Vous avez été voir les liens indiqués en bas à droite sous 'pour agir'? Non? Si vous ne lisez pas le blog de ma petite soeur musicienne, c'est possible que vous n'ayez pas encore vu le site de Kiva: micro-crédit 2.0. Vous êtes en train de manquer une expérience fascinante. Mais voilà, je l'ai maintenant mis dans un message, et vous n'avez donc plus d'excuse. En plus, je suis a peu près sûre que ça va vous plaire. Car ce n'est rien moins qu'un portail qui vous permettra de participer, pour 25$ qu'on vous rendra à la fin, à une des plus belles aventures humaines d'internet.
Qui n'a pas entendu parler de la Grameen Bank. Fondée par Muhammad Yunus en 1976, lauréate du Prix Nobel de la paix en 2006, cette 'banque des pauvres' prête des 'micro-crédits' à des personnes qui ont besoin d'un coup de pouce pour sortir de la pauvreté, mais qui n'ont pas mais alors pas du tout un profil permettant d'obtenir un crédit dans une banque 'normale'. Et il se trouve que ça marche. Une fois qu'on leur prête de l'argent dans de bonnes conditions, la plupart de ces personnes parviennent à améliorer leur situation, à rendre l'argent, et souvent à faire profiter tout leur entourage de leur nouvelle situation.
Kiva, c'est ce qui va vous permettre de devenir, depuis votre salon, un banquier des pauvres. Des partenaires du terrain basés dans le monde entier rendent visite aux candidats et les sélectionnent sur le réalisme de leur projet. Une association basée en Grande-Bretagne centralise les recommandations, et les poste sur un site web, avec l'histoire de l'entrepreneur qui demande un prêt et sa photo. Ensuite, c'est à vous de jouer. Vous prêtez, à partir de 25$, la somme que vous voulez à qui vous voulez. Est-ce que c'est risqué? Très peu. Vous ne toucherez pas d'intérêt, mais le taux de défaut de paiement est de 1.54% en moyenne. En prime, on vous donnera des nouvelles des personnes auxquelles vous aurez prêté de l'argent. C'est un magnifique exemple de la manière dont la technologie peut, aussi, servir à encourager et soutenir la coopération humaine.
En parlant de coopération, pour les personnes à l'esprit compétitif il y a même des équipes de prêt. Vous pouvez vous joindre à ceux que vous voulez pour faire grimper la somme prêtée en commun. L'équipe qui est actuellement en tête compte 5792 membres et a déjà prêté $953'750.00. Joli. C'est l'équipe des personnes sans religion. Ca aussi, c'est joli. Un bel exemple du fait que point n'est-il nécessaire d'avoir de la foi pour être généreux. Ou bon. Mais ça, Platon le savait déjà. D'autres équipes pouvant vous intéresser? La liste complète est ici, mais certains d'entre vous sont certainement (dans l'ordre décroissant des prêt pour le moment): sans religion, chrétiens, fans d'Obama, Européens, Australiens peut-être (Yael?), Belges, homosexuels (Philippe?), Français, Québecois (loin devant les Canadiens pour la plus grande fierté des francophones n'est-ce pas Martyne, et Frédéric?), Japonais (un peu, n'est-ce pas Jean-Michel?), il y a même une équipe de Suisse et (ça ne s'invente pas) une équipe de blogueurs.
Kiva, c'est une de ces organisations qui s'inscrivent dans l'émergence d'une autre forme d'expertise: savoir aider, savoir donner juste, voilà une chose que l'on est prêts à cibler et juger, avec discernement. Suffit, l'époque où l'on se contentait de 'donner pour la bonne cause' sans se soucier des compétences à aider de l'institution bénéficiaire. C'est aussi un bel exemple de la proximité que permet le virtuel. Du fait que connaître l'histoire de quelqu'un nous motive. Que 'se voir de plus près' c'est parfois juste ce qui nous manquait pour faire des choses bien, plus facilement.
Mais je vous fais perdre du temps. Allez plutôt voir vous-même.
