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Mes collègues: légalisons le diagnostic préimplantatoire

Le Temps a fait un chat pour toutes vos questions sur le diagnostic préimplantatoire. Nicolas Vuillémoz et Alex Mauron se sont prêtés à l'exercice, et le résultat est ici. Quelque extraits pour vous donner envie:

"Comment décide-t-on qu'une mutation doit être dépistée par DPI ou non? Comment fixer la limite éthique de la sélection d'embryon?
Les critères ne sont pas foncièrement différents de ceux du dépistage et du diagnostic génétique prénatal qui portent donc sur un fœtus et non un embryon. De plus, le DPI implique de travailler sur une quantité minime de matériel génétique, donc, la faisabilité d'un test donné devient un critère décisif, ce qui contribue à restreindre l'application du DPI par rapport aux analyses génétiques classiques. La sélection d'embryons est motivée par l'absence d'une maladie génétique bien précise pour laquelle le couple a des antécédents et aussi par l'absence d'anomalies chromosomiques qui entravent le développement de l'embryon pendant la grossesse. Les trisomies 21, 18 et 13 sont aussi dépistables à cette occasion, comme d'ailleurs au cours de toute grossesse normale. On est donc très loin d'une sélection d'embryons qui viseraient à éviter des handicaps mineurs, voir à favoriser des traits physiques considérés comme désirables. 
De plus, la nouvelle loi encadre la notion de maladie grave en précisant qu'il s'agit de maladies qui se déclarent tôt dans la vie et impliquent des souffrances importantes et des fardeaux particulièrement lourds. Pas question donc de dépister les futures personnes qui ont un risque accru de maladie d'alzheimer ou d'autres pathologies qui se déclarent à partir de l'âge mûr.

Dans les pays où il est autorisé, combien de couples en moyenne ont recours au DPI chaque année?
Nicolas Vulliémoz:
Nous disposons par exemple de données pour le Royaume-Uni, l'un des pays qui pratique le DPI depuis longtemps. Dans ce pays, 311 patientes ont eu recours au DPI en 2010 et 368 en 2011. Ce chiffre concerne les analyses sur les patientes porteuses d'une maladie génétique grave, comme la mucoviscidose.
Alexandre Mauron:
Le dépistage d'anomalies chromosomiques, c'est-à-dire non liées à une maladie monogénique (due à une mutation dans un gène particulier) peut faire augmenter le recours au DPI, mais de façon limitée car qui dit DPI dit fécondation in vitro et donc problèmes d'infertilité associés à des antécédents de fausses couches par exemple. Nul part, y-compris dans les pays les plus libéraux, il n'y a de DPI systématique chaque fois qu'il y a fécondation in vitro. Il faut des indications supplémentaires pour justifier le DPI comme dépistage des anomalies chromosomiques (dépistage des aneuploïdies). L'idée que des couples fertiles pourraient renoncer à faire des enfants selon la méthode traditionnelle et passer par la fécondation in vitro pour «sélectionner l'enfant parfait» relève du fantasme.


Bonjour, la question de l’eugénisme est certes mise en avant par les opposants. Pourtant, avec une loi plus large que le texte constitutionnel, n'y a-t-il pas un réel risque de sélection?
Il y a un malentendu sur le genre de sélections que le DPI rend possible. Ce qui a été présenté comme un élargissement de la loi par rapport au texte constitutionnel est motivé par le but d'augmenter le taux de succès de la fécondation in vitro. La sélection que le DPI rend possible est principalement celle d'embryons dépourvus d'anomalies majeures qui interrompront son développement bien avant la naissance. Le dépistage d'anomalies chromosomiques compatibles avec la survie, comme la trisomie 21, continuera d'être fait par les méthodes de dépistage prénatal classique qui s'adressent à toutes les femmes enceintes.
L'analogie avec l'eugénisme d'antan ne tient pas parce que celui-ci visait un effet sur la population en général et se servait de mesures autoritaires, comme la stérilisation des «indésirables». On est très loin des instruments actuels de diagnostic qui servent à donner aux femmes et aux couples un choix face à la perspective d'une maladie grave de leur enfant. Parmi toutes les méthodes d'analyse génétique existantes, le DPI est au fond celle qui a le moins de potentiel eugénique, précisément parce qu'elle est ciblée sur des catégories minoritaires de personnes, à savoir les couples qui ont des antécédents d'une maladie génétique précise et les couples infertiles qui ont une histoire clinique de fausses couches ou d'autres problèmes survenant au cours de la grossesse.

Bonjour, est-ce que le DPI permet de savoir si son enfant va voter à droite ou à gauche plus tard? Ou d'abord à gauche puis à droite et inversement? Merci de vos lumières scientifiques. G.
On se fait beaucoup d'illusions sur le pouvoir prédictif de l'information génétique. La génétique humaine est née de la médecine et elle est donc surtout bonne pour identifier les gènes impliqués dans des maladies. Elle est faible quand il s'agit d'identifier la base génétique éventuelle de traits de comportement. D'autant plus que ces traits de comportement sont souvent le résultat d'une interaction immensément complexe entre le génome, l'environnement et la biographie des personnes. Donc non, le DPI, ni la génétique en général ne permettront jamais de faire une telle prédiction."

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Décidément, légalisons le diagnostic préimplantatoire

Vous avez vu Infrarouge, la semaine dernière? Autour du diagnostic préimplantatoire, les personnes qui veulent défendre les embryons sont fâchés. C'est normal, il faut les comprendre. L'interruption de grossesse a été légalisée. Suite à un vote populaire, rien que ça. L'article constitutionnel permettant le DPI a été accepté l'an dernier, à nouveau en vote populaire.  La commission nationale d'éthique a elle aussi majoritairement recommandé l'autorisation du DPI en 2013. Et maintenant, on vote à nouveau sur la même question que l'an dernier. De plus en plus de personnes prennent aussi conscience que la nature ne garde pas non plus tous les embryons. La part la plus disputée du DPI, l'examen des chromosomes chez les personnes stériles, ne fait rien d'autre que permettre d'identifier les embryons que la nature ne laissera pas grandir. Non, les personnes qui veulent à tout prix que tous les embryons vivent, elles n'ont pas le vent en poupe.

C'est aussi normal, ça. Vouloir interdire le DPI, ce n'est pas seulement vouloir défendre la vie des embryons. Si vous voulez interdire le DPI, vous ne voulez pas seulement éviter d'y avoir recours. Vous voulez aussi empêcher les autres d'y avoir recours. Vous voulez les contraindre à agir comme s'ils pensaient comme vous. Là est le hic, bien sûr... Car personne ne songe à rendre le DPI obligatoire. Il s'agit de savoir si cette option sera légale ou non. Si vous pensez qu'un embryon est une personne comme vous et moi, il est évident que vous n'allez pas avoir recours à cette technique. En revanche, on vous demandera s'il vous plait d'avoir le même respect pour ceux qui ne pensent pas comme vous.

Le peuple ne s'y est pas trompé l'an dernier. Les personnes qui ont recours au DPI n'ont pas de buts sinistres. Ce sont des personnes sensées, lourdement touchées par le sort. Certaines ont déjà perdu un enfant. Ces parents ne veulent pas un enfant parfait. Ils veulent un enfant tout simplement. Ces personnes méritent un peu de confiance. Il faut évidemment voter oui une nouvelle fois.

La RTS a fait un petit sujet au téléjournal l'autre jour. Il clarifie bien ce dont il s'agit. Regardez-le et dites-nous ce que vous en pensez. Et au passage, vous avez vu qu'ils ont quand même réussi à glisser une référence à GATTACA? Terrible, ça. Car évidemment le DPI ça ne permet en rien de manipuler les gènes des embryons. On regarde, juste. Et ça ne permet pas non plus de sélectionne un 'enfant parfait', évidemment. Il faudrait pour cela avoir un nombre d'embryons nettement plus grand que ce qui est possible. Un peu comme si certaines personnes pensaient, finalement, que les ovules sont aussi nombreuses que les spermatozoïdes. Eh bien non, ce n'est pas le cas, et cela veut dire que même si des savants fous avec un sinistre projet eugéniste existaient vraiment, ils se casseraient les dents sur cette limite...

