Je vous en ai parlé récemment, l'avortement est un sujet qui fâche encore. Ailleurs parfois encore bien plus qu'en Suisse. Cela ne doit pas nous surprendre complètement. Après tout, les enjeux éthiques que soulève cette intervention nous divisent profondément. Quelle protection pour un embryon humain, pour un foetus, à quel stade, à quel point? Quels devoirs pour les femmes, pour les hommes, pour les un(e)s sans les autres? Quelle liberté, et aussi quelle protection pour les femmes enceintes qui ne souhaite pas le rester? Ces questions, oui, elles ont tendance à nous diviser.
En même temps, s'il est normal que ce sujet nous divise il est quand même plus délicat qu'il nous fâche. Car bien des sujets nous divisent et c'est une des conditions de notre vie commune que de savoir gérer ce pluralisme. Face à eux, la question la plus importante pour nos sociétés devient: comment faire des lois pour tous, alors que nous ne sommes pas d'accord? En d'autres termes encore, qu'a-t-on le droit d'imposer à d'autres (et au nom de quoi) alors qu'ils n'adhèrent pas aux mêmes avis que nous? Les législations qui autorisent l'avortement reconnaissent en général ce principe: l'imposer à qui n'en veut pas est un problème (d'où la possibilité de l'objection de conscience, d'où aussi l'illégalité de l'interruption de grossesse non consentie) mais l'interdire (en tout cas dans le cas d'une grossesse précoce) pose en fait le même problème. L'imposition d'une position morale non partagée. Je vous le disais il y a quelques temps:
"Pour penser que l'avortement devrait être illégal, il faut penser trois choses: que l'embryon a un droit à la vie dès la conception, qu'une femme a vis-à-vis de cet embryon un devoir de gestation, et que cette question (pourtant controversée) doit être tranchée par l'État plutôt que laissée au choix de chacun."
Pour être fâché, il faut non seulement avoir un avis tranché sur ces questions, mais aussi quelque chose de plus: penser que qui pense autrement est déraisonnable ou dangereux.
S'il a encore tendance à nous fâcher, ce sujet, c'est cela dit peut-être aussi parce que les pratiques ont changé si vite que le temps passé en deviendrait quasiment invisible. Du coup, peut-être est-il temps de regarder ces images d'archives de la TSR. Derrière le lien, un reportage assez long mais qui vaut la peine. Nous sommes en 1972, autant dire dans un autre monde. Avec, en Suisse, d'autres lois et d'autres habitudes. Le documentaire donne voix à toutes sortes de personnes, qui n'ont que très peu d'opinions en commun sur l'avortement. Elles ont en revanche en commun une grande intelligence. Et rapportent des expériences trop souvent oubliées. Un débat intelligent, donc, et utile. Un débat pas fâché. Il vaut le détour. Ensuite, revenez nous dire dans les commentaires ce que vous en pensez...
Avortement: quelques voix du passé
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