Des enfants de "trois parents"?

Être l'enfant de quelqu'un, être le parent de quelqu'un, habituellement cela veut en fait dire trois choses en même temps:

Le premier sens qui a tendance à nous venir à l'esprit est ce qu'on pourrait appeler la filiation génétique. Nos enfants sont génétiquement apparentés à nous. Nous leur transmettons nos caractéristiques et celles-ci sont en grande partie héréditaires. C'est dans ce sens là que l'on peut vouloir connaître son 'vrai père', par exemple, lorsqu'un enfant est né après une relation extra-conjugale ou un don de sperme.

Le deuxième sens est celui que l'on pourrait appeler la filiation gestationnelle. La mère de l'enfant dans ce sens va le porter, le nourrir dans son corps pendant son développement. Le père va vivre la grossesse autrement qu'elle, forcément, mais ce sera pour lui aussi une des manières d'être le père de son enfant.

Le troisième sens est la filiation sociale ou éducative. Les parents subviennent aux besoins de l'enfant et à son éducation. Ils sont responsables de son bien-être et des conditions de son développement. Ils lui enseignent des choses, lui inculquent des manières d'aborder la vie, des valeurs. Ils forment une famille. Lorsque les parents ont des biens, les enfants en héritent à leur mort.

Dans la plupart des cas, ces formes de filiation co-existent car les mêmes deux parents sont les parents de l'enfant selon les trois à la fois. Dès qu'elles ne co-existent plus, surgissent des inconforts parfois profonds et parfois des tensions entre les intérêts et les demandes de plusieurs parents.

[+/-] Lire le message entier...

Encore l'assistance au suicide

Très bel interview de Gian Domenico Borasio dans Le Temps. Il y décrit de manière assez juste la situation en Suisse et en Allemagne concernant l'assistance au suicide. En même temps, il trace les limites qu’ils souhaiteraient voir dans le cadre légal suisse concernant l’aide au suicide. Cette interview a le mérite d’une grande clarté. Allez la lire et faites-vous une idée. Alex Mauron lui a répondu dans une tribune libre qui mérite elle aussi la lecture. Là aussi, faites-vous une idée.

L’interview de Gian Domenico Borasio est en fait assez représentative d’une certaine idée médicalisée de ce que devrait être la question de l’aide au suicide. Dans cette optique, le suicide assisté est conçu comme un dernier recours face à une souffrance humaine à laquelle la médecine ne sait pas apporter d’autres réponses. C’est une des possibles étapes finales face à une maladie incurable et devenue insupportable. Cette aide concerne donc des malades uniquement, uniquement en phase terminale, et seulement lorsque toutes les options thérapeutiques ont été explorées, tentées, et dépassées.

Limiter le suicide à de tels cas représente en Suisse une des formes du statu quo. Les directives médico-éthiques de l’Académie Suisse des Sciences Médicales prévoient elle aussi que l’assistance médicalisée au suicide ne soit justifiée qu’en cas de maladie terminale.

À première vue ça a l’air rassurant.

[+/-] Lire le message entier...

Ces banquiers malhonnêtes

Une étude fait beaucoup de bruit ces temps, peut-être parce qu'elle conforte certains de nos préjugés. Il semble que les banquiers, quand on leur rappelle qu'ils sont banquiers, ont davantage tendance à tricher dans un jeu de pile ou face.

L'étude a été publiée dans la revue Nature par une équipe suisse et a été, disons, très abondamment commentée. En clair, on a demandé a des employés de banque, à des employés d'autres industries, et à des étudiants de jouer à un petit jeu d'argent. Ils lancent une pièce. Si c'est pile, ils gagnent quelque chose, si c'est face, ils ne gagnent rien. C'est eux qui notent comment la pièce est tombée, et ils ont donc la possibilité de tricher pour gagner plus d'argent. Dans le premier round les employés de banque sont aussi honnêtes que les autres. En fait, tous les groupes ont remarquablement peu triché parce que la pièce est, selon leurs notes, tombée sur le côté gagnant 51.6% des fois. A peine plus que le 50% attendu.