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Légalisons le diagnostic préimplantatoire

Allons, on reprend dans l'ordre. Pour commencer, il est décidément temps de légaliser le diagnostic préimplantatoire. Je vous en avais parlé l'an dernier, bien sûr. Nous votions alors sur l'article constitutionnel, et maintenant c'est de la loi qu'il s'agit. Cette loi, l'an dernier le parlement l'avait déjà approuvée. Nous avons donc voté en connaissance de cause. Pour rappel, je vous en avais parlé ici, ici, ici, et ici.


Comme nous allons voter à nouveau, et même si c'est sur la même question, un rafraîchissement est utile. Je me suis livrée à l'exercice dans Le Temps. Le lien est derrière le texte:

Maintenir l’interdiction du diagnostic préimplantatoire, c’est accabler les quelques parents concernés, sans réellement protéger personne. Le peuple l’a compris l’an dernier, lorsque nous avons largement accepté l’article constitutionnel. La loi sur la procréation médicalement assistée, sur laquelle nous voterons le 5 juin prochain, avait alors déjà été acceptée par le parlement. On a donc pu se prononcer en connaissance de cause.

Le diagnostic préimplantatoire, la plupart des pays d’Europe l’autorisent déjà. Sous l’angle technique, c’est une méthode pouvant être utilisée lors d’une fertilisation in vitro et qui ne concerne donc potentiellement que 2% des naissances en Suisse. Il permet d’analyser certaines caractéristiques génétiques d’un embryon très précoce pour décider s’il sera implanté, ou non.

Il y a deux raisons de faire cela, et les analyses autorisées seront limitées à ces deux raisons. La première est d’améliorer le taux de succès de la PMA. Certaines anomalies chromosomiques empêchent le développement normal de la grossesse. A ce stade, on ne fait pas une analyse fine. En termes géographiques, on regarde le nombre de cantons sur la carte. On peut voir s'il y en a un qui manque, ou s'il n'a pas la bonne forme, on ne voit pas s'il manque une personne ou qui a déménagé. Dépister ces anomalies, c’est éviter des fausses couches.

La seconde raison d’utiliser le diagnostic préimplantatoire, c’est qu’il permet de diagnostiquer des maladies génétiques. Là, en termes géographiques, on regarde si une personne spécifique est à la bonne adresse. Actuellement, les personnes qui savent qu’elles risquent de transmettre une maladie grave à leur descendance peuvent avoir recours au diagnostic prénatal et à l’interruption de grossesse. Lorsqu’un couple a recours à la PMA dans cette situation, la voie légale en Suisse leur dicte de commencer une grossesse « à l’essai ». Le recours au diagnostic préimplantatoire éviterait ces grossesses et ces avortements.

L’interdiction actuelle du diagnostic préimplantatoire accable donc les couples concernés. En même temps, cette interdiction protège des embryons précoces contre une conception sans implantation. Ceux qui mettent les intérêts de ces embryons devant ceux des couples s’opposent donc à l’autorisation de cette technique.

Qui d’autre est protégé par l’interdiction du diagnostic préimplantatoire ? En fait, personne. Le diagnostic préimplantatoire ne permet pas d’avoir un «enfant parfait». Il faudrait pour cela être capable de tout voir dans les gènes puis de choisir parmi un nombre immense d’embryons. Impossible de voir autant, c’est une limite technologique. Impossible d'obtenir autant d'ovules, ici c'est une limite biologique.

Interdire le diagnostic préimplantatoire ne protège pas non plus les personnes vivant avec un handicap. Les associations de défense du handicap ont alerté sur le risque de stigmatisation si des maladies venaient à être étiquetées comme raison de ne pas implanter un embryon. Ce souci a été entendu. Le cadre légal est neutre, strict, extraordinairement prudent, et ne fera aucun mal aux personnes qui vivent avec un handicap. Continuer d’interdire le diagnostic préimplantatoire ne leur serait en fait d’aucun secours. Refuser la loi serait une mesure alibi, tout juste bonne à nous donner un semblant de bonne conscience à bon marché. Cette impression d’avoir bien fait, on se l’offrirait sur le dos de parents déjà lourdement frappés par le sort, et de couples qui ne veulent rien d’autre qu’un enfant, tout simplement.

La décision de juin dernier était sage : il est temps de légaliser le diagnostic préimplantatoire.

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Décidément, il est temps de légaliser le diagnostic préimplantatoire

Trois très beaux témoignages dans Le Temps d'aujourd'hui. Si ce n'est pas encore fait, allez les lire. Dahlia et Nicolas portent une malformation chromosomique qui limite leurs chances qu'une grossesse arrive à terme. Ils sont passés par trois fausses couches avant d'aller à Bruxelles pour avoir recours au DPI. Jérôme et Valérie ont perdu brutalement un enfant à l'âge de trois semaines avant d'apprendre que le même problème avait une chance sur deux d'atteindre aussi chacun des suivants. Pour eux, le DPI était le seul moyen concevable de donner à nouveau la vie. Sarah et Olivier ont déjà un enfant handicapé, et ne voulaient pas que le suivant le soit aussi. Plutôt que de se lancer dans le parcours du combattant du tourisme reproductif, ils ont finalement renoncé à agrandir leur famille.

Alors oui, décidément il est temps de légaliser le diagnostic préimplantatoire. Mais commencez par aller lire leurs histoires. Après, revenez pour nous dire ce que vous en pensez...

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Il est temps de légaliser le diagnostic préimplantatoire (3)

OK, je vous ai expliqué ici et ici pourquoi c'était un vrai problème que le diagnostic préimplantatoire (DPI) ne soit pas encore légalisé. Mais alors me direz-vous peut-être, si c'est à ce point une solution d'autoriser le DPI, pourquoi ce geste fait-il tant de débat?

Il y a plusieurs raisons. A mon avis, elles ne tiennent pas. En tout cas, elles ne tiennent pas comme raisons de continuer d'interdire le DPI. Mais c'est évidemment ici que je vais vous parler des désaccords. Dites-nous donc ce que vous en pensez dans les commentaires...

Alors allons-y:

Si le DPI soulève à ce point la controverse alors qu'il serait tellement décent de l'autoriser, c'est en partie parce qu’il touche à l’embryon. Et évidemment, le statut de l’embryon est une question qui nous divise. La loi actuelle, cependant, permet le diagnostic prénatal et l’interruption de grossesse. En d’autres termes, en interdisant le diagnostic préimplantatoire, nous protégeons davantage un embryon de huit cellules qu’un fœtus nettement plus formé de 14 semaines. Ce n’est pas défendable.

Certains craignent que l'autorisation d'analyser les gènes ne donne aux parents l'envie de choisir sur cette base un 'enfant parfait', 'zéro défauts', comme sur catalogue. Qu'ils en aient envie...sans doute: cela fait partie du fait de devenir parent, ça, d'avoir plein d'envies irréalistes et d'ensuite faire la connaissance d'une vraie personne qui est différente de tout cela et qui nous surprend. Qu'ils en aient envie, donc, oui sans doute. Mais la technique ne le permet tout simplement pas. Il faudrait pour cela être capable de tout voir dans les gènes, et ce n'est pas possible. Même si nos connaissances étaient beaucoup plus avancées, nos gènes ne nous résument en fait pas à ce point là. En plus, même en supposant qu'on puisse vraiment lire le destin entier de quelqu'un dans son génome, il faudrait ensuite un nombre immense d'embryons pour en choisir un qui soit 'parfait'. Pas possible d'obtenir autant d'ovules, c'est une limite biologique.

Le diagnostic préimplantatoire soulève aussi des craintes d’eugénisme. Mais en fait, les parents qui décident d’y avoir recours n’ont pas ce genre de motivation. En plus, il s’agit ici de leur donner des choix. On est donc loin de l’eugénisme. D'ailleurs un des problèmes de l'eugénisme était précisément l’intrusion de l’état dans des décisions reproductives personnelles. Même si on en reste de toute manière très éloigné, on s'en approche en fait plus en interdisant le DPI qu'en l'autorisant.

