Et si on démocratisait les OGM? (1)

J'ai écrit récemment une des parties d'un débat sur les organismes génétiquement modifiés. Il est paru dans Moins! un journal que vous ne connaissez peut-être pas et dont voici le site pour les personnes intéressées. Petit coup de pub: allez le lire, en version papier donc car c'est la seule qui existe, au moins pour le débat en question...

Mais pour ceux qui n'y auraient pas accès, je vais vous donner ma partie, avec quelques commentaires, en chapitres successifs. Surtout que dans le débat 'pour et contre' il y a toujours une part de trop simple. Car au fond, si la question n'était pas si mais comment? J'ai croisé samedi en rentrant du marché le livreur de Moins! qui venait nous apporter ce numéro. Les bras pleins de paniers de plantons, il n'a pas dû se rendre compte que c'était moi qui avais écrit la défense des OGM dans son journal. Quand on pense OGM, on ne pense pas jardinage mais industrie. Pas liberté mais exploitation. Et si c'était différent? Et si, pour reprendre le titre de ce billet, on démocratisait les OGM? Plein de choses changeraient, certainement. Petit arrêt sur image. Plein de choses, vous dites? Ne serait-ce pas intéressant ici, si les questions soulevées par les OGM changeaient du coup aussi? Car quand une technologie pose des questions différentes suivant comment on l'applique, alors c'est que la question réelle n'est pas de savoir si on est pour ou contre mais plutôt comment on veut l'appliquer. Et si, donc, on démocratisait les OGM? Voilà une question qui n'a pas eu la place dans le débat du journal. Pas par manque d'intérêt, sans doute, mais les limites de place sont ainsi. Alors je vais profiter d'aborder ça ici, chapitre par chapitre. Et pour lire l'autre partie, eh bien il faudra acheter le journal. Curieux? On y va...

Les critiques et les questions sur les OGM sont de plusieurs ordres. On craint des risques pour la santé humaine. Pour la santé des écosystèmes. Une technologie sans précédents et donc non maîtrisée. Une atteinte à la pureté de la nature. L'exploitation des paysans. Bref, il y a beaucoup de points différents, et beaucoup de mélanges. J'en avais déjà parlé il y a quelques temps. Et puis, ça tombe bien, Nature vient de publier dans l'intervalle un numéro spécial que je vous conseille vivement. Mais prenons point par point.

Pour commencer s'agit-il ici d'une technologie qui serait 'sans précédent'? Bien sûr, ça dépend. Mais fondamentalement, la réponse est non:

"Le génie génétique agricole est en fait dans la droite ligne de deux histoires débutées avec la révolution néolithique. La première est alimentaire, la seconde sociale. Elles sont liées, mais face aux enjeux soulevés par l’une ou par l’autre les réponses adéquates seront différentes.


Sur le plan alimentaire, la domestication des plantes a permis aux humains d’améliorer la stabilité et la sécurité de leur alimentation. La qualité nutritionnelle s’est souvent appauvrie, mais il y avait plus à manger et la population a augmenté. D’emblée, les agriculteurs ont modifié, par la sélection et les croisements, les plantes qu’ils ont domestiquées. L’ancêtre sauvage du blé n’est pas reconnaissable aujourd’hui à des non-spécialistes. 

Sur le plan social, la domestication des plantes a profondément restructuré les sociétés humaines. Il y eut pour la première fois des surplus, la possibilité de soutenir des personnes dont l’occupation n’était plus de produire de la nourriture. Il y eut des villes, la diversification du travail, la propriété de la terre, bref les ancêtres directs de nos sociétés actuelles.

L’agriculture a permis ce qu’il y a de plus beau dans nos actes collectifs, mais aussi façonné des injustices graves et persistantes. Certaines formes d’assujettissement, de domination, d’exploitation, n’existeraient pas sans elle. Ces deux faces sont liées, mais les distinguer est important. Vouloir plus de justice pour les petits paysans, moins d’exploitation par des multinationales, moins de monopole, voilà qui relève du versant social. C’est un combat vénérable: les premiers législateurs de l’histoire se trouvaient déjà confrontés à des questions de répartition des terres, d’endettement, d’oppression. C’est un combat juste: il vise les moyens d’une vie décente pour ceux qui nous nourrissent.Mais ce combat n'est pas botanique : il porte sur l’organisation des sociétés humaines. Ici, vouloir interdire les OGM, c’est manquer la véritable cible."


Si on démocratisait les OGM? On en fixerait les objectifs en se référant aux besoins d'un plus grand nombre de personnes. On pourrait en théorie faire cela en limitant la possibilité de breveter des plantes génétiquement modifiées. Ou des plantes tout court, qu'elles soient génétiquement modifiées ou non. Un autre enjeu, ça: la question des dépôts de brevets sur des plantes issues de la sélection traditionnelle illustre à quel point le risque d'exploitation des faibles ne se limite pas à l'usage des OGM. Mais même sans changer le droit des brevets il est concevable qu'une ONG prenne ces brevets et ensuite s'abstienne de les appliquer. Un brevet, après tout, ce n'est rien d'autre qu'un droit d'empêcher l'utilisation d'une invention par d'autres personnes. Si vous voulez laisser d'autres appliquer la technologie en question, donc, libre à vous de le faire. Votre brevet ne servirait dans ce cas 'que' à empêcher une autre personne à prendre ce brevet pour en faire un autre usage. 

Un exemple de ce que l'on sait faire d'autre que l'exploitation, avec des OGM? Il est dans l'image. Une équipe de l'école polytechnique fédérale de Zurich travaille sur au développement de variétés transgéniques de manioc qui résisteraient mieux aux maladies spécifiques à l'espèce, et dont l'apport nutritif serait amélioré. Mettre ces plantes, moyennant que leur sécurité soit attestée, entre les mains des paysans, voilà qui serait le contraire de l’assujettissement. Peut-être qu'effectivement, la question des OGM n'est pas si mais comment...

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