Mais ensuite, on leur demande de penser à leur rôle professionnel. On répète alors l'exercice et là, là les banquiers trichent nettement plus. Les employés d'autres branches et les étudiants, quand on leur demande de penser à leur rôle professionnel, ça ne fait pas de différence dans le 2e round, et quand on leur demande de penser à la banque non plus.

Les auteurs ont annoncé d'emblée qu'ils s'intéressaient à la banque en raison des critiques selon lesquelles la crise de 2008 serait due en partie à une culture malhonnête dans le secteur bancaire. Evidemment, les commentaires ont fusé. Ca va des réactions dans le style "Ah bon, vous aviez besoin de faire une étude pour ça?" aux commentaires de représentants de banques américaines qui ont dit que ces résultats ne concernaient pas leurs banques.

A lire les commentaires, personne n'est surpris.

[+/-] Lire le message entier...

Assistance au suicide: des positions médicales

L'Académie Suisse des Sciences Médicale vient de publier les résultats d'une étude auprès des médecins de notre pays. Pour la première fois, on leur a demandé, toutes spécialités confondues, leur position sur l'assistance médicalisée au suicide. C'est intéressant, ce qui en ressort. Voici le résumé et le lien:

"Trois quarts des médecins ayant participé à l'enquête considèrent le suicide médicalement assisté comme fondamentalement défendable. Un peu moins de la moitié des répondants peuvent envisager des situations dans lesquelles ils seraient personnellement prêts à fournir une assistance à un suicide. Un bon quart des répondants tolèrent l'assistance au suicide sans toutefois être prêts à la fournir eux-mêmes. 
 L'étude est basée sur un échantillon de médecins suisses sélectionnés au hasard. Toutefois, compte tenu du taux de réponses, ces résultats ne peuvent pas être généralisés à l'ensemble du corps médical; ils pourraient refléter l'attitude de médecins intéressés par la thématique."

En très résumé, on retrouve parmi mes collègues des avis divergents et très nuancés. Ce qu'ils racontent, c'est ce qui découlent de la réalité qu'ils vivent aux côtés de leurs patients. Des voix à écouter, donc.

[+/-] Lire le message entier...

La médecine comme outil

Je voyage, je voyage, et j'en oublie de bloguer. Me voici de retour. Entre temps, on m'a demandé un billet pour le Bulletin des Médecins Suisses sur la médicalisation. Alors je vous met un extrait et le lien, comme d'habitude derrière le texte:

"Les facteurs qui poussent vers la médicalisation sont nombreux. On répond à la souffrance humaine, avec les moyens à notre disposition. Même lorsqu’ils ne sont pas adaptés, il reste difficile de ne rien faire. Les intérêts de presque tous convergent vers ‘plus de médecine’. Prescrire davantage, intervenir davantage, c’est souvent gagner davantage d’argent, pour les fabricants vendre plus de médicaments, pour les patients obtenir une réponse humaine à leur souffrance. Nos sociétés ont appris à attendre beaucoup de la médecine. Nous avons en fait même déjà résolu, ou du moins amélioré, de vrais problèmes sociaux. Les épidémies sont devenues rares et sont moins létales. Il est devenu extraordinairement rare de perdre sa mère lors d’un accouchement. On a confiance en la médecine, et on lui en demande davantage. Parfois trop, mais en tout cas les mécanismes de la médicalisation sont durables et rencontrent peu de résistance."

La médecine comme outil, en théorie c'est sans doute une évidence. En pratique: là est toute la question. Un sujet, peut-être, difficile à commenter. Mais dites-nous ce que vous en pensez....

[+/-] Lire le message entier...

Barrières financières à l'accès aux soins


Les 'barrières financières à l'accès aux soins', c'est le terme poli qu'on emploie pour dire que quelqu'un qui a besoin de voir un médecin ne peut pas se le permettre. Dans un système à couverture universelle, comme le notre, on est censé avoir largement ou complètement éliminé cela. Si nous payons tous les mois notre prime d'assurance maladie, c'est justement pour avoir ensuite accès aux soins dont nous avons besoin.