Certains craignent malgré cela que les parents se voient contraints par la pression sociale, que ce choix ne soit qu’une illusion. Mais alors la solution n’est pas l’interdiction du diagnostic préimplantatoire : c’est le conseil génétique non directif et la protection en consultation médicale de la liberté de choix des parents.

Certains ont aussi peur que l'autorisation du DPI ne devienne un moyen pour empêcher toujours plus d'enfants handicapés de naître. Cette crainte est touchante, parce qu'elle révèle à quel point nous exagérons le pouvoir de la génétique, et de la médecine en général. En fait, même si nous nous mettions tous à faire des enfants exclusivement in vitro et même si après cela nous avions tous recours au DPI, et encore même si nous examinions toutes les causes connues de handicap liées à la génétique, nous n'obtiendrions pas un monde sans handicap. On peut s'en réjouir ou le déplorer, mais l'important est de le constater. Un nombre croissant de handicaps sont actuellement liés à des causes qui ne sont pas génétiques. Même les causes génétiques ne sont pas toutes connues, et donc on ne sait pas les identifier. En plus, il n'est pas question d'autoriser l'examen de tous les gènes. Si le DPI est autorisé en Suisse, ce sera pour une catégorie très limitée d'anomalies génétiques. Et puis bien sûr, on ne s'attend pas vraiment à voir tout le monde remplacer subitement la procréation 'maison' par la médecine.

Finalement, les associations de défense du handicap nous rendent attentifs au risque de stigmatisation de personnes handicapées si leur maladie venait à être étiquetée comme raison de ne pas implanter un embryon. Ce souci, il faut l’entendre. La loi ne prévoit par conséquent effectivement pas de nommer de maladies mais définit à la place un cadre strict. C'est en fait ici que se situe les enjeux les plus réels. Le projet de loi a fait l'objet de discussions très nourries, et il est finalement arrivé à proposer une solution raisonnable, et très prudente, à un problème difficile. Le cadre, comme il est prévu, ne va pas faire de mal aux personnes qui vivent avec un handicap. Évidemment, on n'aura rien fait non plus pour elles avec cette loi. Leur situation restera inchangée. Cela aussi il faut l'entendre. Nous devons continuer de faire mieux, effectivement, pour donner à tous les moyens de vivre une vie entière et digne même lorsque leurs besoins sont différents.

Mais pour faire cela, continuer d’interdire le diagnostic préimplantatoire ne serait d’aucun secours. En fait, il s’agirait d’une mesure alibi. Elle serait tout juste bonne à nous donner bonne conscience à bon marché. Et on se ferait cette fausse bonne conscience sur le dos de parents déjà lourdement frappés par le sort, et de couples qui ne veulent rien d'autre qu'un enfant, tout simplement.

Nous avons donc interdit le DPI, mais en y regardant de plus près il n'y a pas de bonne raison de maintenir cet interdit. Alors en l'absence d'une bonne raison d'interdire, au nom de quoi, finalement, voudrions-nous décider à la place des couples concernés? Et voilà: une troisième raison pour laquelle il est temps de légaliser le DPI...

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Il est temps de légaliser le diagnostic préimplantatoire (2)

Un des enjeux sur lesquels nous allons voter le 14 juin prochain est le diagnostic préimplantatoire (DPI).

Je vous le disais dans le dernier billet, c'est un geste un peu (pas mal) technique. Je vous avais déjà parlé de certains de ses enjeux ici et ici. C'est aussi un geste qui ne concerne directement que peu d'entre nous. Heureusement, les maladies héréditaires graves sont rares. Mais le DPI sert aussi à autre chose: il améliore l'efficacité de la fertilisation in vitro. Et là, nettement plus de personnes sont concernées. Là, vous connaissez en fait certainement (peut-être sans le savoir) quelqu'un qui aurait été heureux que le DPI soit légal en Suisse. Pourquoi? Pour le comprendre, il faut aller voir de plus près une autre histoire.

Imaginez cette fois que vous essayez de faire un enfant mais que cela ne marche pas tout seul. Vous finissez par consulter un médecin et il se trouve que vous allez devoir avoir recours à la fertilisation in vitro. Vous devrez ici remplir un certain nombre de conditions: être mariés, être suffisamment jeunes pour pouvoir élever votre futur enfant jusqu'à sa majorité. Si ces conditions sont remplies, vous (ou votre femme si vous êtes un homme) allez devoir subir une stimulation hormonale puis un prélèvement d'ovules. Ces ovules, en nombre variable mais forcément limité, seront ensuite mis en contact du sperme de votre mari. Le résultat, si tout va bien, sera un certain nombre d'ovocytes imprégnés.

A ce stade, la loi actuelle permet d'en développer trois jusqu'à un stade où ils peuvent être implantés. Les autres seront congelés et pourront servir à de nouvelles tentatives si ça ne marche pas la première fois. En 2013, 10'975 tentatives ont été faites chez 6180 femmes, et il en a résulté 1891 naissances. En fait, ça n'a marché que pour un peu moins d'un couple sur trois. Pas rien, mais pas non plus immense, comme résultat. Ensuite, évidemment, les couples chez lesquels ça ne fonctionne pas du premier coup peuvent recommencer, mais c'est à chaque fois très éprouvant, cela signifie des fausses couches en partie évitables, et en plus ce n'est pas (mais alors là pas du tout) gratuit.

Le rapport avec le DPI? En fait, une partie des embryons qui ne donneront pas de grossesse, ou qui donneront une fausse couche, on est capable de les identifier si on examine leurs chromosomes. Ce n'est pas une analyse génétique fine. Entre l'analyse génétique et l'examen des chromosomes, il y a une différence qui ressemble un peu (un peu) à la différence qu'il y a entre faire la liste du nom et du domicile de tous les habitants de Suisse d'une part, et d'autre part simplement regarder la taille et l'emplacement des cantons. Les chromosomes, c'est un peu comme les cantons. On voit s'il y en a un qui manque, ou s'il n'a pas la bonne taille ou pas la bonne forme, mais ça ne permet pas de savoir s'il manque une personne à telle ou telle adresse.

Sauf qu'avec la loi actuelle, regarder quels sont les embryons qui ne vont pas donner de naissance, c'est interdit. On est obligé de les implanter tous, trois par trois, et de vivre avec ce taux d'échec alors que l'on sait qu'une analyse assez simple permettrait d'améliorer la technique et de permettre plus de naissances, plus vite, chez un plus grand nombre de couples.

Et voilà, une deuxième bonne raison de légaliser le DPI.

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Il est temps de légaliser le diagnostic préimplantatoire (1)

Un des enjeux sur lesquels nous allons voter le 14 juin prochain est le diagnostic préimplantatoire (DPI). C'est un geste un peu (pas mal) technique, et qui ne concerne directement que peu d'entre nous. Du coup, on comprend mal qu'en fait cela pose de vrais problèmes qu'il soit encore illégal en Suisse. Comme indiqué dans l'image, on ne ferait pas franchement les pionniers en décidant, enfin, de le légaliser. En interdisant le DPI, nous comptons parmi les pays les plus restrictifs d'Europe. Je vous avais déjà parlé de certains de ses enjeux ici et ici. Mais pour mieux comprendre les enjeux, il faut aller voir deux histoires de plus près.

Voilà la première: imaginez qu’une amie vienne vous parler d’un cas de conscience. Sa famille vient de traverser une tragédie. Lors de la naissance de son premier enfant, une maladie génétique rare a été découverte chez lui. Cet enfant n’a jamais pu se développer normalement, et il est décédé en bas âge. A présent, elle et son mari souhaitent avoir un autre enfant. Seulement voilà, ils se savent désormais porteurs de cette maladie, qui peut également survenir lors d’une nouvelle grossesse. Que faire ?

