Barrières financières à l'accès aux soins


Les 'barrières financières à l'accès aux soins', c'est le terme poli qu'on emploie pour dire que quelqu'un qui a besoin de voir un médecin ne peut pas se le permettre. Dans un système à couverture universelle, comme le notre, on est censé avoir largement ou complètement éliminé cela. Si nous payons tous les mois notre prime d'assurance maladie, c'est justement pour avoir ensuite accès aux soins dont nous avons besoin.


Première conclusion: on ne s'en tire pas si mal. Pour certains paramètres on est même plutôt bons. Par exemple, seuls 3% ont répondu que le médecin qu'ils avaient vu était moyen ou mauvais. Petite tape sur l'épaule à mes collègues, là. Seuls 4% ont rapporté devoir attendre plus de 6 jours pour un rendez-vous. Même si on attend souvent trop longtemps dans un service d'urgence, en particulier quand notre angoisse commence à monter et monter, on s'en tire en fait mieux sur ce point en Suisse que dans presque tous les autres pays examinés. Sur d'autres points en revanche on est moins bon. On a plus souvent du mal à obtenir des soins le soir ou le week-end en Suisse qu'en Grande Bretagne. Sur les barrières économiques, on est 'moyens à plutôt mieux'. 

Mais la deuxième conclusion doit être que c'est un problème quand même. En payant tous la même prime, nous sommes censés payer tous le même prix pour le même service. Ce que révèlent ces chiffres, c'est que certains payent et ensuite n'ont pas. C'est d'autant plus injuste que c'est peut-être parfois parce qu'ils payent, parce que le budget devient très serré après avoir réglé l'assurance, qu'ensuite ils n'ont pas accès au service qu'ils sont censés avoir acheté.

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Assistance au suicide: les paradoxes du 'modèle suisse'

C'était il y a quelques temps le moment de mon billet dans la Revue Médicale Suisse. Comme d'habitude, je vous mets un extrait et le lien. Dites-nous ce que vous en pensez...

Au printemps dernier, EXIT a fait les gros titres de la presse nationale en changeant ses critères pour accepter d’assister le suicide de personnes atteintes de «polypathologies du grand âge». Il n’y a bien sûr pas de statistiques si rapidement, mais à en croire les collègues qui reçoivent ces demandes il semble qu’il y ait eu depuis lors une augmentation du nombre de ces situations. Il semble aussi que cela mette ces collègues devant des problèmes difficiles.Je veux bien le croire. Face à une demande d’assistance au suicide, les cas dit «ordinaires» sont déjà délicats. Imaginez une personne atteinte d’une maladie terminale, d’un mal physique. Si cette personne vient à demander une assistance au suicide, nous serons sans doute d’accord qu’il faut commencer par discuter avec elle des alternatives qui pourraient lui rendre la vie plus supportable. La médecine, et plus spécifiquement les soins palliatifs, sont ici conviés comme tout naturellement. Avec une alternative décente, souvent (pas toujours mais souvent), on préfère en fait vivre.

Planning familial par l'employeur

Deux mots sur l'annonce récente que Facebook et Apple allaient offrir la congélation sociale des ovocytes à leurs employées. Cette technique, qui permet de préserver quand on a 20-30 ans ses ovules pour s'en servir plus tard dans une fertilisation in vitro.

Elle a à première vue des avantages, cette technique. De plus en plus de femmes retardent leurs grossesses. Suffisamment pour que l'âge moyen à la première grossesse soit en progression constante. C'est basé sur du réjouissant et du moins réjouissant. Réjouissant: retarder ses grossesses est un fruit de l'optimisme et de la prospérité. L'ethnologue Susan Blaffer Hrdy l'a décrit il y a déjà des années: les femmes, un peu partout, mettent la qualité avant la quantité. Si elles pensent que les circonstances de leur vie seront meilleures plus tard, elles auront tendance à attendre, pour donner à leur futur enfant de meilleures chances dans l'existence. Moins réjouissant: si ce sera mieux plus tard, parfois c'est parce que c'est vraiment difficile maintenant. Bien sûr, les moyens mis à disposition des parents pour s'occuper de leurs enfants - du temps libéré du travail rémunéré, des crèches, des aides - seront déterminants. Moins ils sont disponibles, plus il faut les payer de sa poche et cher, plus les grossesses risquent d'être retardées par des femmes qui se disent qu'elles seront plus tard plus riches ou moins précaires, et pas nécessairement dans une meilleure position pour avoir des enfants par ailleurs.

Alors maintenant l'annonce de Facebook et Apple. C'est à la surface un cadeau substantiel. Plusieurs dizaines de milliers de dollars, pour une technique qui aiderait vraiment des femmes à avoir des enfants dans des circonstances de plus en plus fréquentes: le recours à la FIV pour une grossesse tardive. Si on se base sur les statistiques, on devrait être contentes, non?

Evidemment, il y a aussi une face plus sombre.

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Mes collègues: sponsoring pharmaceutique de la formation continue

Arnaud Perrier a écrit un très bel éditorial dans la Revue Médicale Suisse. Comme d'habitude, un extrait et le lien (derrière le texte):

«La vertu a cela d’heureux qu’elle se suffit à elle-même»Jean de la Bruyère/ Tiré de La Condition humaine.La formation continue des médecins constitue aujourd’hui un enjeu considérable. Or, force est de constater que, malgré le travail de clarification remarquable fait pas l’Académie des sciences médicales (ASSM) au sujet du partenariat toujours délicat entre les médecins et l’industrie pharmaceutique[*], elle continue à être fortement influencée par les pharma. Quelques chiffres pour illustrer l’importance du phénomène. Le marché du médicament pèse annuellement environ 450 milliards de francs suisses (chiffre d’affaires 2012). Selon la plupart des estimations, 25-30% de ce chiffre d’affaires sont consacrés au marketing, soit en gros le double des sommes investies dans la recherche et le développement. Qu’est-ce qui justifie ces investissements colossaux ? Cela se résume en une phrase : There is no such thing as a free lunch.1 Toutes les études le montrent : le sponsoring de la formation continue par l’industrie influence le comportement de prescription du médecin.

Revenez après nous dire ce que vous en pensez dans les commentaires...

Ebola (3)

Hier soir dans une rue comme les autres à Montréal, une dame qui - comme les autres- parlait dans son téléphone: "Oh le pauvre! Mais dis: il ne revient pas du Libéria n'est-ce pas...?"

On pourrait se dire que voilà à quoi ressemble le début d'une panique, mais ce serait oublier que les paniques ne frappent pas toujours au hasard. Je vous ai parlé des questions soulevées par les traitements de l'Ebola dans deux des derniers billets. Mais la question centrale n'est en fait pas du tout là. L'enjeu central de notre réponse au virus Ebola n'est ni la recherche clinique, ni la recherche fondamentale. Non, l'enjeu central est que voilà un virus qui vit de nos contacts les plus fondamentaux, et qui en les rendant contagieux les fragilise.

Imaginez-vous cette dame au téléphone. Son amie ne sait plus trop bien. Mais leur ami commun vit seul. Il est malade. Il a besoin qu'on lui fasse ses courses. Ira-t-elle?

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