Première conclusion: on ne s'en tire pas si mal. Pour certains paramètres on est même plutôt bons. Par exemple, seuls 3% ont répondu que le médecin qu'ils avaient vu était moyen ou mauvais. Petite tape sur l'épaule à mes collègues, là. Seuls 4% ont rapporté devoir attendre plus de 6 jours pour un rendez-vous. Même si on attend souvent trop longtemps dans un service d'urgence, en particulier quand notre angoisse commence à monter et monter, on s'en tire en fait mieux sur ce point en Suisse que dans presque tous les autres pays examinés. Sur d'autres points en revanche on est moins bon. On a plus souvent du mal à obtenir des soins le soir ou le week-end en Suisse qu'en Grande Bretagne. Sur les barrières économiques, on est 'moyens à plutôt mieux'. 

Mais la deuxième conclusion doit être que c'est un problème quand même. En payant tous la même prime, nous sommes censés payer tous le même prix pour le même service. Ce que révèlent ces chiffres, c'est que certains payent et ensuite n'ont pas. C'est d'autant plus injuste que c'est peut-être parfois parce qu'ils payent, parce que le budget devient très serré après avoir réglé l'assurance, qu'ensuite ils n'ont pas accès au service qu'ils sont censés avoir acheté.

[+/-] Lire le message entier...

Assistance au suicide: les paradoxes du 'modèle suisse'

C'était il y a quelques temps le moment de mon billet dans la Revue Médicale Suisse. Comme d'habitude, je vous mets un extrait et le lien. Dites-nous ce que vous en pensez...

Au printemps dernier, EXIT a fait les gros titres de la presse nationale en changeant ses critères pour accepter d’assister le suicide de personnes atteintes de «polypathologies du grand âge». Il n’y a bien sûr pas de statistiques si rapidement, mais à en croire les collègues qui reçoivent ces demandes il semble qu’il y ait eu depuis lors une augmentation du nombre de ces situations. Il semble aussi que cela mette ces collègues devant des problèmes difficiles.Je veux bien le croire. Face à une demande d’assistance au suicide, les cas dit «ordinaires» sont déjà délicats. Imaginez une personne atteinte d’une maladie terminale, d’un mal physique. Si cette personne vient à demander une assistance au suicide, nous serons sans doute d’accord qu’il faut commencer par discuter avec elle des alternatives qui pourraient lui rendre la vie plus supportable. La médecine, et plus spécifiquement les soins palliatifs, sont ici conviés comme tout naturellement. Avec une alternative décente, souvent (pas toujours mais souvent), on préfère en fait vivre.

Planning familial par l'employeur

Deux mots sur l'annonce récente que Facebook et Apple allaient offrir la congélation sociale des ovocytes à leurs employées. Cette technique, qui permet de préserver quand on a 20-30 ans ses ovules pour s'en servir plus tard dans une fertilisation in vitro.

Elle a à première vue des avantages, cette technique. De plus en plus de femmes retardent leurs grossesses. Suffisamment pour que l'âge moyen à la première grossesse soit en progression constante. C'est basé sur du réjouissant et du moins réjouissant. Réjouissant: retarder ses grossesses est un fruit de l'optimisme et de la prospérité. L'ethnologue Susan Blaffer Hrdy l'a décrit il y a déjà des années: les femmes, un peu partout, mettent la qualité avant la quantité. Si elles pensent que les circonstances de leur vie seront meilleures plus tard, elles auront tendance à attendre, pour donner à leur futur enfant de meilleures chances dans l'existence. Moins réjouissant: si ce sera mieux plus tard, parfois c'est parce que c'est vraiment difficile maintenant. Bien sûr, les moyens mis à disposition des parents pour s'occuper de leurs enfants - du temps libéré du travail rémunéré, des crèches, des aides - seront déterminants. Moins ils sont disponibles, plus il faut les payer de sa poche et cher, plus les grossesses risquent d'être retardées par des femmes qui se disent qu'elles seront plus tard plus riches ou moins précaires, et pas nécessairement dans une meilleure position pour avoir des enfants par ailleurs.

