Mes collègues, de temps en temps ils me montrent des choses que d'autres ont écrites. Ici, une lettre de lecteur parue dans Le Courrier et qui ne devrait pas, pour plein de raisons, nous laisser indifférents.
" (...) la colère qui fait le contrepoint à la douleur et à l’ennui. Oui la colère devant cette grosse machine à soigner où personne ne sait jamais rien, où les médecins sont les otages systématiques d’un bloc opératoire vorace et obèse, où des infirmières et des aides-soignantes ploient sous le travail, promettent, foncent vers l’urgence suivante et reviennent toujours trop tard ou en courant, au stade où un vague sentiment de culpabilité vous rend visite à chaque fois que votre pouce se glisse sur ce bouton d’appel pendant qu’un torrent de rage naît dans vos entrailles."
Vous qui lisez ici et travaillez dans un hôpital, que diriez-vous à cette personne?
Pour ma part, je dois dire que j'ai été très touchée par ce texte. Et qu'il y a, dans les phénomènes que décrit ce patient, quelque chose de tragique. Un hôpital, c'est un regroupement de personnes intensément éduquées, intelligentes et bienveillantes. Collectivement, le tout étant plus que la somme des parties, il parvient souvent à faire des choses remarquables. Collectivement, cela dit, il fait en même temps trop souvent vivre aux personnes malades des situations comme celle qui est décrite ici. Et cette situation, il est évident qu'elle ne va pas.
Alors que faire? Exhorter les professionnels de la santé qui ont suivi ce patient à plus d'humanité, on voit bien que cela aura rapidement des limites. Ils le sont, humains. Trop, peut-être. Le texte le souligne avec beaucoup de perception et, vu les circonstances, une remarquable générosité. Non, ce sont les circonstances qui conduisent ces humains à générer une situation insupportable, qui doivent ici être examinées. Ce sont, quelque part, les valence que l'on sent resserrées, les processus accélérés, le temps qui s'évapore. Et ici les hôpitaux ne sont pas seuls: partout, de nos jours, on serre les valences. Oui, on peut faire plus en moins de temps. Oui, on peut se partager le travail de manière plus efficiente. Mais dans un hôpital, avoir moins de temps c'est en donner moins aux malades; se partager c'est multiplier les visages qui se succèdent devant lui. Et éviter cela, eh bien ça coûte de l'argent. Pour couronner le tout, c'est de l'argent dépensé pour obtenir une forme de présence qui sera difficile à chiffrer sur un budget. Cette présence et la différence qu'elle peut faire, elle est en fait difficile à identifier jusque dans les questionnaires de satisfaction des patients de l'hôpital: leurs réponses sont souvent plus favorables si leur maladie a mieux évolué, plutôt que si les soins qu'ils ont reçus étaient plus humains.
Que dire, donc, à ce patient? Un grand merci, Monsieur. Vous avez pris du temps, écrit un texte remarquable, fait preuve, aussi, d'un certain courage. Nous avons besoin de plus de témoignages comme le vôtre.
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1 commentaire:
La distance qu'il y a entre la performance industrielle et la compétence humaine, c'est ce qui est vu comme du gras inutile à couper ...
Et alors, l'hôpital devient une "machine efficiente", hélas ...
C. L.
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