Alex Mauron a fait un très joli billet dans la Revue Médicale Suisse. Je vous ai indiqué le lien derrière l'extrait dans un premier temps, mais on m'a réclamé le reste donc je craque et je vous le donne. Tout le texte qui suit en italiques est donc de lui.
Il n'empêche que vous devriez être abonnés à la Revue, qui est vraiment intéressante et traite souvent de sujets semblables à ceux que je met ici.
Pour aujourd'hui, un sujet important: l'orientation des universités...
"Occupations de bâtiments universitaires à Amsterdam et Londres, grèves des enseignants précaires aux universités d’York et de Toronto. Manifestations et échauffourées à Montréal. Depuis quelques semaines, on peut se demander si Mai 68 est de retour. En fait, ce n’est pas si simple.
Prenons l’exemple d’Amsterdam. Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est un programme drastique de réductions des coûts du fait d’une situation financière critique de l’Université d’ Amsterdam, qui semble elle-même liée à une politique immobilière dont les audaces font controverse depuis plusieurs années. S’ensuivirent des occupations de bâtiments, des rencontres musclées avec la police, des procédures judiciaires… Actuellement, les revendications des occupants du Maagdenhuis, immeuble administratif de l’Université d’Amsterdam, sont épouvantablement subversives : une enquête indépendante sur la situation financière de l’Université, le réexamen de coupes sombres dans les départements de sciences humaines, des conditions de travail moins précaires pour le personnel temporaire… Autrement dit, exception faite d’une frange radicale, il n’est plus question de changer le monde.
C’est qu’en réalité, les révolutionnaires sont dans l’autre camp. Car c’est bien la transformation des universités nord-américaines et de leurs imitateurs qui relève de la révolution néolibérale. Du même coup, les revendications des étudiants et d’une partie du corps enseignant apparaissent comme défensives, attachés qu’ils sont à une idée de l’université que les nouveaux révolutionnaires considèrent comme dépassée.
Le fer de lance de cette révolution, c’est la financiarisation de l’université. Menée comme une entreprise privée, obsédée de marketing, elle est en permanence à la recherche de nouveaux revenus. Après le déclin du financement public, après avoir essuyé les contrecoups de la crise et pressuré ses étudiants par des écolages en augmentation constante, elle se lance dans des investissements de plus en plus éloignés de son centre d’activité. De plus, l’université est aussi un conglomérat de microentreprises, à savoir les groupes de chercheurs gérés par des professeurs qui passent le plus clair de leur temps à chercher de l’argent pour leurs labos. Au bas de l’échelle, il y a une piétaille d’«adjuncts» et autres enseignants précaires sur qui repose une part croissante, parfois prépondérante, de l’enseignement. Qui trouve-t-on au sommet de la pyramide ? Des mandarins choyés dans leur tour d’ivoire ? Vous n’y êtes pas. Ce sont les administrateurs surpayés qui, en une génération, ont largement pris le pouvoir, à la fois financier et idéologique : «le fondamentalisme managérial a conquis l’université».
Malgré tout, l’université européenne (hors Royaume-Uni) est encore relativement protégée. Mais la tentation est grande de suivre le même chemin, qui est en réalité celui du déclin. Le problème est que la culture managériale impressionne les esprits candides et va de pair avec une véritable présomption de compétence. Présomption d’autant plus infrangible qu’elle va à la rencontre de la crédulité des décideurs politiques.
Bien entendu, ce phénomène n’est pas propre à l’éducation supérieure et le monde de la santé connaît une évolution semblable. Nul doute que bien des analogies douces-amères viendront à l’esprit des lecteurs de cette revue.
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