Ce lien vers Kiva en bas à droite
Le plagiat dans la cour des grands
Il semble malheureusement que, plus la publication scientifique génère de la confiance, et plus il faut s'attendre à ce que certains souhaitent détourner son crédit à leur avantage. On a ces temps de frappants exemples de ce phénomène, par où le système montre les limites de sa capacité de régulation actuelle. Et par où l'on voit une fois de plus que la culture scientifique nécessite parfois des cours de rattrapage...
Vous vous rappelez la palme du déguisement en scientifique, décernée sur ce blog à Merck pour avoir créé son propre journal de toutes pièces? Cette fois, c'est Wyeth qui s'est trouvée sous le feu des projecteurs. Ils avaient payé pour la rédaction de 26 articles 'scientifiques', qu'ils avaient ensuite fait publier dans plusieurs journaux scientifiques sous le nom de chercheurs réputés qui avaient fait office de prête-nom. L'histoire est sortie lors d'un procès intenté par des femmes qui, tombées malades alors qu'elles étaient sous substitution hormonale, accusent le fabricant. Les articles, publiés entre 1998 et 2003, mettaient en exergue les avantages du produit et en marge les risques. Ils ne mentionnaient jamais leur origine. Du coup, la justice américaine a décidé de rendre publique une archive de 1500 documents détaillant ce processus de 'ghostwriting', ou 'auteur fantôme' en français dans le texte. Le résultat: toute une archive sur internet, et beaucoup de questions sur la fiabilité de tout un pan de recherches.
Aïe.
Comment en arrive-t-on là? Dans la pratique, il semble le 'ghostwriting' se passe à peu près comme ça: vous êtes un chercheur surchargé, vous recevez un appel d'une firme qui vous propose une publication 'clé en main', que vous n'avez plus qu'à signer. Votre carrière est jugée en partie sur le nombre d'articles que vous publiez, et le prestige des journaux où ils paraissent, donc il y a a priori un aspect tentant à la proposition. Disons aussi que vous avez la possibilité de relire l'article. Disons encore qu'il vous semble bien fait, convaincant, et que vous pensez pouvoir 'vous glisser' sans difficulté dans ses conclusions. Alors, preneur, pas preneur?
Présenté ainsi, il est clair que la bonne réponse est 'pas preneur'. Signer son nom sans être l'auteur est un plagiat, et le fait que celui-ci soit consenti et rémunéré ne change rien à la tromperie exercée sur le lecteur. Mais il est en même temps clair que reconnaître ça 'sur pièce' n'est pas nécessairement évident, surtout si la tentation est forte. Et même si la plupart des chercheurs refusent ces offres, chaque personne qui l'accepte est une de trop. C'est d'autant plus inquiétant que c'est, un peu quand même, compréhensible.
Alors bon, que des firmes tentent d'utiliser ce moyen n'est pas vraiment surprenant. Les exemples de marketing agressif et parfois très, disons, moralement plutôt imaginatif s'alignent au fil du temps. Mais il devient urgent de donner aux chercheurs de meilleurs moyens pour éviter de tomber dans ce genre de piège. Car comme les formes mieux caractérisées de fraude scientifique, on sait que ça existe et que ce n'est pas réglementé avec une efficacité complète. Les solutions proposées sont surtout basées sur la visibilité des contributions à la publication dans les lieux de recherche et auprès des journaux scientifiques. Ces démarches gagneraient à être généralisées, car cette forme de détournement de science est souvent soluble dans la lumière: si on sait que ça se voit on ne peut plus le faire. Dans un domaine qui fonctionne à ce point à la réputation, c'est normal, non? Mais il faut donc que cela se voie mieux, plus facilement, et ... quoi encore...ah oui, sans trop attendre...
Victimes innocentes
'2000 personnes meurent de la grippe A et tout le monde veut mettre un masque. 9 millions de personnes meurent du SIDA et personne ne veut mettre de préservatif.'
Et si la différence révélait que nous avons, malgré nous, l'impression que le VIH (et non la grippe A) frappe des coupables plutôt que des victimes innocentes ? Bien sûr, c'est impensable. Nous avons depuis belle lurette abandonné l'idée que la sexualité c'est mal, et même si ce n'était pas le cas nous savons le nombre de victimes infectées dans leur mariage, dans leur maladie, ou dans le ventre de leur mère.