Alors maintenant l'annonce de Facebook et Apple. C'est à la surface un cadeau substantiel. Plusieurs dizaines de milliers de dollars, pour une technique qui aiderait vraiment des femmes à avoir des enfants dans des circonstances de plus en plus fréquentes: le recours à la FIV pour une grossesse tardive. Si on se base sur les statistiques, on devrait être contentes, non?

Evidemment, il y a aussi une face plus sombre.

[+/-] Lire le message entier...

Mes collègues: sponsoring pharmaceutique de la formation continue

Arnaud Perrier a écrit un très bel éditorial dans la Revue Médicale Suisse. Comme d'habitude, un extrait et le lien (derrière le texte):

«La vertu a cela d’heureux qu’elle se suffit à elle-même»Jean de la Bruyère/ Tiré de La Condition humaine.La formation continue des médecins constitue aujourd’hui un enjeu considérable. Or, force est de constater que, malgré le travail de clarification remarquable fait pas l’Académie des sciences médicales (ASSM) au sujet du partenariat toujours délicat entre les médecins et l’industrie pharmaceutique[*], elle continue à être fortement influencée par les pharma. Quelques chiffres pour illustrer l’importance du phénomène. Le marché du médicament pèse annuellement environ 450 milliards de francs suisses (chiffre d’affaires 2012). Selon la plupart des estimations, 25-30% de ce chiffre d’affaires sont consacrés au marketing, soit en gros le double des sommes investies dans la recherche et le développement. Qu’est-ce qui justifie ces investissements colossaux ? Cela se résume en une phrase : There is no such thing as a free lunch.1 Toutes les études le montrent : le sponsoring de la formation continue par l’industrie influence le comportement de prescription du médecin.

Revenez après nous dire ce que vous en pensez dans les commentaires...

Ebola (3)

Hier soir dans une rue comme les autres à Montréal, une dame qui - comme les autres- parlait dans son téléphone: "Oh le pauvre! Mais dis: il ne revient pas du Libéria n'est-ce pas...?"

On pourrait se dire que voilà à quoi ressemble le début d'une panique, mais ce serait oublier que les paniques ne frappent pas toujours au hasard. Je vous ai parlé des questions soulevées par les traitements de l'Ebola dans deux des derniers billets. Mais la question centrale n'est en fait pas du tout là. L'enjeu central de notre réponse au virus Ebola n'est ni la recherche clinique, ni la recherche fondamentale. Non, l'enjeu central est que voilà un virus qui vit de nos contacts les plus fondamentaux, et qui en les rendant contagieux les fragilise.

Imaginez-vous cette dame au téléphone. Son amie ne sait plus trop bien. Mais leur ami commun vit seul. Il est malade. Il a besoin qu'on lui fasse ses courses. Ira-t-elle?

[+/-] Lire le message entier...

Une philosophe: Onora O'Neill

Quand on pense 'philosophe', beaucoup de gens s'imaginent un homme. Vieux. Mort. Avec une barbe. Certainement, pour beaucoup de gens sous nos climats, cet homme est blanc. Certains ajouteraient peut-être même 'grec'. Alors de temps en temps je vais vous présenter des vrais exemples de philosophes qui ne correspondent pas à ce cliché. Pour vous montrer comme c'est facile, je vais me limiter strictement à ceux qui travaillent sur des sujets pertinents pour la bioéthique. On commence aujourd'hui avec une femme. En l'honneur du vote écossais qui maintient le Royaume Unis, je vous présente une Britannique.

Onora O'Neill est une grande dame de la philosophie britannique. C'est une élève de John Rawls, qui a enseigné à Cambridge et qui s'est engagée en politique. Evidemment, elle est Irlandaise du Nord. Une autre partie de l'Union dont l'appartenance ne va pas toujours de soi. Cela rend encore plus pertinent ce qu'elle dit ici, car il s'agit de la confiance. Allez voir la vidéo, et ensuite revenez nous dire ce que vous en avez pensé.

[+/-] Lire le message entier...

Les femmes et les enfants d'abord?

Troublant, cet article du Guardian il y a quelques temps. Il semble que lors de certaines catastrophes naturelles, ont ait pris la peine de regarder non seulement combien de personnes avaient été blessées ou tuées, mais aussi qui était frappé. Conclusion: les femmes et les enfants sont massivement sur-représentés parmi les victimes. 