Actuellement, la loi Suisse est claire. S’il veut éviter de revivre ce qu’ils viennent de traverser, ce couple peut adopter, renoncer à fonder une famille, ou alors ils peuvent mettre en route une grossesse ‘à l’essai’. Ils peuvent concevoir un enfant, le porter pour le premier trimestre, pratiquer un diagnostic génétique prénatal, puis interrompre la grossesse si le fœtus est porteur de la même maladie. Là est le cas de conscience que se pose votre amie : a-t-elle le droit de concevoir un enfant en sachant d’emblée qu’elle ne le gardera peut-être pas ?

Le diagnostic préimplantatoire permet d’éviter cela. Il s’agit d’un examen génétique, pratiqué dans le cadre d’une fertilisation in vitro et qui permet de voir avant l’implantation si un embryon est ou non porteur d’une maladie génétique grave. Actuellement cependant, cette technique est illégale en Suisse. Le projet soumis au vote ouvrirait la voie à sa légalisation.

Vu sous cet angle, le diagnostic préimplantatoire n’est pas un problème : c’est une solution. Il permettra une alternative à la ‘grossesse à l’essai’ aux parents. Il n'empêchera pas la venue au monde d'enfants qui, sans lui, seraient nés. Le DPI ne peut se faire que lors d'une fertilisation in vitro, impossible de faire ça dans une grossesse démarrée par soi-même. Et la fertilisation in vitro, on n'a le droit d'y avoir recours que si on est stérile ou s'il n'y a pas d'autre moyen d'éviter la transmission d'une maladie grave à sa descendance. C'est important de le comprendre. Le DPI ne va pas servir à dépister des maladies supplémentaires par rapport à ce qui est autorisé actuellement pendant la grossesse. Il ne permet pas de faire quoi que ce soit contre des enfants. Il permet en revanche de beaucoup aider les parents. Nous cesserions de leur imposer une grossesse à l'essai.

Voilà déjà une première raison de le légaliser.

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Mes collègues: autoriser le DPI

Nous allons voter le 14 juin prochain sur le Diagnostic préimplantatoire. Les avis commencent donc à paraître. Ici, c'est Valérie Junod qui écrit sur une des applications controversées: l'utilisation du DPI pour le diagnostic de la trisomie 21. Le lien est derrière l'extrait:

"Certains considèrent que l’embryon marque le début de la vie et qu’il est sacré, quel que soit le nombre de cellules qui le composent. Dès lors, ces personnes refusent l’avortement, qu’il soit effectué sur un embryon ou un fœtus. De même, elles s’opposent au diagnostic effectué sur un embryon en laboratoire avant implantation dans l’utérus (diagnostic préimplantatoire ou DPI). Le plus souvent, leur opposition est totale, peu importe le motif médical qui sous-tend le DPI. Leur position est cohérente: la vie est absolument sacrée.Pour ceux qui n’ont pas ces convictions, il paraît difficile de s’opposer au DPI. Pourtant plusieurs groupes, notamment ceux représentant les intérêts de personnes handicapées, se sont récemment élevés contre le vote du parlement fin 2014 révisant la loi sur la procréation médicalement assistée; il est prévu de lever l’actuelle interdiction totale du DPI et d’autoriser celui-ci notamment pour ­dépister des trisomies. Leurs critiques se heurtent pourtant aux arguments suivants." 

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Diagnostic préimplantatoire: questions stratégiques

Le débat se poursuit aux chambres fédérales sur le diagnostic préimplantatoire. La situation est actuellement la suivante:

Pour rappel, sous l'angle technique, le diagnostic préimplantatoire c'est une méthode pouvant être utilisée lors de la fertilisation in vitro, qui permet d'analyser quelques caractéristiques génétiques d'un embryon très précoce, avant de l'implanter...ou non.

Toujours pour rappel, sous l'angle humain, le diagnostic préimplantatoire est une méthode qui permet à des couples frappés lourdement par une maladie génétique grave, à des personnes qui ont parfois déjà perdu un enfant, parfois plusieurs, de donner la vie malgré cela sans devoir à nouveau traverser les mêmes épreuves.

En Suisse, actuellement, ce geste est interdit. Cela pose problème, car une des conséquences est que  les couples frappés par une maladie génétique grave et qui souhaite avoir un enfant malgré cela doivent passer par une "grossesse à l'essai". Concevoir un enfant, attendre pour pratiquer un diagnostic prénatal -qui est autorisé- tout en sachant que si la maladie est présente ils avorteront à ce moment et recommenceront.


Le Conseil Fédéral a proposé de légaliser le DPI, ce qui viserait à résoudre ce problème. Il s'est cependant positionné de manière vraiment très prudente. Si prudente, en fait, que le projet proposé aux chambres risquerait de rendre le DPI légal sans le rendre véritablement réalisable en Suisse. Il est par exemple proposé de limiter à huit le nombre d'embryons que l'on pourrait développer à chaque fois pour tester la présence de la maladie et en implanter un qui ne serait pas atteint. Selon les experts, cela aurait pour effet de rendre non rentable la pratique du DPI en Suisse. Les taux de succès ne feront simplement pas le poids par rapport à l'offre disponible à l'étranger. On autoriserait donc, mais virtuellement seulement.
 Cette position très prudente a été suivie par le Conseil des Etats. Il a également suivi le Conseil Fédéral sur le projet d'interdire les diagnostics de trisomies. Il l'a encore suivi en acceptant d'interdire l'analyse des embryons pour la compatibilité HLA en cas de maladie d'un frère ou d'une soeur: ce que l'on appelle parfois le 'bébé sauveur'. Il a finalement interdit l'accès au DPI à tous les couples ayant recours à la fertilisation in vitro pour en limiter l'accès aux couples qui savent qu'une maladie héréditaire grave est présente dans leur famille.

Le Conseil national, lui, a vu les choses autrement. Sa proposition est de ne pas limiter dans la loi le nombre d'embryons que l'on pourrait développer. Ce nombre serait ainsi fixé par les limites biologiques (on ne fait pas un nombre infinis d'ovocytes par cycle, même sous stimulation), et par les règles de l'art médical. Il a aussi proposé d'autoriser le diagnostic des trisomies.

Alors maintenant, quoi? De toute manière, le peuple va à la fin devoir voter car il y a un changement constitutionnel à la clé. La discussion se trouve maintenant en résolution des différences, mais à la fin la décision porte sur quel texte soumettre au peuple. Un texte plus prudent, sans doute, aurait de meilleures chances de passer. On aurait ainsi légalisé le DPI, dans un cadre extrêmement strict. Un texte permettant réellement la pratique du DPI, en revanche, ne pourrait pas être aussi restrictif. Le vrai risque n'est donc sans doute pas de se retrouver à la case départ. Le vrai risque, cela pourrait être de proposer la prudence par souci de compromis, pour se retrouver ensuite avec un texte strictement symbolique, qui ne satisferait personne, et qui bloquerait la situation pour au moins une décennie...

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On reparle du diagnostic préimplantatoire

Ici, vous savez qu'on en parle depuis un certain temps déjà. Je vous propose donc de relire à cette occasion les quelques articles que compte entre temps ce blog sur le sujet.  La Commission nationale d'éthique s'était également exprimée sur le sujet et sa majorité a recommandé la légalisation du diagnostic préimplantatoire, dans des limites spécifiées.  C'est en fait un projet de loi extraordinairement prudent qu'on nous propose ici. Certains le trouvent même tellement prudent qu'il ne changerait en pratique rien dans notre pays. Le DPI limité à huit embryons, comme le propose une des variantes en discussion, offrirait nettement moins de chances d'aboutir à une naissance vivante que les variantes pratiquées à l'étranger. Du coup, comme ce geste continuerait selon toute vraisemblance à être payé par les particuliers, les futurs parents continueraient à s'expatrier.

Ces précaution, ces limites, au nom de quoi les propose-t-on? Certaines sont entièrement raisonnables. Autoriser le DPI pour dépister une caractéristique génétique, OK, mais seulement si c'est un marqueur de maladie grave. Oui, c'est important: on ne voudrait pas autoriser le choix de la couleur des cheveux, de la taille à l'âge adulte.