Mais ce n'est pas juste parce qu'une chose est impensable...qu'on ne la pense pas. Et ici les correspondances sont troublantes. On sait qu'on a tendance à penser 'qu'ai-je donc fait pour mériter ça?', lorsqu'on tombe malade. On cherche un sens, au risque même de se fourvoyer. On sait aussi qu'on a assez naturellement tendance à nous considérer nous-mêmes comme innocents, même dans des circonstances que l'on reprocherait à d'autres. Cette vidéo est éclairante sur ce point. Mais...si en plus cela expliquait notre tendance à nous précipiter sur le masque, mais pas sur le préservatif? Si le VIH ne touchait dans notre imagination que 'des coupables' alors que nous serions tous, et par définition, 'des innocents'?
Ce serait là un joli casse-tête de santé publique tout prêt à nous frustrer tous...et tout prêt à faire de la stigmatisation qui pèse sur les malades un piège qui se refermerait droit sur nous.
Les périls de l'autorité
Le personnage de cette petite BD a un problème moral:
'Je me sens tout bizarre au sujet de cette expérience scientifique. Les participants pensent qu'ils me donnent des chocs électriques et quand ils se rendent compte qu'il n'y a pas d'électricité et que je suis un acteur ils on l'air si soulagés!'
'Mais sans doute qu'ils se détestent après coup, sachant qu'ils sont le genre de personne qui donnerait des chocs électriques à quelqu'un juste parce qu'un type en blouse blanche leur a dit de le faire.'
'Est-ce éthique de continuer? Avons-nous le droit de faire cela?'
Et une autre voix de rétorquer: 'Continuez l'expérience'.
C'est bien sûr une parodie de la célèbre expérience de Milgram, plus connue parfois à travers le film 'I comme Icare'. Milgram avait recruté des participants en leur faisant croire qu'ils allaient l'assister pour réaliser une expérience sur l'effet des punitions dans l'apprentissage. Ils devaient poser des questions à un faux 'sujet' (en réalité, ce 'sujet' était le véritable complice de Milgram) et, si le 'sujet' donnait une réponse fausse, ils devaient lui administrer un choc électrique. Je vous rassure, c'était truqué, pas d'électricité dans l'appareil, mais un acteur à l'autre bout qui jouait celui qui en reçoit. Et qui répondait souvent faux. A mesure que la réponse n'était pas la bonne, on demandait à 'l'assistant' d'augmenter le voltage jusqu'à un maximum de...450 volts. Ce que l'on testait en réalité était jusqu'où ils obéiraient à un ordre aussi barbare. On ne les menaçait jamais, il n'y avait aucune conséquence pour eux s'ils partaient, mais chaque fois qu'ils disaient vouloir s'arrêter, l'expérimentateur leur disait simplement de continuer.
Les résultats en ont terrassé plus d'un: 65% des sujets sont allés jusqu'au voltage maximum.
Milgram les a ensuite commenté ainsi: 'J'ai réalisé une expérience simple (...) pour tester le degré de douleur qu'un citoyen ordinaire infligerait à une autre personne simplement parce qu'un chercheur lui ordonnait de le faire. L'autorité pure et simple a été opposée aux impératifs moraux les plus forts des sujets de ne pas faire de mal aux autres et, alors que les cris des victimes résonnaient aux oreilles des sujets, l'autorité a gagné dans la majorité des cas."
Comme beaucoup d'enseignants d'éthique, j'utilise cet exemple dans mes cours. Il est très utile pour illustrer un des mécanismes qui peuvent pousser des personnes ordinaires à faire des choses franchement choquantes; après tout même si on ne sait techniquement pas si l'avertissement aide à résister, c'est toujours ça de pris. Il illustre aussi très bien les difficultés éthiques liées à une étude scientifique qui exige que l'on mente aux sujets de recherche. Et comme ce sont des résultats qui dérangent, une remarque revient souvent: 'Bon, c'était au début des années 60, les gens étaient conformistes à cette époque'. Hmmm. Ce serait réconfortant bien sûr. L'ennui, c'est qu'on a répété ça en 2008. Et bien sûr ça marche encore. Dérangeant en effet.
