On continue, malheureusement, à devoir parler de la Syrie. Sans presque l'ombre d'un espoir que cela change la moindre chose (les seuls à apparemment encore parvenir à fournir de l'aide sont ici: si vous voulez bien, aidez-les à le faire). Mais une autre collègue (je vous l'ai dit, des fois on est fiers) a publié dans la Revue Médicale Suisse de cette semaine un billet au titre éloquent, "La médecine comme arme de guerre"...
Comme d'habitude, un extrait et le lien:
"De tout temps et de façon ubiquitaire, des professionnels de santé
ont mis leur «science» au service des bourreaux. Dans l’histoire
récente, cela a été dénoncé par les survivants de ces pratiques : on
pense au témoignage de Boukovsky sur son expérience de dissident dans les hôpitaux psychiatriques de l’URSS, ou par des médecins eux-mêmes,
par exemple dans le contexte de la «guerre contre le terrorisme» menée
par les Etats-Unis dans la prison d’Abou-Ghraib, en Irak, ou celle de
Guantanamo.
Il semble cependant qu’un degré supplémentaire soit franchi, en
Syrie. Non seulement les victimes du conflit ne sont pas soignées dans
les hôpitaux publics, mais elles y risquent leur vie : les témoignages
du rapport de MSF montrent que des blessés ont été torturés au sein même
de certains hôpitaux, ce qu’Amnesty International mentionnait déjà en octobre dernier et que confirme un éditorial du Lancet. Mais encore, comme le prouvent ces mêmes sources, les professionnels de santé sont eux-mêmes traqués, arrêtés, torturés, tués."
La médecine comme arme de guerre. On ose à peine s'imaginer les conditions dans lesquelles nos collègues en arrivent là. On a décrit cela à l'occasion des scandales d'Abou-Ghraib: "Une fois que l'on autorise la torture de prisonniers pour une raison quelle qu'elle soit, comme l'a fait ce Président, le cancer se propage. A la fin il se propage aussi aux soignants, et les transforme en complices."
Mais c'est peut-être aussi une occasion de rappeler que si la participation médicale à la torture est universellement condamnée en principe, sa condamnation devant les tribunaux est encore comme disait un autre collègue récemment "un travail où il reste du chemin à faire". Dans l'article qui est derrière le lien, écrit en 2010, il décrit les étapes (on ose à peine dire) typiques de ce genre de processus:
"Etape I: des nations comme la Libye ou la Corée du Nord répriment la discussion de la participation de médecins à la torture.
Etape II: des nations comme l'Egypte, les Etats-Unis, l'Angleterre, les Philippines ou le Vénézuela condamnent la complicité médicale dans la torture en principe mais n'ont pas puni des médecins employés par l'état et qui y ont participé.
Etape III: des nations comme la Grèce ou l'Afrique du Sud se sont concentrées sur un médecin ou un incident symbolique.
>Etape IV: des nations comme l'Argentine, le Brésil, le Chili ou l'Uruguay ont créé des systèmes pour régulariser la punition de médecins pour avoir participé à la torture ou à des crimes contre l'humanité.
(...) Ces différences nationales sont des étapes, pas des types, dans la mesure où elles suggèrent une progression et des objectifs selon lesquels mesurer le succès du travail des droits humains lorsque des nations passent de l'Etape I à II puis III et IV."
Oui, du chemin à faire en effet...
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