Le mélange explosif du religieux et du politique

La votation sur les minarets en Suisse comporte le risque d'un malentendu fondamental. Car elle mélange deux enjeux qui sont en fait très différents.

Le premier: l'ambivalence d'un grand nombre de personnes envers l'islam. On voit dans nos sociétés pluralistes, en lisant la presse et en regardant autour de soi, à la fois des personnes musulmanes qui vivent leur religion tranquillement de manière privée, et des personnes (elle sont plus présentes dans les journaux) dont l'intégrisme fait peur.

Le second: la place que nous voulons donner à la religion dans nos institutions et notre espace publique. Et en fait, le véritable enjeu est celui-ci et non le précédent.

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Un très très mauvais anniversaire...

Les commémorations se suivent et ne se ressemblent pas! Aujourd'hui, ce serait plutôt le contraire d'hier. Un très très mauvais anniversaire. Qu'on évitera soigneusement de souhaiter à qui que ce soit. Surtout aux médecins, aux habitants de Genève, aux membres de l'église unitarienne, aux amateurs de livres anciens, et en général à toutes les personnes qui préfèrent ne pas vivre en théocratie.

Le lien dans tout ça?

Il y a tout juste 456 ans aujourd'hui, le 27 octobre 1553, Michel Servet brûlait sur la colline de Champel.

C'est-à-dire pas loin de l'endroit d'où je vous écris.

Ce n'était pas n'importe qui, Michel Servet.

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Un très très bon anniversaire!

Ci-contre, 'Joyeux anniversaire' en chinois. Petit clin d'œil à la langue la plus parlée de l'humanité. Car aujourd'hui est un anniversaire qu'il faudrait pouvoir souhaiter dans toutes les langues. A tout le monde. Et surtout aux millions de personnes qui, ces derniers 32 ans, ne sont pas mortes de la variole.

Le 26 octobre 1977 on a diagnostiqué la variole pour la toute dernière fois.

La dernière victime, heureusement a survécu. Mais la mortalité de la variole pouvait être redoutable. Cette maladie, qui nous suivait vraisemblablement depuis avant l'invention de l'écriture, a profondément marqué notre histoire. Elle toucha Mozart, Beethoven, Washington, Lincoln, Elizabeth I; et qui sait combien de personnes qui auraient pu être comparables elle tua dans l'enfance. Arrivée en Amérique avec les Européens, la variole est meurtrière: 90-95% des morts parmi les populations indigènes lui seraient dus. Certains de mes ancêtres ont ainsi vu plus ou moins tout le monde mourir autour d'eux. Certains des vôtres aussi: ce n'est 'que' une question de chronologie, car aucune région du monde n'a été épargnée.

Et maintenant, eh bien cette maladie n'existe plus. Son éradication (attention, image impressionnante), un effort immense de solidarité globale et de santé publique, est sans aucun doute un des grands événements du 20e siècle. Vous avez vu l'image sur ce dernier lien? Voilà, après coup c'est tout simple: aujourd'hui, nous n'avons plus à craindre ça pour nos enfants. Mais quelle prouesse que de réussir ça.

Et comment, justement, a-t-on réussi ça? La vaccination. A l'heure où la désinformation fait rage contre elle, ça méritait d'être rappelé, non?

Le créationnisme européen

Si la science, la religion, la biologie, le créationnisme, et même l'éthique (ça fait beaucoup) vous intéresse, allez vite écouter le ballado de Scepticisme scientifique, Jean-Michel Abrassart interview cette semaine Antoine Vekris, alias OldCola.

Non, je ne vais pas vous le résumer: allez-y voir.

Bon, OK, je craque pour deux points que je vous résume quand même. Tout d'abords, le créationnisme n'est plus rangé bien tranquillement au delà de l'Atlantique. Tiens: en 2007, l'enseignement de la création biblique sur le même plan que l'évolution, dans un cours de biologie, a été corrigée in extremis avant la diffusion d'un manuel scolaire...bernois.

Le deuxième point est bien sûr éthique.

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Vous avez dit, méliorisme?

La médecine soigne les maladies. C'est-à-dire qu'elle tente, entre autres, de ramener les personnes malades à la possibilité d'un fonctionnement normal, compatible avec les choix de vie ouverts aux personnes en bonne santé.

