Un doctorat ça suffit pas...

Étudier, ce n'est pas seulement apprendre des choses. C'est aussi se forger la réflexion. Et parfois le caractère. Sauf que parfois, ça ne suffit pas. Et parfois, en toute justice, les circonstances rendent d'emblée le projet plus difficile que d'autres. Un exemple cette semaine: la thèse de doctorat de Saif al-Islam Muammar al-Gaddafi.

Une lecture en marge des événements du Moyen-Orient très différente de la dernière, ça. Et ici on ne sait pas s'il faut rire ou pleurer. Saif, c'est celui qui alterne depuis une semaine avec son père sur nos petits écrans, et promet la mort aux opposants du régime. Mais Saif, c'est aussi l'auteur d'une thèse de doctorat en philosophie de la London School of Economics datée de 2008 et intitulée "Le rôle de la société civile dans la démocratisation des institutions de gouvernance internationale".

Extrait (p 236, mes emphases, ma traduction, et mes excuses posthumes à Rawls qu'il cite largement et que ma traduction rapide écorche par endroits):

"Par contraste, une société injuste ou 'hors-la-loi' est reconnue au fait qu'elle 'refuse de reconnaître une loi raisonnable des peuples...[et] affirme des doctrines totalitaires qui ne reconnaissent pas de limites géographiques à l'autorité légitime de leurs...institutions religieuses ou de leurs positions philosophiques'. Des exemples seraient des sociétés qui seraient agressives envers d'autres sociétés ou qui violeraient les droits humains fondamentaux de ceux qui en feraient partie. Dans ce cas, Rawls accorde qu'une intervention peut être légitime: 'Les peuples ordonnés peuvent exercer une pression sur les régimes hors-la-loi pour les induire à changer leurs pratiques; mais seule, cette pression a peu de chances d'aboutir. Elle doit être soutenue par un refus résolu de toute aide militaire, et de toute assistance qu'elle soit économique ou autre; les états hors-la-loi ne doivent pas non plus être admis par les peuples ordonnés comme membres respectables de leurs pratiques de coopération fondées sur le bénéfice mutuel'. (...)
En rejetant l'idée que les états hors-la-loi devraient être autorisés à poursuivre sans être arrêtés, cette thèse est en accord avec Rawls."


Évidemment, le contraste avec ses positions actuelles est saisissant. Ce n'est pas drôle, bien sûr. Et oui, on peut comprendre que ses anciens professeurs aient misé sur l'occasion d'introduire un peu de raison en Libye, même si c'est évidemment très gênant pour eux que cela ait si mal marché. Et gênant aussi qu'il y ait aussi une histoire de sous, qu'ils ont entre temps rendus. Et certes, les étudiants qui ont manifesté pour que leur université coupe les liens avec le régime libyen ont bien fait. Et ok, il y a aussi des accusations de plagiat, pour le moment (à ma connaissance) non confirmées par la LSE.

Non, ce n'est pas drôle. Mais franchement, un fils Kadhafi défendant l'idée qu'un état hors-la-loi devrait être stoppé par la communauté internationale? Il ne croyait pas si bien dire...

2 commentaires:

Lileonie a dit…

This is all a must-read, but so distressingly discouraging that it makes one wonder how many SaIMG there are out there. That nobody talks about.

Samia a dit…

Oui, c'est décourageant en effet. Mais heureusement pas toutes ces personnes ont une capacité de nuisance comparable...

Une raison de plus pour limiter la capacité de nuisance des individus, ça.

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