[+/-] Lire le message entier...

Ebola (2)


La question de l'utilisation de traitements expérimentaux face à l'épidémie d'Ebola est la plus commentée, sans doute, mais ce n'est pas la plus importante. Car au fond, pourquoi a-t-on si peu de thérapies candidates, et si peu de recherche sur un vaccin efficace? Une des raisons est sans doute qu'il s'agit largement d'un problème de santé 'non lucratif'. Si l'on accepte d'être pour un moment parfaitement cyniques, il faut admettre que les populations concernées ne le sont que par intermittence, que les malades ne le sont que peu de temps (ils guérissent ou meurent vite), et qu'en plus ce sont surtout des personnes avec peu de moyens (personnels ou par l'assurance) pour payer des soins. Bref, le marché n'est pas, en temps normal, très porteur. Même si des thérapies candidates existent, ne l'oublions pas, elles seraient peut-être bien plus nombreuses et plus avancées si cette maladie représentait un marché plus durablement porteur.

Sans doute trouvera-t-on ici des critiques de l'industrie pharmaceutique, qui aurait suivi d'un peu trop près son intérêt matériel. Certaines sont excellentes. Allez par exemple écouter En ligne directe les interventions du responsable du dossier à la Déclaration de Berne.

Cette critique risque cependant toujours d'avoir un côté simpliste. On compte sur l'appât du gain pour motiver l'innovation dans le secteur pharmaceutique. Lorsqu'elle agit sur cette base, l'industrie pharmaceutique ne fait rien d'autre que ce que l'on attend d'elle. Vouloir que l'envie de gagner plus joue ce rôle, mais en même temps qu'il soit mis de côté lorsque le résultat ne nous plait pas, c'est un peu vouloir le beurre et l'argent du beurre.

Alors comment faire? Peut-être commencer par sortir de la logique du tout ou rien. Ces dernières années, la recherche sur les maladies négligées a  augmenté. Cela n'a pas été par une conversion des industries à la morale publique. C'était grâce à l'augmentation des sources de fond pour payer les traitements qui existeraient. Lorsque l'appât du gain écarte l'industrie d'un objectif qui nous importe, la réponse adéquate serait soit de faire en sorte que ce que nous voulons soit dans les intérêts d'une industrie, soit de confier le mandat à quelqu'un d'autre. Tant que nous ne faisons ni l'un ni l'autre, en fait c'est un peu à nous-même que nous devons nous en prendre...

La circulaire sur les 'mauvais payeurs'

Lorsque je travaillais aux Etats-Unis, les services d'urgence n'étaient tenus que de traiter les cas urgents lorsque les patients n'avaient pas d'assurance maladie. En Suisse, nous sommes censés avoir réglé cela. La LAMal est fondée sur le principe de solidarité, l'assurance maladie est obligatoire, chacun doit avoir accès aux soins.

Sauf que, on l'a vu cette semaine, notre excellent système a parfois des failles. Ici, la circulaire informant les médecins de leur droit à ne pas soigner les 'mauvais payeurs': ceux qui ne s'acquittent pas dans les temps de leurs primes d'assurance maladie.

Elle est problématique a plus d'un titre, cette circulaire. Les auteurs l'on d'ailleurs vu puisqu'ils tentent maintenant de corriger le tir en niant l'instruction de ne pas soigner ces patients. Voici leur texte:

"Selon les médias, dans sa lettre d'information d'août 2014, SASIS SA demande aux médecins, au nom des assureurs-maladie, de refuser les patients qui figurent sur les listes cantonales selon l'art. 64a LAMal. 
Cette interprétation des médias ne correspond pas aux faits. Sur mandat des cantons, SASIS SA met à disposition des fournisseurs de prestations médicales une solution technique pratique pour consulter les listes cantonales des mauvais payeurs (LMP). Depuis l'année dernière, plusieurs cantons (SH, GR, TI, ZG, AG, SO, LU et SG) participent à cette solution informatique liée à l'art. 64a LAMal, laquelle a été initiée par la communauté d'intérêts LPM des cantons. Cette dernière a chargé SASIS SA de signaler l'existence de cette solution technique aux fournisseurs de prestations médicales car les mauvais payeurs peuvent également bénéficier de prestations médicales hors canton. Nous tenons à préciser que santésuisse n'est pas à l'origine de cette information."