Peut-elle parfois tenter d'amener des personnes, malades ou non, à un niveau de fonctionnement supérieur ? A faire en sorte qu'elles se portent 'mieux que bien'? Cette perspective fait couler pas mal d'encre. J'en avais d'ailleurs déjà parlé autour de la question de l'amélioration de nos facultés mentales.

Mais toute cette discussion, qui inclut notamment le débat autour du dopage sportif, repose sur l'idée que l'on sait distinguer ce qui est de l'ordre de la thérapie, et ce qui est de l'ordre de la médecine améliorative ou enhancement en anglais dans le texte. Est-ce si clair? Un récent colloque à la Fondation Brocher questionnait cette distinction. Encore plus illustratifs, certains exemples de thérapie où s'opèrent le flou entre ce qui guérit, ou compense, et ce qui améliore. L'un de ces exemples est l'athlète Aimée Mullins (ci-dessus), amputée des deux jambes, et qui non seulement a repris la compétition mais joue avec ses prothèses et explore avec elles de nouveaux domaines esthétiques et sociaux. Elle présente son expérience dans une conférence fascinante. A voir absolument avant de reprendre toute distinction entre thérapie et enhancement.

Science ... et démocratie!

Quand on parle de 'science et démocratie', on veut habituellement parler de débats démocratiques sur la recherche scientifique et ses applications.

Mais comme tous les débats, celui-ci va dans les deux sens. Un excellent exemple se trouve dans cette vidéo du physicien Lee Smolin. Il y compare science et démocratie pour conclure que...nos modèles scientifiques influencent les modèles de société que nous considérons comme justes.

Et au fond, est-ce si surprenant? On a en écoutant sa conférence une impression d'oeuf de Colomb. D'abord, la science offre un exemple de ce que peut être le débat démocratique. Elle fonctionne parce que les scientifiques font partie d'une communauté éthique. Leurs règles? Smolin les résume en très rapide:

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Les écologies et leurs avantages

Soyons justes, j'ai blogué sur les dérives de l'écologie dans sa version radicale, il est temps de parler de ses bons exemples. Pour rappel, un très bon résumé des mouvances de l'écologie par un collègue se trouve ici. Et sur le sujet de l'écologie, il faut vite aller lire cet article paru récemment dans Nature.

Les auteurs sont cette fois partis de points de départs qui font consensus dans l'écologie qu'on pourrait qualifier de classique.

1) Il est conforme aux intérêts humains de vivre équitablement dans une planète durable.
2) Les animaux, les plantes, la biosphère doivent être sur notre radar moral.

Ils définissent sur cette base des 'frontières planétaires' qui définissent l'état de l'écosystème au sein duquel l'humanité est susceptible de se porter le mieux possible, décrivent les domaines dans lesquels ces frontières sont susceptibles d'être menacées, et tirent un certain nombre de sonnettes d'alarme.

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L'éthique...c'est tout naturel

'Faites en sorte, en construisant une théorie morale ou en projetant un idéal moral, que le caractère, la méthode de décision, et l'action prescrites soient possibles, ou perçues comme telles, pour des êtres comme nous.'

Ce 'principe de réalisme psychologique minimal', exprimé par Owen Flanagan en 1991, rappelle un point très important. Vouloir séparer l'éthique de ce que l'on appelle en général 'la nature humaine', est illusoire. Et du coup cela pose une série de questions très intéressantes.

C'est quoi, 'ce qui est possible pour des êtres comme nous'?

Et si nous constations que ce qu'on considère comme 'moralement juste' est hors de notre portée: cela cesserait-il d'être 'moralement juste'? Dans quelles conditions? Pourquoi?

Ca veut dire quoi, d'abords, 'hors de notre portée'?

Et puis qu'est-ce qui fait que nous considérons une action comme 'moralement juste'? Y a-t-il des 'illusion d'optiques' de l'éthique?

Ces questions, les neurosciences se les posent de plus en plus concernant, justement, notre raisonnement moral. Comment faisons-nous ça, en pratique? Si on observe notre cerveau, qu'y voit-on lorsqu'on est en plein dilemme? Certains résultats interrogent nos idées préalables. Par exemple, on sait que notre engagement émotionnel varie selon les scénarios qu'on nous présente, et que cela donne à l'arrivée des conclusions qui semblent contradictoires. Nos intuitions nous aident-elles? Nous trompent-elles? Ces questions sont fascinantes.