D'autres arguments sont moins solides. Parmi eux, la crainte souvent exprimée que choisir un embryon plutôt qu'un autre pourrait exprimer que l'autre ne méritait pas de vivre. Cela pourrait aussi, craignent certains, nous décourager de faire des efforts pour rendre nos infrastructures plus faciles pour les personnes handicapées, par exemple. Ou de voir comme une richesse la diversité humaine que certains handicaps complètent. C'est une des raisons pour lesquelles les militants pour les droits des handicapés se sont souvent exprimés contre le DPI. Mais même si tout ça est important, le lien avec la possibilité ou non de pratiquer le DPI est très distant. Serions-nous vraiment plus ou moins capables de respecter nos semblables et de leur faire une place adaptée, simplement parce que quelques personnes auront réalisé une analyse génétique sur leur embryon? Il est de toute manière important défendre ces valeurs, et c'est en fait de cela qu'il s'agit et non du DPI. 

Finalement, restent les soucis habituels pour la protection des embryons. C'est en fait apparemment l'enjeu central pour la plupart des opposants au projet. Un jour, c'est promis, je vous ferai un message de résumé des positions sur le statut moral des embryons humains. Mais en attendant, un défi que j'avais lancé il y a quelques temps tient toujours car je n'ai eu aucunes réponses. Je vous le livre donc à nouveau.

Disons que, juste pour aujourd'hui et pour les besoins de cette discussion, les embryons méritent comme certains le pensent la même protection que vous et moi. Acceptons cela, pour explorer l'étape suivante du raisonnement. Car ces embryons auxquels nous venons de reconnaître pour cette discussion le statut d'êtres humains à part entière, contre quoi, exactement, l'interdiction du DPI les protègerait-elle? Contre la privation d'un avenir à l'état de quelques cellules, congelé dans l'azote liquide? Contre une 'indignité' diront certains,  mais laquelle exactement? Contre une existence de quelques jours sans souffrance ni conscience? Si vous pensez que cette protection-là est suffisamment importante pour justifier une interdiction, dites-nous pourquoi dans les commentaires. Je suis intéressée. Ce qui frappe ici, c'est surtout à quel point nos schémas peuvent être trompeurs. Quand on pense à un embryon, c'est parfois comme si on pensait à un tout petit-très très petit- bébé, qui allait devenir un jour un enfant puis un adulte. On pense au début d'une histoire, à l'alternative de naître. Mais dans la réalité un grand nombre d'embryons ne naîtront jamais même lorsqu'ils auront été conçus 'naturellement'. Et si l'on estimait important de leur épargner ce 'sort', on devrait alors songer à arrêter de faire des enfants...


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Billet d'invité: Diagnostic préimplantatoire

Le diagnostic préimplantatoire est un sujet qui revient régulièrement. Je vous en avais déjà parlé par exemple ici, ici, et ici. Et vous savez aussi qu'un changement de loi est discuté ces temps dans notre pays. Sur ce dossier, qui semblait tout programmé pour réaffirmer le status quo, voilà qu'un changement pourrait se profiler. Un grand merci à Alex Mauron de nous faire un billet d'invité:

Le diagnostic préimplantatoire (PID): voilà un serpent de mer bioéthique d’une rare longévité dans notre pays. Ce blog s’est fait plusieurs fois l’écho des controverses concernant cette technique de diagnostic génétique précoce qui porte sur des embryons obtenus par fécondation in vitro. On sait que le DPI est interdit en Suisse, mais qu’il y a depuis pas mal d’années un consensus majoritaire dans les milieux médicaux et politiques pour l’autoriser sous conditions. En juin dernier, le Conseil fédéral avait proposé de lever l’interdiction et formulé un projet de règlementation très restrictif. Ce qui faisait problème, c’est principalement la limitation portant sur le nombre maximum d’embryons qu’il serait permis d’obtenir et de tester, ce nombre étant fixé à huit par cycle. C’était rendre tout la procédure très difficile, voire éthiquement discutable, au vu de la qualité dégradée du service ainsi proposé. C’était somme toute une façon habile de botter en touche et de cesser d’interdire le DPI sans l’autoriser vraiment.

Or une Commission parlementaire vient de jeter un pavé dans la mare. La Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil des États propose une réglementation du DPI plus ouverte sur deux points cruciaux. Le premier est justement l’abolition de la limite portant sur le nombre d’embryons. Le second est l’autorisation du dépistage d’aneuploïdie des embryons par le moyen du DPI. Pour la première fois, une proposition réaliste de légalisation du DPI est sur la table et il faut saluer le courage politique de le Commission, qui ne lui vaudra pas que des amis. Le second point, à savoir la question du dépistage d’aneuploïdie, n’est pas moins importante mais moins souvent évoquée. Le DPI « classique », celui qui a alimenté les discussions depuis vingt ans, vise le diagnostic d’une anomalie de tel ou tel gène particulier, associée à une maladie dite « mendélienne » d’ores et déjà présente dans la famille et que le couple souhaite éviter à sa progéniture. Ce DPI-ci s’adresse à un nombre restreint de couples, précisément parce qu’il présuppose une histoire clinique bien particulière. Le dépistage d’aneuploïdie, lorsqu’il sera réellement au point, visera une toute autre finalité. En effet, il cherche à identifier les embryons atteints de défauts chromosomiques majeurs, généralement incompatibles avec le développement de l’embryon au-delà des premiers stades. Or on estime que ces défauts fréquents contribuent à abaisser le taux de succès de la fécondation in vitro. Ce dépistage n’est donc pas un diagnostic génétique au sens strict mais plutôt une étape intermédiaire de la fécondation in vitro, destinée à améliorer les chances d’obtenir un embryon viable et une grossesse menée à terme. Il pourrait donc un jour faire partie intégrante d’un protocole normal de fécondation in vitro, pertinent pour une bonne partie des couples en traitement pour infertilité. Le champ d’application potentiel de ce DPI « nouvelle manière » est donc bien plus grand et les problèmes d’éthique soulevés en partie différents. On ne sait pas à ce stade laquelle des technologies en lice - principalement issues des progrès de la génomique - s’imposera en définitive pour le dépistage d’aneuploïdie, mais on peut parier que cette technique figurera en bonne place des méthodes de traitement de l’infertilité dans un proche avenir.

La majestueuse lenteur avec laquelle la politique suisse digère la question du DPI a fait que cette technique aura eu le temps de changer assez radicalement de nature. La leçon à en tirer ? Le traitement des questions bioéthiques, ce n’est pas le dessin d’académie. On ne peut pas demander aux technologies controversées de prendre la pose indéfiniment, jusqu’à ce que philosophes, éthiciens, scientifiques, politiciens et leaders d’opinion aient concocté un compromis acceptable. Il nous faut une bioéthique qui fonctionne en temps réel.

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Diagnostic préimplantatoire: voyage aux limites de la démocratie

Le Conseil fédéral propose de légaliser le diagnostic préimplantatoire. Il est grand temps. Oui, il est grand temps. Un très bel éditorial, récemment, dans Le Temps sur ce point. Petit rappel:

Sous l'angle technique, le diagnostic préimplantatoire c'est une méthode pouvant être utilisée lors de la fertilisation in vitro, qui permet d'analyser quelques caractéristiques génétiques d'un embryon très précoce, avant de l'implanter...ou non. 

L'Académie Suisse des Sciences Médicales avait fait sur cette technique un factsheet très utile, auquel je vous renvoie pour les questions techniques.

Sous l'angle humain, le diagnostic préimplantatoire est une méthode qui permet à des couples frappés lourdement par une maladie génétique grave, à des personnes qui ont parfois déjà perdu un enfant, parfois plusieurs, de donner la vie malgré cela sans devoir à nouveau traverser les mêmes épreuves. 

Sous l'angle éthique, c'est une technique qui soulève des passions contre elle. Je vous les avais décrites il y a quelques temps. Si on examine ces arguments, on constate en revanche que malgré tous les soucis soulevés, les points en faveur de la légalisation du DPI sont assez forts. On est - pour faire simple - face à un enjeu de liberté reproductive, un des droits personnels les mieux protégés, à laquelle on oppose des limites. Des limites peuvent en théorie être justifiées même si la liberté reproductive est importante, mais elles doivent avoir une justification. C'est là qu'est le hic: ici, leur justification est questionnable. A l'heure actuelle, interdire le DPI pour protéger des embryons équivaudrait par exemple à l'imposition à tous d'un avis de minorité sur le statut de ces embryons.