Cette clarification est bienvenue, évidemment, mais le texte original disait tout de même que: "Les personnes figurant sur la liste des assurés en défaut de paiement peuvent uniquement bénéficier de traitements d'urgence"

Cela ressemble quand même à s'y méprendre à une instruction de ne pas soigner hors de l'urgence, ça.

Alors oui, c'est problématique à plus d'un titre.

[+/-] Lire le message entier...

Ebola (1)

Les épidémies menacent nos vies. Nos vies physiques parfois, mais lorsqu'elles le font elles menacent aussi ce qui fait nos vies: nos collectivités, nos rapports entre nous, nos images de ce qui est ou n'est pas acceptable.
Autour d'une urgence grave, il arrive que l'on se repose ainsi des questions qui sont en fait familières.

L'épidémie d'Ebola ne fait pas exception. Un des enjeux dont on a le plus parlé est le suivant: lorsqu'il n'y a pas de traitement dont l'efficacité serait prouvée, comment gérer l'administration d'un traitement dont on connait mal les effets? Quel degré de connaissance doit-on avoir sur une thérapie avant d'oser l'administrer à des personnes?

Lors d'une urgence sanitaire catastrophique, on peut avoir tendance à se dire que tout est bon à tenter. Mais la question reste en fait difficile.


[+/-] Lire le message entier...

Nos idées irréalistes de la mort...

Un très bel article dans le Washington post de la semaine passée. Un sujet difficile, mais un très bel article. A lire tranquillement, quand il fait beau et qu'on a le temps de pondérer des choses tristes mais importantes. Son titre est 'Nos idées irréalistes de la mort, vue à travers les yeux d'un médecin'. L'image aussi est très belle, je vous la remets donc avec la source.

La vérité avec laquelle l'auteur de cet article décrit les choses est, en guise d'avertissement, parfois un peu brutale. C'est vrai. Et il parle de situations de maladie très avancée, et ses propos ne s'appliqueront pas dans tous les cas de maladie grave, ni dans tous les cas de maladies chez des personnes très atteintes ou très âgées. En plus certains passages, vous verrez, ne s'appliquent pas tels quels en Suisse. Mais il touche souvent juste. Et ce sont des sujets trop peu abordés dans les media, et sur lesquels la clarté qu'on trouve ici est bienvenue. J'ai commencé par vouloir vous traduire un (long) extrait en vous donnant le lien, mais de fil en aiguille j'ai fini par quasiment tout traduire. 

Si vous avez une expérience personnelle et que vous êtes d'accord de la raconter en commentaire, elle sera évidemment très précieuse.

Voilà donc:

[+/-] Lire le message entier...

Analyses génétiques et calcul des risques

La radio nous en informe ce matin: des caisses maladies lancent une demande pour obtenir les données génétiques des personnes qui souhaitent contracter auprès d'elles une assurance complémentaire.  La nouvelle aurait été relayée par la NZZ am Sonntag, mais là je n'arrive pas à trouver le lien donc je renonce: soyez gentils et mettez-nous le lien si vous le trouvez.

C'est une question intéressante, au fond. On sent bien qu'il y a un problème, mais où est-il exactement? Dans le danger pour le secret médical? Pas vraiment: c'est le patient qui révèle son information et il en a toujours le droit. L'assureur n'a pas le droit d'exiger cette information, certes, mais comme il n'a pas non plus l'obligation d'accepter qui que ce soit dans l'assurance complémentaire il aura beau jeu d'échanger l'accès à l'assurance contre l'accès aux données. La raison avancée semblerait même relativement raisonnable: si un client potentiel connaît son patrimoine génétique, et qu'il le cache à l'assureur, alors il y aura entre eux une asymétrie d'information et c'est problématique.

Alors où est le problème?

[+/-] Lire le message entier...