Dérangeant aussi qu'on ait répété l'exercice à la télévision. Malgré le commentaire un brin triomphaliste du réalisateur, pour qui cela montre que 'la télévision a une autorité légitime', c'est tout aussi probable que ce soit la foule du public qui en soit la source. On a entre temps toute une série d'études qui montrent elles aussi notre tendance au conformisme. Ce n'est donc pas surprenant que ça marche.
Par contre, c'est profondément troublant de montrer ces situations à l'écran ... et contrairement à la situation lors de recherches scientifiques, tout ça ne nous apprendra rien qu'on n'ait déjà su: c'est simplement une affaire de concurrence entre les chaînes. C'est même une excellente illustration du phénomène. Il y a sans doute là derrière une figure d'autorité qui a dit à un subordonné 'faites-le' sans entendre son refus. Et le résultat est que l'on va montrer des personnes dans des situations capables de briser leur image d'eux-même, leur réputation, leurs amitiés...Troublant. Évidemment, c'est ce trouble sur lequel on compte pour faire de l'audimat. Mais là est justement le hic: difficile d'imaginer que la plupart des participants ont pu signer après coup un accord de diffusion. Ce voyeurisme moral, sur l'intimité de la conscience des personnes, comment le décrire? Disons cela comme ça: face au choix, lequel d'entre vous ne préférerait pas encore se dénuder, physiquement, devant une caméra?
Amérique: angoisses existentielles
On le voit chez nous aussi ces temps avec la crise des otages de Libye: il est des thématiques capables d'engager un pays entier dans une forme d'angoisse existentielle difficile à décortiquer. Alors pensez, vu de l'étranger, à quel point cela peut être incompréhensible. Mais si vous avez regardé, ces dernières semaines, les débats autour des projets de réforme de la santé d'Obama, vous avez dû bondir une fois ou deux au moins. Les discussions noyées sous les cris. Le port d'armes aux réunions politiques. Obama dépeint tour à tour en extrémiste de droite et de gauche, comparé dans le même souffle à Mao et Hitler. Pour vouloir étendre la couverture d'assurance maladie! L'insistance sur le droit de ne pas avoir accès aux soins. On hésite entre l'incompréhension, la pitié, le soulagement d'être à l'abri, du bon côté de l'Atlantique. Largement de quoi sentir remonter en vous un peu de cet anti-américanisme primaire que l'on pensait éteint lors du changement de président...Pour certains élus américains, en tout cas, de quoi perdre patience et dire enfin ce qu'ils pensent vraiment du délire de certains opposants, sans souci du politiquement correct. Pour Obama lui-même, l'occasion d'une sorte de litanie des critiques les plus persistentes, ponctuées de 'c'est faux', 'c'est faux', 'c'est faux'. Et pour des milliers d'Européens, blessés dans leur amour-propre de voir leurs systèmes de santé présentés comme des épouvantails aux citoyens américains, l'occasion d'écrire à leurs médecins, leurs infirmières, leurs hôpitaux, leurs ministres de la santé, et même leurs assureurs des dizaines de milliers de mots d'amour et de reconnaissance en 140 caractères sur twitter sous le nom de code #welovethenhs.
Alors, à part l'état parfois catastrophique de l'éducation aux États-Unis, quels sont les raisons de ce débat qui semble débarquer d'un autre monde? Alors que, franchement, côté santé ils pourraient faire mieux. Pour rester dans le sujet de la médecine américaine, imaginez une scène du Dr House: on fronce les sourcils, et on décline le diagnostic différentiel! Une des protagonistes est une de mes amies d'outre-Atlantique, qui me les a soufflées, désespérée par ses compatriotes (Sarah, I promise, if you blog this I'll link it!).
Allons-y:
Hypothèse 1: La peur de la dépense, pure et simple. Soigner les personnes malades, ça coûte plus cher à un système de santé que de les laisser mourir. Ben oui. C'est juste que, d'ordinaire, on rechigne (et on a de bonnes raisons pour cela) de penser en ces termes. Le coût serait ici astronomique: un trillion de dollars. Le coût de la guerre en Iraq et en Afghanistan...