Elles vont faire l'objet d'un cycle de conférence que je vous invite à suivre. Le Centre de bioéthique et sciences humaines en médecine de Genève lance ce 14 octobre une série de conférences sur cette interface entre ce que l'on apprend dans les neurosciences sur comment des être comme nous raisonnent, vivent des émotions, expriment des jugements moraux, et ce que peuvent en dire des philosophes sur un éventuel impact en philosophie morale et politique.

'L'éthique, c'est tout naturel' se passe au Centre médical universitaire. La première conférence est intitulée 'Morality and the Social Brain', et sera donnée par la Professeure Patricia Churchland. Coup d'envoi à 18h30. Venez nombreux!

Le moralisme nuit gravement à la santé...

Jacques Chessex est mort. Juste après avoir été attaqué en public par un de mes confrères, qui pensait sans doute défendre 'le Bien'. Alors oui, 'juste après' ne veut pas dire 'à cause de', attention. Mais cela mérite tout de même commentaire, car il s'agissait de ce qu'on a le droit de dire autour d'un enjeu moral.

L'écrivain était un habitué des joutes verbales, dont les débat dit-on pouvaient en venir aux mains. Il en avait donc sans aucun doute vu d'autres. S'il n'était pas mort en pleine réponse, ce dernier commentaire qu'il a reçu n'aurait jamais eu d'échos nulle part. Mais il n'empêche que ce commentaire est symptomatique. Symptomatique d'une certaine tendance à argumenter sur la base de l'autorité plutôt que sur celle...des arguments. Symptomatique surtout d'une tendance à traiter certains crimes par la logique de la souillure. Pas anodin, ça. Car du coup, voilà qu'on présume la culpabilité. Et qu'on accuse ceux qui osent même vouloir en discuter.

Cette version-là du moralisme n'est pas bonne pour la santé de nos réflexions morales. Car comment être justes, comment avancer dans les situations difficiles si les questions sont interdites?
Et à ce qu'il semblerait, elle n'est parfois pas bonne pour notre santé tout court...

Prescrire l'héroïne?

Comme ce blog est lu par des personnes qui peuvent être intéressées, et que certaines (certaines!) ne vivent pas trop loin, je continue de vous annoncer les colloques de l'Institut d'éthique biomédicale où je travaille. Le prochain aura lieu le lundi 12 octobre, et il sera question des enjeux éthiques de la prescription d'héroïne dans le cadre du traitement de l'addiction.

Ce sujet est semé de malentendus. Prescrire l'héroïne, est-ce thérapeutique? Défaitiste? Complice d'un crime? L'addiction est-elle un choix? Une maladie? Lorsque la substance est illégale, un délit?

"Prescription d'héroïne: quels enjeux éthiques?"

Voici le résumé qu'elle a donné:

Bien que légalement autorisés depuis plusieurs années, les programmes suisses de prescription médicale d'héroïne ont soulevé et soulèvent encore de nombreux débats. Certains des enjeux éthiques liés à cette thèse en médecine sont présentés ici.

Cette conférence est ouverte à toute personne intéressée. Vous en êtes? Alors à tout bientôt!

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Et de deux!!!

Magnifique. On ne rira plus jamais du rôle de la Suisse dans la paix mondiale. Nous sommes en 2009 et notre pays vient de gagner pour la deuxième (oui la deuxième) fois, et attention, de suite, le prix IgNobel de la paix.

Petit rappel, en 2008 les prestigieux et décapants prix IgNobel distinguent une commission de bioéthique helvétique 'et les citoyens suisses' pour avoir adopté un principe légal selon lequel les plantes ont une dignité. C'est d'ailleurs à cette occasion que j'ai démarré ce blog. Ces prix, petits cousins satiriques et transatlantiques des prix Nobel annoncés cette semaine, distinguent la recherche 'qui fait rire, puis donne à penser'.

Et il semble qu'on ait réussi à faire ça deux fois de suite. Pas mal! Cette fois, c'est une équipe de l'Université de Berne qui est récompensée pour avoir déterminé -et attention, expérience scientifique à l'appui-

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