Il semble malheureusement que, plus la publication scientifique génère de la confiance, et plus il faut s'attendre à ce que certains souhaitent détourner son crédit à leur avantage. On a ces temps de frappants exemples de ce phénomène, par où le système montre les limites de sa capacité de régulation actuelle. Et par où l'on voit une fois de plus que la culture scientifique nécessite parfois des cours de rattrapage...
Vous vous rappelez la palme du déguisement en scientifique, décernée sur ce blog à Merck pour avoir créé son propre journal de toutes pièces? Cette fois, c'est Wyeth qui s'est trouvée sous le feu des projecteurs. Ils avaient payé pour la rédaction de 26 articles 'scientifiques', qu'ils avaient ensuite fait publier dans plusieurs journaux scientifiques sous le nom de chercheurs réputés qui avaient fait office de prête-nom. L'histoire est sortie lors d'un procès intenté par des femmes qui, tombées malades alors qu'elles étaient sous substitution hormonale, accusent le fabricant. Les articles, publiés entre 1998 et 2003, mettaient en exergue les avantages du produit et en marge les risques. Ils ne mentionnaient jamais leur origine. Du coup, la justice américaine a décidé de rendre publique une archive de 1500 documents détaillant ce processus de 'ghostwriting', ou 'auteur fantôme' en français dans le texte. Le résultat: toute une archive sur internet, et beaucoup de questions sur la fiabilité de tout un pan de recherches.
Aïe.
Comment en arrive-t-on là? Dans la pratique, il semble le 'ghostwriting' se passe à peu près comme ça: vous êtes un chercheur surchargé, vous recevez un appel d'une firme qui vous propose une publication 'clé en main', que vous n'avez plus qu'à signer. Votre carrière est jugée en partie sur le nombre d'articles que vous publiez, et le prestige des journaux où ils paraissent, donc il y a a priori un aspect tentant à la proposition. Disons aussi que vous avez la possibilité de relire l'article. Disons encore qu'il vous semble bien fait, convaincant, et que vous pensez pouvoir 'vous glisser' sans difficulté dans ses conclusions. Alors, preneur, pas preneur?
Présenté ainsi, il est clair que la bonne réponse est 'pas preneur'. Signer son nom sans être l'auteur est un plagiat, et le fait que celui-ci soit consenti et rémunéré ne change rien à la tromperie exercée sur le lecteur. Mais il est en même temps clair que reconnaître ça 'sur pièce' n'est pas nécessairement évident, surtout si la tentation est forte. Et même si la plupart des chercheurs refusent ces offres, chaque personne qui l'accepte est une de trop. C'est d'autant plus inquiétant que c'est, un peu quand même, compréhensible.
Alors bon, que des firmes tentent d'utiliser ce moyen n'est pas vraiment surprenant. Les exemples de marketing agressif et parfois très, disons, moralement plutôt imaginatif s'alignent au fil du temps. Mais il devient urgent de donner aux chercheurs de meilleurs moyens pour éviter de tomber dans ce genre de piège. Car comme les formes mieux caractérisées de fraude scientifique, on sait que ça existe et que ce n'est pas réglementé avec une efficacité complète. Les solutions proposées sont surtout basées sur la visibilité des contributions à la publication dans les lieux de recherche et auprès des journaux scientifiques. Ces démarches gagneraient à être généralisées, car cette forme de détournement de science est souvent soluble dans la lumière: si on sait que ça se voit on ne peut plus le faire. Dans un domaine qui fonctionne à ce point à la réputation, c'est normal, non? Mais il faut donc que cela se voie mieux, plus facilement, et ... quoi encore...ah oui, sans trop attendre...
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