La redoutable force des symboles

D'abord les chiffres. Selon le site swissinfo, 57.7% des Suisses ont accepté l'initiative anti-minarets. Seuls trois cantons et demi l'ont refusée: Bâle-Ville, Genève (le plus fort taux avec 59.7% de non, merci à tous mes voisins au bout du lac!), Vaud, et Neuchâtel.

Maintenant les commentaires. La stupeur est générale. Je suis bien sûr déçue, vous vous en doutiez. Mais en fait cela va plus loin que ça. Je sais que les lecteurs de ce blog ne sont pas tous en Suisse, alors si vous êtes ailleurs je vous avertis que je m'apprête à briser un des tabou de ma culture.

Voilà (on prend bien son souffle):

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Bonté humaine!

'Dieu merci!' dit-on parfois lorsqu'on l'a échappée belle. Les Anglais substitue parfois 'Thank goodness!' Merci à la bonté. Cette expression, un des tous grands hommes de notre temps, le philosophe Daniel Dennett, lui a donné il y a quelques temps un sens plutôt littéral. Et il l'a fait dans un texte très touchant. A part le fait qu'il y confirme ses positions de défenseur publique de l'athéisme, ce qui n'est pas vraiment ici la question, il y remercie aussi très sincèrement ses médecins, ainsi que tous ses autres soignants. Et bien sûr personnellement je suis plutôt émue par ça: car c'est nettement plus rare que l'on pourrait le croire, de se faire remercier comme médecin. Même lorsque, comme on l'espère, les choses se passent bien. Et puis, il y présente un risque moral dont j'ai déjà parlé ici: celui de penser que l'on a fait quelque chose de bien, alors que les actes dont il s'agit là n'ont en fait rien à voir avec le bien ou le mal que nous faisons autour de nous. Finalement, et en fait surtout, ce texte est un véritable hymne à tout ce que nous autres humains pouvons faire collectivement, et qui n'existerait jamais sans la multitude de contributions de toutes parts que nous sommes capables de joindre ensemble. Plutôt que de vous raconter davantage, je vous traduit son texte intégral. C'est assez long (avertissement) mais comme à peu près tout ce qu'il écrit ça vaut le coup:

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Ce type est un génie


On entend en général trois sortes de soucis éthiques face à une avancée technologique importante. Ce truc est-il dangereux ? Est-il source d'inégalités sociales supplémentaires ? Est-il déshumanisant ? Là, je pourrais consacrer tout ce message à regarder ce que ces trois soucis signifient, quand ils sont justifiés ou non, tout ça. Mais en fait aujourd'hui je préfère vous montrer un contre-exemple.

Magnifique, le contre-exemple.

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Si proches...

C’est au bout du bip que j’ai appris que ma grand-mère était mourante. La personne qui m’appelait n’avait pas réponse à la moitié de mes questions. «Juste une minute, docteur, j’aimerais vous parler de (mon mari, ma mère, mon oncle, mon amie, mon grand-père …)». Ces phrases, nous les avons tous reçues entre deux portes, à la sortie des chambres, des salles de consultation, presque physiquement accompagnées d’une main sur la manche. On nous attrape. On doit bien, parfois. Le quotidien clinique fait trop rarement place à ces discussions. A la dernière question, la plus importante : «Que dois-je faire ?».

A l’époque, je n’ai pas hésité une seconde.

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Lire les émotions dans le cerveau

'Faites en sorte, en construisant une théorie morale ou en projetant un idéal moral, que le caractère, la méthode de décision, et l'action prescrites soient possibles, ou perçues comme telles, pour des êtres comme nous.' ('principe de réalisme psychologique minimal', Owen Flanagan, 1991)

Vouloir séparer l'éthique de ce que l'on appelle en général 'la nature humaine', est illusoire. Et du coup cela pose une série de questions très intéressantes. Ces questions, les neurosciences se les posent de plus en plus concernant, justement, notre raisonnement moral.

Le cycle de conférences 'L'éthique, c'est tout naturel', organisé par le Centre de bioéthique et sciences humaines en médecine de Genève, se poursuit autour de cette interface entre ce que l'on apprend dans les neurosciences sur comment des être comme nous raisonnent, vivent des émotions, expriment des jugements moraux, et ce que peuvent en dire des philosophes sur un éventuel impact en philosophie morale et politique.

La prochaine conférence, c'est le 18 novembre. Elle sera intitulée 'Lire les émotions dans le cerveau', et sera donnée par le Professeur Patrik Vuilleumier. Coup d'envoi à 18h30 au Centre médical universitaire. Venez nombreux!

Ma santé, ta santé

La santé, affaire collective ou affaire privée? Les maladies infectieuses nous montrent à quel point cette question est simpliste. Vouloir protéger sa santé tout seul est illusoire. Et pas seulement durant les épidémies. En Suisse, la discussion sur les soignants qui refusent de se faire vacciner montre à quel point cette question est difficile. Aux États-Unis, le passage de la réforme d'Obama devant le congrès (avec à peine 2 voix de marge) a sans doute dû quelque chose à l'arrivée, justement cette année, de la grippe H1N1.

Personnelle ou collective, la grippe? On en parle évidemment beaucoup autour de la question de la vaccination. Car oui, s'agissant de maladies infectieuses contre lesquelles un vaccin existe, le choix de les attraper (ou du moins d'en prendre le risque, c'est normalement cela qu'on veut dire), est individuel. Mais en même temps il ne l'est pas entièrement. Car, malade, on est également contagieux.

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Le coeur d'un autre

Comme ce blog est lu par des personnes qui peuvent être intéressées, et que certaines (certaines!) ne vivent pas trop loin, je continue de vous annoncer les colloques de l'Institut d'éthique biomédicale où je travaille. Le prochain aura lieu le lundi 9 novembre, et il sera question des questions philosophiques de l'identité confrontées à la greffe d'organes.

Faire vivre un autre grâce à une part de soi qui nous survit, peut-être que ça dépasse l'entendement. Vivre grâce à cet organe, grâce à une part d'une autre personne qui lui survit en nous, sans doute aussi...Intrus, miracle, objet dans un très beau film de la poursuite de l'amour maternel, dans un autre des soucis inachevés du donneur, un organe greffé, confié, n'est pas tout à fait une partie du corps comme une autre.

Ce colloque offrira un exemple de ce que la réalité de la médecine peut offrir à la philosophie. Ça aura lieu le lundi 9 octobre 2009, de 12h30 à 13h45. C'est aux Hôpitaux Universitaires de Genève, c'est-à-dire ici. Montez au 6e étage, c'est la salle 6-758 (6ème étage Bât. Principal – Médecine Interne - Bibliothèque).

L'orateur sera:

Simone Romagnoli, philosophe

Il donnera une conférence intitulée:

"Enjeux identitaires dans la greffe d'organes: le philosophe face à la réalité"

Voici le résumé qu'il a donné:

Le concept d’identité personnelle occupe une place de choix dans la tradition philosophique occidentale et tout particulièrement dans les débats contemporains. À l’intérieur de ces débats, le thème de la greffe d’organes – notamment la transplantation hypothétique de cerveau – est utilisé pour défendre ou critiquer une certaine conception de l’identité personnelle. La question qui sera abordée dans le cadre de ce colloque concerne l’impossibilité pour ces conceptions philosophiques de répondre aux défis soulevés par la transplantation réelle d’organes. Devrions-nous adopter un nouveau concept?

Cette conférence est ouverte à toute personne intéressée. Vous en êtes? Alors à tout bientôt!