Hypothèse 2: La peur du changement. Un système de santé, c'est compliqué. Et ma vie peut un jour en dépendre. Comment, alors, ne pas angoisser à l'idée qu'un changement, quel qu'il soit, ne puisse aggraver mes chances sans que je ne puisse le prévoir? (Vous avez aussi déjà croisé ce souci, non?)
Hypothèse 3: La loyauté nationale. Quels que soient ses défauts, on a tendance à préférer son système de santé à celui d'autres pays. C'est le cas en Europe. C'est aussi, très très bizarrement, le cas aux USA. Du coup, les systèmes canadiens, anglais, sont présentés comme s'ils étaient les pires maux. Petit coup de brosse à reluire pour nous (quoique): pour rassurer on leur dit que nooon, ce sera pas comme en Angleterre, ce sera comme en Suisse!
Hypothèse 4: Le fossé entre ceux qui pensent que la santé est une histoire collective, à prendre en charge solidairement, et ceux qui pensent que c'est une affaire individuelle, pour laquelle chacun doit prendre ses propres responsabilités.
Hypothèse 5: La méfiance vis-à-vis du gouvernement. Certains clament même des trucs comme 'keep government out of Medicare'! Conclusion 1: ils trouvent que Medicare, le programme pour les personnes de plus de 65 ans, est un bon programme. Conclusion 2: ils ne savent pas que c'est un programme gouvernemental. C'est aussi en partie pour cela que certains américains craignent autant qu'un système à couverture universelle 'rationne' les soins, alors qu'ils tolèrent sans sourciller que le 'système' qu'ils ont actuellement laisse mourir les personnes sans assurance.
Hypothèse 6: La réforme de la santé ne serait, dans sa forme actuelle, pas bonne pour l'industrie pharmaceutique. Ce n'est pas un lobby négligeable. Les médecins eux, par contre, soutiennent le projet (cette fois-ci: ce ne fut pas toujours le cas).
Hypothèse 7: Le racisme, pur et simple. Impensable, pour certains, d'être d'accord avec un président noir. Et une frange de ceux que l'on a appelé 'les dépossédés', anciens privilégiés du système forcés de partager depuis les années 60, semble aussi devenir plus violente. Le débat sur la santé pourrait malheureusement n'être qu'un symptôme parmi d'autres.
Alors, votre avis?
Dommage qu'on ne puisse pas passer ce patient-là par l'IRM, l'endoscopie, la salle de cathétérisme, et le bloc de neurochirurgie pour régler la question une bonne fois pour toute... Ah non, zut, ces examens sont sans doute inutiles: ces diagnostics pourraient bien tous être les bons.
Maintenant, des idées pour un traitement?
Vacances
Je sais, je sais, il y a plein de choses importantes qui méritent d'être commentées ces temps. Mais là, ça a été la nuit où tout le monde avait la tête dans les étoiles pour les Perséides, et du coup tout ceci attendra. Pas longtemps, promis. Mais comme je suis en vacances j'ai décidé de vous offrir à la place un dépaysement. Alors bien sûr, je ne peux pas vous emmener juste n'importe où. Après tout, on a déjà été sur la lune, et aux origines de la vie. Non non, ne faisons pas les choses à moitié. Là, ce sera ni plus ni moins que le plus grand dépaysement actuellement disponible à l'humanité.
Curieux? Alors attachez mentalement vos ceintures (ou pas, justement) et allez-y, cliquez sur la vidéo. On part pour l'autre bout de l'univers connu. Pour ceux qui ne comprendraient pas l'anglais, c'est même une explication suffisante. Regardez, simplement. Le commentaire est intéressant, mais pas indispensable. Il suffit de savoir que ce que l'on voit sur les images du ciel, ce ne sont pas des planètes mais des galaxies. Et qu'elles se trouvent dans une partie du ciel où l'on ne voyait rien.
Bon voyage! Vous me direz à votre retour ce que vous en avez pensé.
Les écologies et leurs dérives
C'est l'été, je suis un peu plus lente à la détente. Mais j'ai bondi en lisant les descriptions des récentes attaques contre Vasella.
