Si vous n'avez pas encore été regarder la 'mer de vert' virtuelle, vous êtes en train de rater quelque chose. Quelque chose d'important? Sans doute. Deux semaines que les élections iraniennes ont été truquées, deux semaines que le thème #iranelection reste en tête des conversations sur Twitter. Ce mélange de communication directe, de conversation mondiale, et de reportage amateur démultiplié est sans précédent. Bien sûr il comporte ses risques. Tout n'y est pas fiable. La conversation se laisse tauper par des erreurs, hâtives ou induites. Et sa facilité même rend cette technologie vulnérable à la surveillance.
Mais les possibilités sont frappantes. Une jeune collègue iranienne écrit par exemple frénétiquement, pendant les manifestations réprimées, des bases de premiers secours en 140 caractères. Le B-A-BA, mais quel autre média permet de faire ça? Et bien sûr, malgré les efforts pour couper l'internet, la digue est pleine de trous: l'information, les photos, tout passe en quantité suffisante pour que le monde demeure spectateur des manifestations, de la répression, et de ses victimes. Certains ont pris le temps de faire le tri. Des synthèses commencent à apparaître. Des conseils d'activistes aussi. Et des conseils...pour améliorer l'usage de Twitter et le rendre plus sûr.
La caisse de résonance est vraiment énorme.
Et c'est aussi là que le gouvernement en place, chaque jour un peu plus, se discrédite.
La suite? Impossible à dire. La ressemblance du mouvement actuel avec la révolution de 1979 (avec ses manifestations, ses martyres, ses acteurs) doit rendre humble: il y a les protestations, elles peuvent être très longues, très sanglantes, l'issue en est incertaine, et ce que font les vainqueurs de cette issue l'est aussi. Mais on se prend à rêver que l'habitude d'être en discussion constante avec le monde entier rende inévitable, ou du moins plus probable, à la fois la victoire des opposants et la construction d'une société ouverte.
Car pour rappel, voici le résumé de ce que dit Amnesty International sur l'Iran de 2008:
"La liberté d’expression, d’association et de réunion demeurait soumise à des restrictions sévères. Des militants de la société civile, notamment des défenseurs des droits humains en général et des droits des femmes et des minorités en particulier, ont fait l’objet de mesures de répression. Certains ont été arrêtés, emprisonnés et jugés, souvent dans le cadre de procès inéquitables. D’autres ont été empêchés de quitter le pays et ont vu leurs réunions perturbées. Il était courant que les détenus soient maltraités et torturés, en toute impunité. Des peines de flagellation et d’amputation ont été recensées. Au moins 346 condamnés à mort ont été exécutés, le chiffre réel étant probablement plus élevé. Deux hommes ont été lapidés. Huit prisonniers exécutés étaient mineurs à l’époque des crimes dont ils étaient accusés."
Au sujet de la peine capitale, le rapport ajoute plus loin:
"La peine capitale était prononcée pour toute une série de crimes, dont le meurtre, le viol, le trafic de drogue et la corruption. Au moins 133 mineurs délinquants étaient sous le coup d’une sentence capitale, en violation du droit international. (...) En janvier, une nouvelle loi a fait de la production de vidéos pornographiques une infraction passible de la peine capitale ou de la flagellation. Le Parlement examinait un projet de loi visant à punir de mort l’apostasie, mais ce texte n’avait pas été adopté à la fin de l’année."
Alors oui, il est trop tôt pour savoir si la théocratie iranienne survivra aux clashs actuels. Mais faire mieux c'est en tout cas possible. Exécuter des mineurs. Punir de mort l'apostasie. Voilà effectivement un gouvernement contre lequel on irait risquer sa vie. Sauf qu'il serait tellement préférable de ne pas avoir à le faire. Alors, qui fera le poids pour exiger, au moins, de nouvelles élections?
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