ne peut pas non plus sélectionner des personnes en meilleure santé, ni faire payer plus aux personnes plus malades.
L'assurance complémentaire, en revanche, est considérée comme une assurance comme une autre. Et elle peut refuser des personnes malades, et faire du bénéfice.
Gérer ces deux espèces dans la même entreprise? Dans l'interprétation charitable, c'est un tour d'acrobatie. Dans l'interprétation plus pessimiste, un tas de nœuds de conflits d'intérêts.
Une des raisons pour lesquelles le billet d'André Chuffart est intéressant est qu'il critique l'initiative des médecins, qui exige pourtant rien de moins que l'interdiction de pratiquer à la fois l'assurance de base et l'assurance complémentaire, pour sa retenue. D'après lui,
'Cette initiative est sans doute fort louable (...) cependant (...) pour atteindre les objectifs fixés par le comité d'initiative, la modification de la Constitution fédérale est, à nos yeux, une condition certes nécessaire mais en aucun cas suffisante (...) En revanche, il existe d'autres mesures susceptibles de produire les effets attendus par le comité d'initiative, parmi lesquelles:
I-l'obligation d'expliciter et de publier la rémunération des cadres supérieurs et le montant des frais d'administration et de gestion de chacun des assureurs d'un même groupe, ainsi que la méthode d'attribution de ces frais;
II-l'obligation de limiter les frais entrant dans le calcul des primes des assurances complémentaires;
III-l'obligation de distribuer aux assurés des assurances complémentaires 80%, voire 85%, du sur-intérêt réalisé sur les investissements (cette solution est appliquée en Allemagne depuis 2001); et surtout
IV- l'obligation d'une charge de sinistre minimum dans les assurances maladie complémentaires, c'est-à-dire l'obligation de reverser aux assurés sous forme de prestations un pourcentage minimum des primes encaissées."
'Produire les effets attendus par le comité d'initiative', et ces effets sont? D'après les initiants, le but principal est ici de permettre le contrôle des caisses par l'autorité. Vous vous rappelez? Le truc sur lequel tout le monde est d'accord...
On voit que cet accord ressemble souvent à la vitre de l'image. Fragile, et pas très transparent. Sauf que nous avons de bonnes raisons de l'avoir, cet accord. Et du coup les alternatives ne sont pas légion. Continuer de faire de l'assurance de base, donc de l'assurance sociale, c'est pour une caisse la perspective de subir de plus en plus de pression -légitime- pour que la surveillance sociale puisse opérer. 'L'alternative pour l'assurance privée n'est pas d'essayer de contrecarrer cette revendication mais de refuser d'assumer ce rôle social et de s'abstenir de pratiquer l'assurance maladie'. L'analyse de Chuffart a le mérite de mettre, comme trop rarement, les points sur les i. Le sort de cette initiative nous montrera si ce choix est pour bientôt, ou pour plus tard...
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