Ce n'est donc pas surprenant que le Conseil fédéral recommande la légalisation du DPI. Jusque là, c'est une bonne nouvelle.

Les choses se compliquent à l'étape suivante. Les limitations qu'il comporte font de ce projet une proposition extraordinairement prudente. A priori, pourquoi pas? On veut après tout éviter des dérives. Mais quelles dérives? Une des limites proposées est crédible: autoriser le DPI pour dépister une caractéristique génétique, OK, mais seulement si c'est un marqueur de maladie grave. Oui, c'est important: on ne voudrait pas autoriser le choix de la couleur des cheveux, de la taille à l'âge adulte. Les autres limites sont en revanche nettement plus discutables. Le problème le plus sérieux est que le projet limite le nombre d'embryons autorisés à huit. Dans la Constitution, rien que ça. Selon les experts, cela aurait pour effet de rendre non rentable la pratique du DPI en Suisse. Les taux de succès ne feront simplement pas le poids par rapport à l'offre disponible à l'étranger. On autoriserait donc, mais virtuellement seulement.

Cette limite de huit embryons, pourquoi huit? C'est assez mystérieux. Pour protéger les embryons, à nouveau? Mais alors pourquoi autoriser le DPI? Sans doute est-ce davantage pour pouvoir dire que la position proposée est un compromis. Pour la rendre plus acceptable. Nous allons devoir voter, après tout. Un article constitutionnel est en jeu. Si c'est là la raison, nous serions sur le point d'autoriser une technique, tout en la rendant irréalisable dans les faits. Nous ferions cela car il semblerait insoutenable devant le souverain de maintenir cette technique illégale, mais aussi de la rendre possible. Voyage aux limites de la démocratie, je vous l'annonçais en titre. Le débat devrait être intéressant à plus d'un titre, donc. A l'approche du vote, nous serons face à une expérience sociale peu banale. Un dossier à suivre...

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Diagnostic préimplantatoire: la consultation c'est maintenant

Sous l'angle technique, le diagnostic préimplantatoire c'est une méthode pouvant être utilisée lors de la fertilisation in vitro, qui permet d'analyser quelques caractéristiques génétiques d'un embryon très précoce, avant de l'implanter...ou non.

Sous l'angle humain, le diagnostic préimplantatoire est une méthode qui permet à des couples frappés lourdement par une maladie génétique grave, à des personnes qui ont parfois déjà perdu un enfant, parfois plusieurs, de donner la vie malgré cela sans devoir à nouveau traverser les mêmes épreuves.

En Suisse, actuellement, ce geste est interdit. Du coup, notre loi actuelle crée une situation où les couples frappés par une maladie génétique grave et qui souhaite avoir un enfant malgré cela doivent passer par une "grossesse à l'essai". Concevoir un enfant, attendre pour pratiquer un diagnostic prénatal -qui est autorisé- tout en sachant que si la maladie est présente ils avorteront à ce moment et recommenceront. C'est difficile d'imaginer à quel point cette démarche peut être tragique. Aux yeux de ces couples, donc, et des médecins qui les suivent dans leur parcours, il est évident que le diagnostic préimplantatoire, loin d'être un problème, est en fait une solution. Et pourquoi pas? Clairement, il est plus responsable d'y avoir recours que de prévoir en quelque sorte d'emblée une interruption de grossesse.

Cet aspect de la question est longtemps resté au second plan derrière le difficile enjeu du statut de l'embryon, que le DPI soulève bien sûr également. Mais un projet de loi est actuellement en consultation dans notre pays pour une autorisation encadrée du DPI. Il était temps, diront certains. D'autres pourraient y voir des problèmes, mais il semble que le projet présenté ait pour le moment récolté peu d'opposition. Peut-être n'est-ce pas surprenant. Légaliser le DPI, en Suisse, aujourd'hui, c'est sage. La loi actuelle, pourtant écrite sur de très bonnes intentions, ne protège en fait personne. Elle ne protège pas les parents, qui se trouvent face à des choix encore plus tragiques. Ce fardeau, la loi actuelle l'imposait au parents au nom de deux autres considérations, qu'elle ne remplit en fait pas non plus.

D'abord, elle ne protège pas les embryons. Ou alors, contre quoi? Même en faisant abstraction du fait que nos société n'ont aucun consensus sur le statut de l'embryon et le degré de protection morale qu'on lui doit, la réponse n'est pas simple. Disons que, pour cette discussion, on accepte que les embryons doivent être protégés comme vous et moi. Contre quoi, exactement, l'interdiction du DPI les protège-t-elle? Contre le fait d'être généré? Pour dire les choses très concrètement, contre une existence de cinq jours à l'état de quelques cellules, et dont l'alternative est de ne jamais avoir existé? Si vous pensez que cette protection-là est suffisamment importante pour imposer un fardeau aux parents, dites-nous pourquoi dans les commentaires. Je suis intéressée. Mais ce qui frappe, là, c'est surtout à quel point nos schémas peuvent être trompeurs. Quand on pense à un embryon, c'est parfois comme si on pensait à un tout petit-très très petit- bébé, qui allait devenir un jour un enfant puis un adulte. On pense au début d'une histoire, à l'alternative de naître. Mais dans la réalité un grand nombre d'embryons ne naîtront jamais même lorsqu'ils auront été conçus 'naturellement'. Et si l'on estimait important de leur épargner ce 'sort', on devrait alors songer à arrêter de faire des enfants...

Une autre raison de la loi actuelle est le souci que choisir un embryon plutôt qu'un autre pourrait exprimer que l'autre ne méritait pas de vivre. Cela pourrait aussi nous décourager de faire des efforts pour rendre nos infrastructures plus faciles pour les personnes handicapées, par exemple. C'est une des raisons pour lesquelles les militants pour les droits des handicapés se sont souvent exprimés contre le DPI, même si un certain nombre ne semble pas s'opposer au projet de loi en consultation. Alors oui, protéger les droits des personnes vivant avec un handicap, et défendre leur accès aux moyens de mener une vie digne et aussi libre que possible, c'est crucial. Mais ces personnes, justement, ne sont pas des embryons; interdire le DPI ne les protège pas. Serions-nous vraiment plus ou moins capables de respecter nos semblables et de leur faire une place adaptée, simplement parce que quelques couples auront réalisé une analyse génétique sur leur embryon? Il est de toute manière important défendre ces valeurs. Se dire que maintenir l'interdiction du DPI les protègera, cela ressemble à de la bonne conscience artificielle. Ces valeurs sont importantes. Beaucoup trop pour qu'on se rassure ainsi d'une mesure qui, en fait, ne les protège pas.

Alors oui, autoriser le DPI suppose un certain nombre de précautions, mais parmi les projets raisonnablement imaginables, celui qu'on nous propose est plutôt très prudent. Si vous avez le temps de le lire, dites-moi ce que vous en pensez...

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Diagnostic préimplantatoire: une position basée sur les faits

La procréation médicalement assistée et le diagnostic préimplantatoire (ou DPI) sont cette année à l'agenda politique en Suisse. En guise d'introduction au sujet, l'Académie Suisse des Sciences Médicales a publié un très joli 'factsheet'. Résumé des faits et prise de position, ce document aborde les problèmes soulevés par la législation suisse en matière de fertilisation in vitro, et de diagnostic préimplantatoire en cas de maladies génétiques.


Ce document est un excellent point départ pour toute personne intéressée par le sujet.

Pour donner le ton, voici le paragraphe des recommandations:

"Dès lors, l'ASSM a les attentes suivantes :

• Une législation conforme aux standards médica
ux est indispensable.
• Le DPI doit être autorisé en présence d'une indication médicale claire (par ex. en cas de
suspicion d'une maladie héréditaire) Le DPI doit être interdit lorsqu'il vise à déceler chez l'embryon des caractéristiques n'ayant aucune influence sur sa santé.
• Tous les embryons ne devraient plus être obligatoirement implantés. Les embryons surnuméraires peuvent être congelés pour un traitement ultérieur. Lorsque les embryons ne
sont plus utilisés, ils peuvent être détruits ou mis à la disposition de la recherche sur les cellules souches.
• Le don d'ovules doit être autorisé au même titre que le don de sperme."