Fin de vie à l'anglaise...

Cette fois, c'est la Grande Bretagne qui débat de la légalisation de l'assistance au suicide. La Cour suprême a conclu le mois dernier que la justice avait le droit de déclarer l'interdiction du suicide assisté incompatible avec les droits humains, et une motion a été mise devant le parlement et débattue par la chambre des Lords la semaine passée. Un groupe de médecins s'est prononcé en faveur de cette motion, suite de quoi l'Association des Médecins Britanniques a réaffirmé son opposition. Même les églises sont divisées. Alors qu'elles se sont traditionnellement opposées à l'assistance au suicide, voilà que des revirements apparaissent. Un ancien évêque de Canterbury s'est prononcé en faveur de la motion, en contrastant "les vieilles certitudes philosophiques" à "la réalité de la souffrance inutile". Même Desmond Tutu s'est prononcé, déclarant qu'il "révérait le caractère sacré de la vie, mais pas à n'importe quel prix"

Il est intéressant à suivre, ce débat. Et par certains côtés il nous parle bien sûr aussi de nous.




[+/-] Lire le message entier...

Diagnostic préimplantatoire: questions stratégiques

Le débat se poursuit aux chambres fédérales sur le diagnostic préimplantatoire. La situation est actuellement la suivante:

Pour rappel, sous l'angle technique, le diagnostic préimplantatoire c'est une méthode pouvant être utilisée lors de la fertilisation in vitro, qui permet d'analyser quelques caractéristiques génétiques d'un embryon très précoce, avant de l'implanter...ou non.

Toujours pour rappel, sous l'angle humain, le diagnostic préimplantatoire est une méthode qui permet à des couples frappés lourdement par une maladie génétique grave, à des personnes qui ont parfois déjà perdu un enfant, parfois plusieurs, de donner la vie malgré cela sans devoir à nouveau traverser les mêmes épreuves.

En Suisse, actuellement, ce geste est interdit. Cela pose problème, car une des conséquences est que  les couples frappés par une maladie génétique grave et qui souhaite avoir un enfant malgré cela doivent passer par une "grossesse à l'essai". Concevoir un enfant, attendre pour pratiquer un diagnostic prénatal -qui est autorisé- tout en sachant que si la maladie est présente ils avorteront à ce moment et recommenceront.


Le Conseil Fédéral a proposé de légaliser le DPI, ce qui viserait à résoudre ce problème.

[+/-] Lire le message entier...

Un peu de lecture: contraint d'être libre?

Tiens, c'est les vacances. Alors je vais profiter de ce que certains d'entre vous ont un peu de temps, et vous recommander une lecture. Dans un numéro récent du Journal of Medical Ethics, Neil Levy propose que, pour respecter les priorités des personnes malades, il peut être important de les soutenir à travers leurs choix et que ce soutien peut parfois prendre la forme d'une confrontation. Nous devrons tenter de contrer les illusions d'optiques que notre raisonnement nous présente trop souvent, et protéger la liberté des personnes, celle de poursuivre leurs priorités réelles, contre certaines décisions trop hâtives de ces personnes.

Allez le lire. Vous verrez, c'est serré mais c'est plutôt intéressant. Ensuite, dites-nous ce que vous en avez pensé!

La Cour suprême américaine, la contraception, et la foi des autres


La Cour suprême américaine a rendu cette semaine une décision très attendue, très controversée, et très intéressante.

En deux mot, le décor. La réforme de la santé d'Obama a rendu obligatoire l'assurance maladie. Aux Etats-Unis, les personnes employées sont assurées par leur employeur. Les employeurs ont donc aussi des obligations. Celles-ci sont cela dit assez limitées. S'ils employent plus de 50 personnes, alors ils doivent leur proposer une affiliation à une caisse maladie. S'ils ne le font pas, ils pourraient devoir payer une amende dans certaines conditions.

Les assurances aussi ont des obligations. Dans la règle, elles doivent couvrir au moins les 'interventions de santé essentielles', définies dans la loi. La couverture inclut certains contraceptifs oraux.

Voilà pour le décor. Maintenant, l'action.








[+/-] Lire le message entier...