Vous aussi? C'est normal. C'est même le but, après tout. Comme toutes les personnes prêtes à attaquer des gens pour défendre des idées, les militants de l'écologie radicale misent sur cet effet de choc. Le résultat? On parle d'eux, on leur donne de l'attention, du temps de parole. Où ils peuvent profiter de ne pas s'excuser, et de défendre ces actes. Non mais de qui se moque-t-on. Tout ça leur coûte évidemment nettement moins que d'essayer de convaincre. La violence, comme d'habitude, est le dernier refuge de l'incompétence. Selon l'excellente analyse de Denis Duboule, c'est aussi le dernier refuge de groupes qui 'perdent de la légitimité et compensent par des actes de plus en plus violents.'
Ca, c'est un des pièges classiques quand on est convaincus d'agir au nom d'une cause juste. Plus on la sent menacée, plus on a tendance à faire pour elle des sacrifices: notre temps, nos effort, puis parfois progressivement nos valeurs, nos semblables...
Le danger, c'est que c'est parfois contagieux. Il est probable que nous soyons tous d'accord pour condamner, dans l'absolu, les moyens employés ici. Mais peut-être certains d'entre vous pensent-ils néanmoins que, dans ce cas, le jeu en valait la chandelle. Que cette cause est suffisamment juste. Et qu'elle justifie des actes normalement inacceptables.
Alors prenons un pas de recul. La cause du Stop Huntington Animal Cruelty est-elle juste? On a le droit d'en douter. Les déclarations de leur porte-parole les place dans la mouvance du deep ecology ou du land ethics (un très bon résumé des mouvances de l'écologie par un collègue se trouve ici). Les mouvements qui se situent là stipulent que:
1) les animaux, les plantes, la biosphère doivent être sur notre radar moral : jusque là, pas de problème
mais aussi que
2) ils doivent y être pour eux-même ; ici commence le désaccord avec les versions plus courantes de l'écologie qui les défendraient, certes, mais au nom des intérêts humains à vivre équitablement dans une planète durable.
et surtout que:
3) c'est la biosphère, et non l'humanité, qui doit être au centre de notre radar moral: en d'autres termes, si la destruction de l'humanité améliorait la biodiversité, par exemple, elle serait à considérer comme moralement bonne.
On n'est pas étonnés de voir un groupe qui semble penser ça s'attaquer sans état d'âme à des personnes. Ni d'ailleurs à le voir complètement négliger les moyens d'expression démocratiques. Pourquoi les écologistes radicaux auraient-ils confiance en la population d'états démocratiques? Tous ces citoyens qui ont la fâcheuse tendance à donner la priorité aux êtres humains, pfff... Vous voyez où ça peut mener. Corrosif, tout ça. On voit mieux du coup pourquoi ces groupes perdent de la légitimité. Et pourquoi c'est heureux.
D'autant plus qu'il n'est évidemment pas nécessaire de penser tout cela pour s'opposer à certaines formes d'expérimentation animale. Vous êtes contre les expériences qui causeraient des souffrances aux animaux pour vendre du rouge à lèvres? Il est assez probable que votre position se résume ainsi:
A) les animaux méritent notre considération morale
B) sacrifier leur intérêt pour cette raison ne vaut pas la peine car l'avantage humain retiré ici est insuffisant pour justifier ce sacrifice.
Certains d'entre vous seraient sans doute d'accord qu'il peut être justifié de sacrifier des intérêts animaux à des intérêts humains plus importants, comme soigner les paraplégiques, par exemple.
Finalement, même si vous êtes dans la toute petite minorité qui pense que la cause des extrémistes écologiques est juste, rappelez-vous que c'est insuffisant. Il est inexact qu'au nom d'une cause juste on peut faire n'importe quoi. La recherche médicale, qui est elle-même une cause juste visant à diminuer la souffrance humaine et la maladie, a elle aussi été longtemps victime de cette illusion. C'est justement parce que ses acteurs ont ouvert les yeux qu'on ne peut plus, aujourd'hui, pratiquer la recherche sur les animaux (ou les êtres humains) sans une stricte surveillance. Qui n'autorise de loin pas tout. Cela rend la situation actuelle profondément ironique: ceux qui semblent prêts à tout pour défendre, disent-ils, une position morale, ont sur ce point crucial d'éthique un immense retard par rapport à leurs victimes.