"Une législation conforme aux standards médicaux": voilà qui peut paraître évident. Sauf qu'en Suisse, la loi limite le nombre d'embryons développés à chaque cycle, et que cette limite ne correspond pas aux standards médicaux actuels.

"Le DPI doit être autorisé en présente d'une indication médicale claire": actuellement, les couples suisses qui se trouvent face à 'une indication médicale claire' doivent avoir recours à un voyage à l'étranger. Cette pratique s'exerce donc dans le cadre d'un tourisme médical, sans contrôle possible par le législateur suisse. Dans certains pays, leur prise en charge est couverte par un système de santé étatique, donc aux frais de contribuables d'un autre pays. Ce serait généreux si c'était explicite et volontaire, mais en l'état c'est injuste.

"Le DPI doit être interdit lorsqu'il vise à déceler chez l'embryon des caractéristiques n'ayant aucune influence sur sa santé.": c'est l'interdiction de la sélection de caractéristiques comme la couleur des yeux, par exemple. Mais c'est aussi le maintien de l'interdiction de la sélection pour histocompatibilité, ou 'bébé du double espoir'. Ce point est un de ceux que le document n'aborde pas explicitement. Et c'est bien sûr aussi un des points controversés, en Suisse comme ailleurs. Je vous avais fait dans le temps un billet sur ce sujet. C'est aussi un point sur lequel, lentement, du recul est disponible. Ici, par exemple, l'histoire d'un cas datant à présent de 20 ans. Alors oui, on a sans doute tendance à raconter davantage les histoires qui se passent bien. Mais ici aussi cela reste important de partir des faits.

"Les embryons surnuméraires peuvent être congelés pour un traitement ultérieur.": ici encore, c'est se mettre en conformité avec les standards médicaux. C'est aussi éviter les grossesses multiples, et ainsi des risques pour les mères.
Sur un autre registre, c'est pourtant un point qui pourrait faire l'objet d'un débat scientifique un brin technique. En raison de l'interdiction de congeler des embryons, la Suisse a jusqu'à présent inventé le concept un peu byzantin du 'pré-embryon' pour congeler des ovules fécondés avant la jonction des noyaux (c'est ça que montre l'image). J'ai récemment assisté à une conférence où il était décrit que le succès de cette technique serait comparable, voire supérieure, à la congélation d'embryons de quelques heures plus vieux. Affaire à suivre, donc. Mais ce point est aussi l'illustration d'un enjeu plus général: interdire une technique spécifique dans un champ où les progrès scientifiques sont plutôt rapides devient très vite étrange. Car quel principe défend-on au juste en obligeant de congeler quelques heures plus tôt?

"Le don d'ovules doit être autorisé au même titre que le don de sperme.": comme pour le reste du document, le principe de base est ici 'réglementer au lieu d'interdire'. Il y a un potentiel d'abus dans le don d'ovules. Mais justement, c'est ces abus que la législation devrait cibler. Mais là, j'ai un groupe d'étudiantes qui planchent sur la question en ce moment. Peut-être que j'arrive à en convaincre une de vous faire un billet invité ces prochains temps?

De la matière à discuter, donc. Et il reste des points que le document n'aborde pas. Parmi eux, on l'a vu, le DPI pour la sélection d'histocompatibilité. Mais aussi la limitation de la procréation médicalement assistée et du DPI aux cas où "la stérilité ou le danger de transmission d’une grave maladie ne peuvent être écartés d’une autre manière". C'est un point délicat à appliquer, ça, car il est sujet à interprétation. Littéralement, il impliquerait que si l'on pouvait éviter la stérilité ou la transmission d'une maladie grave en changeant de conjoint, cette option serait à préférer. Bien sûr, personne ne va l'appliquer comme ça. Mais cela pourrait aussi signifier que si l'on pouvait avoir recours à une grossesse 'à l'essai' et à un diagnostic prénatal, alors le DPI resterait interdit. Et cela, bien sûr, serait alors tout aussi inacceptable.

Je vous le disais: un bon point de départ dans ce qui s'annonce comme un débat intéressant.

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Un enfant pour en sauver un autre

Vous vous rappelez des discussions s'il y a 15 jours, sur le 'bébé médicament'? Bon, 15 jours ce n'est pas si long. Mais je dois dire que ma première réaction (et celle de quelques collègues qui se reconnaîtront) a été de trouver que les médias ont parfois la mémoire courte. Car cette histoire du premier 'bébé du double espoir' né en France aurait dû nous rappeler ici quelque chose d'il y a pas si distant. En 2007, l'histoire d'Élodie et Noah faisait la Une chez nous.

Malgré l'humour plutôt grinçant que ces cas suscitent, ce sont des situations sérieuses. Elles concernent des parents dont un enfant nécessite une greffe de moelle osseuse, dont les indications sont en général des maladies graves. S'il n'y a pas de donneur apparenté, et que les chances d'obtenir un don sur les listes internationales est trop distant, ces parents ont parfois recours à...une augmentation des personnes apparentées. En d'autres termes, ils ont un autre enfant. Cette possibilité leur est ouverte avec ou sans aide, c'est après tout leur droit. Mais comment savoir si cet enfant sera compatible comme donneur? Ou même s'il sera lui aussi atteint de la maladie qui frappe son grand frère ou sa grande sœur? Le diagnostic préimplantatoire, un test génétique réalisé sur une cellule d'un embryon conçu par fertilisation in vitro, permet de répondre à la première question, et dans certains cas à la deuxième. Il est alors techniquement possible de n'implanter qu'un embryon à la fois sain et compatible.

Ce petit geste, qui nécessite quand même une procréation médicalement assistée, soulève une foule de controverses. En Suisse, il est interdit: les parents qui veulent y avoir recours doivent donc aller à l'étranger. Et lorsque le diagnostic préimplantatoire inclu la sélection d'un embryon pour permettre un don de sang de cordon (ou parfois de moelle) dans la fratrie, on sent la tension monter. L'argument qui est alors opposé est généralement celui de l'instrumentalisation: l'interdiction d'utiliser un être humain seulement comme un moyen, et non comme 'un but en soi', donc comme un être ayant une valeur propre indépendamment de son utilité pour autrui.

Le problème, c'est que le problème de l'instrumentalisation n'est pas que la personne soit utile à autrui. C'est de limiter son importance à cela. Cette critique revient donc à accuser ces familles de ne pouvoir considérer cet enfant que comme une sorte de réservoir à tissus humains, d'être incapables de l'aimer comme ils aimeraient un enfant conçu autrement. Sérieux, comme accusation, ça. Et pas très réaliste. Lorsque la question est placée explicitement sur la table, on assiste d'ailleurs à des contorsions intéressantes pour éviter cette conclusion. La Commission Nationale d'Ethique, qui a publié deux prises de positions sur le diagnostic préimplantatoire, qui était divisée lors de la seconde, et qui a soigneusement évité de porter cette accusation, offre un exemple de ces contorsions dans ce passage:

"Les membres de la commission qui s'opposent à la légalisation du typage tissulaire par DPI en Suisse s'appuient eux-mêmes sur des considérations purement éthico-sociales et ne remettent pas eux non plus en cause la décision individuelle des parents."

Etrange évaluation éthique, qui juge éthiquement répréhensible une pratique dont les acteurs sont par ailleurs jugés parfaitement honorables...Alex Mauron le commentait il y a quelques temps lors d'un débat à la radio que vous trouverez ici. C'est sans doute là le reflet de notre inconfort. Car tout autour de nous, dans les situations que la technique médicale n'atteint pas, les exemples sont légion: on a un deuxième enfant pour compléter la famille, pour donner un compagnon au premier, pour se conformer à un certain idéal social, pour ne pas regretter plus tard de ne l'avoir pas fait, pour...pour...pour... toute une série de choses. Et l'on estime que tous ces choix sont...parfaitement honorables. Un peu exigés, parfois, même. Une amie me disait il y a quelques temps qu'elle 'ne savait pas qu'en ayant un premier enfant elle signait un contrat avec la société pour en avoir un deuxième'.

