Ça y est. La Belgique a légalisé l'euthanasie pour les mineurs. C'est un texte qui soulève bien sûr beaucoup de commentaires. Pour les faire informés, le texte en langue française de la nouvelle loi est ici.
Mais ce texte n'est pas entièrement une surprise. Il n'y aurait en fait eu que deux raisons de s'y opposer. Premièrement, comme le souligne mon collègue Iain Brassington dans les blogs du British Medical Journal, celui qui s'oppose à l'euthanasie en tant que telle aura tendance à également s'opposer à la possibilité de l'euthanasie pour les mineurs. Mais la Belgique admet que l'on puisse, sur sa demande instante et lucide, accepter de donner la mort à une personne gravement malade qui souffre et qu'on ne peut soulager que par ce moyen. Faudrait-il pour cela attendre d'avoir 18 ans, lorsque la maladie, elle, n'attend pas toujours, et la lucidité non plus?
Ce serait là la seconde raison de s'opposer: estimer que jamais un mineur ne pourrait avoir une lucidité suffisante pour une telle décision.
En filigrane de la réaction de rejet que l'on trouve dans certains commentaires, se cache en fait deux tragédies. Oui, il arrive que des adolescents se trouvent en phase terminale d'une maladie incurable, et que leurs souffrances ne puisse pas être soulagées même avec des soins palliatifs bien conduits. C'est proprement révoltant. C'est rare, heureusement. Mais oui cela arrive. Un monde tel que nous le souhaiterions, tel que nous le ferions s'il ne dépendait entièrement que de nous, ne contiendrait certainement pas ce genre de situation. Mais elles ne peuvent être écartées d'un trait de plume du législateur. Un pays qui admet l'euthanasie active, sur demande d'un patient qui en a compris les enjeux, ne peut pas vraiment justifier de mettre la majorité parmi ses critères. C'est la compréhension des enjeux qui est ici décisive. Un enjeu très bien expliqué ici par Alex Mauron
Et c'est précisément dans cette lucidité que se trouve la deuxième tragédie. Les enfants, les adolescents, atteints de maladies graves grandissent autrement que les autres. Il est profondément triste de les voir perdre, avec une enfance normale, une des parts essentielles de la vie humaine avant de perdre parfois le reste.
Leur accorder le droit de choisir l'euthanasie, est-ce dès lors un respect de leur choix qui n'est pas de leur âge? Nos ados en bonne santé, on voit bien qu'ils ne font pas que des choix considérés, et certains sans doute le penseront. D'ailleurs, ce choix, la loi Belge ne le leur reconnait pas entièrement. Leurs parents doivent eux aussi consentir. On ne peut qu'imaginer la dureté des situations qui mènent à ce genre de décision. En plus, ces situations sont strictement encadrées: il faut avoir épuisé les alternatives thérapeutiques, il faut que la souffrance soit 'constante et insupportable'. Dans les circonstances décrites, sans doute ne décririons-nous pas le choix de mourir, constant et réitéré, comme une 'lubie d'adolescent'. En Suisse, un adolescent dans ces circonstances a le droit de demander l'arrêt des moyens de maintien en vie, dès lors qu'il est capable de discernement. Un respect de leur choix qui n'est pas de leur âge, disions-nous? S'ils grandissent plus vite, s'il devancent en quelque sorte leur destin,
s'il sont contraints de prendre avant les autres une part du monde des
adultes, alors sans doute leur devons-nous en effet précisément cela...
Mourir avant d'être adulte
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