Qu'est-ce que la technologie change à ça? Un certain nombre de choses, sans doute. Mais pas la question de l'instrumentalisation. Et est-ce réellement, à la base, plus problématique de faire un deuxième enfant pour sauver la vie du premier? Tant que le problème est rattaché à ce pour, on doit admettre que l'argument est plutôt faible...

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Vos favoris de 2010

Ouf, de vraies vacances après le soulagement de la fin de la grève de la faim de Bernard Rappaz.

Et ce n'est pas chaque année qui débute par une éclipse! Du coup je me permets de vous mettre en intro cette magnifique photo de celle de mardi prise par Thierry Legault, avec... en petit en haut à gauche...non mais vous avez vu?... la Station Spatiale Internationale!...Impressionnant.

Mais là, c'est de nouveau le moment de vous faire un best of! Comme l'an dernier, je me base sur la fréquence de vos visites pour vous en faire la liste.

Voici donc, dans l'ordre inverse comme il se doit, les 10 pages les plus lues de 2010:


10- Les émotions qu'on ignore

9- La réforme du système de santé américain


8- Une éthique basée sur la science ?


7- Encore la nutrition forcée

6- Cas à commenter: un boxeur

5- Solidarité avec les catholiques

4- Rappaz: la quatrième solution?

3- Euthanasie ?

2- Soigner le choléra


Et là vraiment vous êtes chou, car l'article le plus lu de 2010 a été:

1- Dons pour Haïti


Celles-là, c'est les plus lues écrites en 2010. Mais parmi celles qui ont été écrites avant, quatre restent dans le top ten des visites. Fugace, la blogosphère? En tout cas les voilà:

4- On reparle d'avortement

3- Le choléra comme symptôme

2- Don d'organes: la Suisse mauvaise élève


1- Diagnostic préimplantatoire

Bonne (re)lecture! Et bonne année 2011 à tous.

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Vos favoris de 2009

Ce blog a désormais assez d'âge pour que je me permette un best of!

Alors, malgré les déboires récents de la démocratie là d'où je vous écris, et parce que vous êtes des gens éclairés n'est-ce pas, je me base sur la fréquence de vos visites pour vous en faire la liste.

Voici donc, dans l'ordre inverse comme il se doit, les 10 pages les plus lues de 2009:


10: Quand l'altruisme est dans notre intérêt

9: Initiative sur l'assistance au suicide en EMS

8: Un très très mauvais anniversaire

7: Quelques conseils en cas de pandémie

6: Le créationnisme européen

5: Diagnostic préimplantatoire

4: On reparle d'avortement

3: La culture scientifique, c'est quoi?

2: Rougeole, une épidémie d'ignorance

Et clairement, de loin, la page la plus lue:

1: Don d'organes: la Suisse mauvaise élève

Bonne (re)lecture! Et bonne année 2010 à tous.

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Diagnostic préimplantatoire

Il s'agit d'une intervention strictement réservée à la fertilisation in vitro, qui permet d'analyser quelques caractéristiques génétiques d'un embryon très précoce, avant de l'implanter...ou non.

Ce geste microscopique, montré dans l'image ci-contre, focalise une foule de discussions éthiques. On en reparle ces temps depuis qu'un couple britannique s'en est servi pour sélectionner un embryon dépourvu d'un gène de prédisposition au cancer du sein.

Où est le problème? Il est exprimé de plusieurs manières, mais en fait la controverse éthique est intense, et cet enjeu va sans doute figurer en même temps à l'ordre du jour des États généraux de bioéthique en France et à celui du législatif ici en Suisse.

Pour les opposants, la sélection d'un embryon signifie ne pas en sélectionner un autre, et voilà qu'une décision humaine décide qu'un enfant naisse et non un autre.
Bon, vous me direz peut-être que la plupart d'entre nous ne voient aucun problème à choisir avec qui ont fait des enfants, et que ça aussi ça opère une sélection entre ceux qui naissent et les autres...

Essayons un autre argument: choisir un embryon plutôt qu'un autre pourrait exprimer que l'autre ne méritait pas de vivre. Cela pourrait aussi nous décourager de faire des efforts pour rendre nos infrastructures plus faciles pour les personnes handicapées, par exemple. Ou de voir comme une richesse la diversité humaine que certains handicaps complètent. C'est une des raisons pour lesquelles les militants pour les droits des handicapés se sont souvent exprimés contre le DPI. Mais même si tout ça est important, le lien avec la possibilité ou non de pratiquer le DPI est très distant. Serions-nous vraiment plus ou moins capables de respecter nos semblables et de leur faire une place adaptée, simplement parce que quelques personnes auront réalisé une analyse génétique sur leur embryon? Il est de toute manière important défendre ces valeurs, et c'est en fait de cela qu'il s'agit et non du DPI.

Autre argument des opposants, pratiquer cette sélection revient à de l'eugénisme, ou tout au moins 'est teinté' d'eugénisme, ce qui en fait un acte à éviter à tout prix. Le problème avec cet argument est double. Premièrement, c'est opérer un raccourci très rapide entre des décisions d'individus libres, et une contrainte opérée par un état totalitaire. C'est même vertigineux. D'autre part, c'est un argument qui a l'effet de bannir le débat.

Car pour un couple ayant recours à la FIV et qui ne souhaite pas transmettre une maladie à sa descendance, quelles sont les options légales? Implanter l'embryon, le porter quelques semaines, pratiquer une amniocentèse, réaliser les mêmes analyses que l'on aurait pratiquées lors du DPI, pour avoir recours à un avortement dans le cas où la prédisposition est présente. Ceci est parfois considéré comme moins problématique sur le plan éthique, car on décide entre poursuivre et interrompre et non entre un embryon et l'autre. Et aussi parce que le droit de la mère à ne pas poursuivre une grossesse non désirée est entré en scène avec l'implantation utérine.

Mais c'est un peu une évaluation de bibliothèque, ça.

Entre le choix d'accueillir une grossesse en sachant qu'on y coupera peut-être court, ou de décider avant l'implantation si cet enfant sera de la famille, on comprend que le DPI apparaisse du point de vue d'un couple comme une solution plutôt que comme un problème.

Alors qui a raison? Ce genre d'enjeu nous teste. Il révèle non seulement notre difficulté à penser le statut des embryons, mais aussi celle que nous avons parfois à penser le statut des femmes qui les portent (ou non), des couples qui prennent des décisions de procréation (ou non), et...du statut de ce genre de questions très privées, mais qui mobilisent des émotions publiques. Sont-elles personnelles, où à décider ensemble pour tous?

Si on laissait celle-là à la sphère privée, comme on le fait d'ailleurs clairement pour d'autres décisions touchant aux choix d'avoir ou non des enfants, il resterait à savoir quelles analyses révèlent véritablement quelque chose, et quoi. La presse, qui a parlé d'un 'bébé sans cancer', ou d'un 'bébé immunisé contre le cancer', alors que cet enfant garde le même risque que la plupart des gens d'en souffrir un jour, a bien illustré les confusions possibles.

Resteraient aussi les craintes de voir un jour les parents choisir un enfant aux yeux bleus, ou rejeter un futur (insérez ce que vous aimez, un artiste peut-être) au profit d'un (insérez ce que vous n'aimez pas, ces temps-ci peut-être un manager?). Ce genre de craintes sont certes lucides sur ce que certains parents feraient pour 'l'enfant parfait'. Mais c'est se tromper sur le degré avec lequel ce que nous savons de nos gènes ne nous résume pas; le degré avec lequel la sélection d'une humanité uniformisée de type GATTACA serait hors de notre portée, même dans un monde où pour une étrange raison l'humanité aurait entièrement remplacé par la fertilisation in vitro les manières plus agréables de faire des enfants.

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